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Intervention de Pierre-Louis Bras

Réunion du 10 juillet 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Pierre-Louis Bras :

Les Américains ont un regard très critique sur leur pratique médicale et sur leur système de santé en général qu'ils considèrent comme très mauvais. Dans un rapport de 2001, qui a marqué les esprits, ils ont ainsi reconnu que leur système n'était pas adapté à la prise en charge des maladies chroniques, étant fondé, un peu comme le système français, sur le contact opportuniste entre le patient et le médecin – le premier venant demander un soin au second – et sur le paiement à l'acte – le médecin devant prendre une décision sanitaire dans un temps court. Le praticien n'a pas en effet le temps de faire ce qu'exige normalement la prise en charge de patients en ALD, c'est-à-dire un accompagnement et une éducation thérapeutique. C'est ainsi que des études ont montré que 50 % des patients américains ne comprennent pas ce que leur disent les médecins et que si ces derniers devaient se conformer aux standards en matière d'éducation thérapeutique de leur clientèle, ils n'auraient plus le temps de dormir.

Parallèlement à ce versant critique de la réflexion menée dans les pays anglo-saxons en général, s'est cependant dégagé un versant constructif avec la définition d'un chronic care model – modèle de prise en charge des maladies chroniques . Pour bien prendre en charge les ALD, un modèle de santé idéal devrait ainsi reposer sur six piliers :

– possibilité donnée aux producteurs de soins de mobiliser des ressources communautaires, c'est-à-dire de s'appuyer sur des structures d'éducation thérapeutique, des associations de patients, etc., extérieures au système de soins ;

– valorisation et rémunération de la prise en charge, afin d'inciter à la qualité ;

– mise en place d'une organisation en équipe, car l'accompagnement du patient et son éducation thérapeutique ne peuvent relever du seul médecin ;

– soutien et accompagnement du patient, afin qu'il adapte son comportement à la nouvelle manière de prise en charge de la maladie ;

– validation des protocoles scientifiques qui fondent tout travail d'équipe ;

– utilisation, enfin, des nouvelles technologies d'information dans un but proactif et non pas simplement pour élaborer des dossiers informatisés individuels.

Mettre en place un chronic care model suppose donc un bouleversement du système fondé sur des médecins isolés, payés à l'acte, qui ne travaillent pas en équipe et qui ne peuvent mobiliser des systèmes informatiques performants. C'est ainsi que des prestataires de services interviendront pour aider le médecin, grâce essentiellement à des plates-formes téléphoniques permettant à des infirmières de faire de l'éducation thérapeutique, non pas seulement au sens didactique – apporter des informations –, mais également au sens coaching, en aidant les patients à lever leurs barrières psychosociologiques par rapport à des soins qu'ils peuvent mal connaître.

Cette démarche pragmatique est financée par les assureurs sur la base d'un modèle économique selon lequel toute dépense en plus tant en médecine de ville qu'en structures d'accompagnement en faveur des patients permettra d'éviter des complications et donc de faire des économies sur les hospitalisations. Aux États-Unis, ce modèle économique est très controversé car autant l'amélioration de la prise en charge des maladies grâce aux pratiques de desease management fait l'objet d'un assez large consensus, autant la rentabilité à court terme pose problème pour les assureurs.

Dans les systèmes plus intégrés, tel que cela existe aux États-Unis – dans certaines Health maintenance organisations, ou HMO, dont Kayser Permanente ou Veterans Health Care – ou encore au Royaume-Uni, les médecins travaillent en équipe, c'est-à-dire qu'ils sont assistés par des infirmières et par des assistants. Ce n'est donc pas un prestataire de services extérieur, rémunéré par l'assureur, qui fait le travail d'accompagnement puisque celui-ci fait partie du travail d'équipe organisé sous l'autorité du médecin.

Un système de paiement à la performance – le Quality and outcomes framework, ou QOF –, se développe ainsi au Royaume-Uni afin d'inciter les cabinets médicaux britanniques organisés en équipe – soit quatre à cinq médecins, autant d'infirmières et une dizaine d'assistants – à engager le desease management, c'est-à-dire une médecine proactive tournée vers le patient et pas simplement une médecine opportuniste qui attend que le patient vienne consulter.

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