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Intervention de Henri Proglio

Réunion du 12 mai 2010 à 11h30
Commission des affaires économiques

Henri Proglio, président-directeur général d'EDF :

Je me suis mobilisé sur le projet NOME dès avant mon arrivée à la tête d'EDF parce que je savais que ma mission consisterait précisément à préparer l'entreprise aux défis auxquels elle sera confrontée.

Mon ambition pour EDF vise à rétablir et à développer la performance du parc de production français dans les secteurs du nucléaire, de l'hydraulique, du thermique ainsi que des filières renouvelables – nous allons nous en donner les moyens en matière d'ingénierie et de compétences humaines –, mais également à améliorer notre performance sur le plan international, en particulier dans le domaine du nucléaire, et, enfin, à renforcer la proximité avec les consommateurs afin de rétablir avec eux et les élus une relation de qualité.

Naturellement, rien de tout cela ne serait possible sans que les hommes et les femmes du Groupe EDF, confiants et persuadés de la justesse de leur mission, se mobilisent, ou si EDF devait subventionner ses concurrents en vendant sa production en dessous de son prix de revient, ce à quoi aucun groupe industriel ne survivrait. Or j'entends promouvoir avant tout une vision industrielle des enjeux énergétiques.

Je note que, dans la nouvelle version du texte, la ligne générale initialement marquée par le seul objectif de développement de la concurrence à court terme a été en partie rééquilibrée à travers la prise en compte des enjeux d'investissement, lesquels demeurent fondamentaux indépendamment des modèles de marché retenus : si, en effet, les investissements qui s'imposent ne sont pas effectués, ni la sécurité d'approvisionnement ni la compétitivité du prix du kilowattheure ne seront effectives.

Quoi qu'il en soit, parce qu'EDF est favorable au principe de la concurrence, je souhaite parvenir en la matière à une solution solide et équilibrée à travers le respect de trois grands principes.

Tout d'abord, l'ensemble des opérateurs doivent être incités à investir dans des moyens de production : organiser un système fondé sur une concurrence artificielle à partir de la seule activité de commercialisation – laquelle ne représente que 7 % du prix du kilowattheure – serait sans effet réel sur le marché et non viable : aucun « commercialisateur » n'a jamais survécu sans être également producteur.

Ensuite, la nouvelle organisation doit maintenir la gestion intégrée du parc de production d'EDF sans isoler le parc nucléaire, comme cela a été parfois envisagé. Il s'agit là d'une condition de performance essentielle : s'il a été possible de faire face, cet hiver, malgré la faible disponibilité des centrales nucléaires, à des situations climatiques aussi difficiles, c'est grâce à l'optimisation de la production nucléaire, thermique et hydraulique, à l'achat-vente sur les marchés ainsi qu'aux échanges avec les pays voisins.

Enfin, le prix payé pour avoir accès à la production nucléaire d'EDF devra donner ou laisser à l'entreprise la capacité d'exploiter son parc en industriel responsable, ce qui suppose des investissements considérables et en importante hausse en matière de maintenance, de démantèlement des installations et de prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans, les références internationales visant un objectif de soixante ans.

Par ailleurs, j'espère que la discussion parlementaire permettra d'améliorer encore ce projet sur un certain nombre de points et, tout d'abord, sur la question centrale qu'est la « juste rémunération d'EDF », soit le prix de l'ARB.

Dans aucun secteur d'activité économique il n'est possible d'utiliser un outil de production sans en rémunérer le coût complet ; il ne serait ni économiquement juste ni socialement acceptable pour les Français de voir le parc nucléaire ouvert simplement pour maximiser le profit des opérateurs privés ou satisfaire une vision abstraite de la concurrence. Si, à ce que je lis, le prix de démarrage de l'ARB doit être calé sur le niveau actuel du TaRTAM, soit 42 euros, ce qui serait en continuité avec la situation en cours permettant aux consommateurs de passer sans rupture aucune du système actuel à celui de la loi NOME, ce prix devra néanmoins évoluer par la suite jusqu'à couvrir le « coût courant économique » du parc, lequel résulte de la somme de deux paramètres : d'une part, un terme variable, prévu par le projet, correspondant à la somme des coûts supportés chaque année par l'entreprise à compter de la promulgation de la loi et, d'autre part, un terme fixe, en euros constants, correspondant à la couverture et à la rémunération du capital investi Ce terme doit d'ailleurs être fixe car nous ne souhaitons pas discuter chaque année du montant déjà amorti ou des intérêts. Au demeurant, il s'agit de la meilleure façon d'offrir de la visibilité à tous les acteurs du système, des investisseurs aux clients.

Il est essentiel que l'ARB profite en priorité aux industriels qui, en raison de la politique européenne, perdront la protection des tarifs – le TaRTAM puis les tarifs jaunes et verts, à la différence des bleus. Or, l'électricité compétitive, c'est de l'emploi industriel ! J'ajoute que l'ARB permet de concilier offres en concurrence et transfert de la compétitivité du parc nucléaire.

Je rappelle, de surcroît, que ni Bruxelles ni la commission Champsaur ni les particuliers ne considèrent le développement de la concurrence sur le marché des clients domestiques comme une priorité., Une concurrence vive peut, en revanche, se développer pour toutes les autres catégories de clients. C'est précisément pour cela que nous sommes favorables à ce que la loi précise que 70 % au moins des volumes d'ARB sont prioritairement dédiés à la fourniture des entreprises, ce pourcentage correspondant d'ailleurs à la part de la consommation en base des industriels dans la consommation nationale.

De plus, il me semblerait logique que les fournisseurs qui disposent déjà d'une production électrique importante à des coûts inférieurs à ceux du parc nucléaire d'EDF – c'est notamment le cas de l'hydraulique au fil de l'eau par exemple sur le Rhône – n'aient accès à la production nucléaire d'EDF qu'après avoir utilisé leur propre production pour alimenter leurs clients finals en France, faute de quoi ce projet susciterait de purs effets d'aubaine. De la même manière, un encadrement des conditions dans lesquelles les gros consommateurs pourront aller et venir entre tarifs réglementés et prix de marché permettrait-il d'éviter de semblables effets ? Si un droit de retour est parfaitement compréhensible, pratiquer des allers et retours permanents pour faire de l'optimisation sur les différences entre le marché et les tarifs selon les saisons constitue un détournement pur et simple des tarifs réglementés. Appliquées au TaRTAM, ces pratiques nous ont d'ailleurs déjà coûté 250 millions d'euros, certains ayant transformé un filet de sécurité en objet de spéculation financière. Sans l'encadrement de ce droit d'aller et venir qui sera accordé par la loi NOME aux gros consommateurs aux tarifs jaunes et verts, ces mêmes pratiques nous coûteront 400 millions par an, soit 2 milliards d'euros sur les cinq années que durera le dispositif.

Enfin, le caractère transitoire d'un tel système étant fondamental, la décroissance progressive des volumes d'électricité auxquels auront accès les fournisseurs en fin de période doit être inscrite dans la loi. Seule la perspective de cette réduction programmée peut les inciter à développer leur propre approvisionnement, soit par l'investissement direct, soit par des accords industriels avec d'autres producteurs. S'il ne devait pas en être ainsi, l'ensemble du système électrique serait dans une impasse – aucun opérateur n'ayant intérêt à investir – et la sécurité d'approvisionnement de notre pays en péril.

La loi NOME contribuera donc à faire évoluer sensiblement le paysage électrique français, lequel permet aujourd'hui aux ménages et aux entreprises de notre pays de bénéficier d'un prix de l'électricité de 30 % à 40 % plus bas que la moyenne européenne. Ce que l'on qualifie donc parfois de « rente nucléaire » a été intégralement transféré aux consommateurs, toutes catégories confondues, et le maintien de cet avantage compétitif essentiel pour la société et l'économie françaises suppose de poursuivre une politique fondée sur une logique industrielle de long terme.

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