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Intervention de Paul Girod

Réunion du 5 mai 2010 à 17h00
Mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête xynthia

Paul Girod, président du Haut comité français pour la défense civile :

Je vous remercie de l'honneur que vous nous faites en nous recevant, M. Sommade et moi-même.

Le Haut comité français pour la défense civile a été fondé il y a quelque vingt-cinq ans par Maurice Schumann et le général Pierre Billotte, en réaction à la doctrine de défense nationale alors en vigueur, qui reposait presque uniquement sur la dissuasion. En effet, on affirmait alors qu'il ne fallait surtout pas préparer la population civile à se protéger contre une riposte militaire, parce que cela reviendrait à exprimer des doutes sur l'efficacité de la première frappe de la force de dissuasion française. Bien entendu, ce refus de s'occuper des civils hérissait ces élus du peuple : d'où la création de ce Haut comité, destiné à faire pression sur les pouvoirs publics et à promouvoir une conception moins étroite de la défense. Depuis, le temps a passé, et d'une certaine manière, le pari a été gagné, car il n'est désormais plus nécessaire d'envisager la protection de la population contre une contre-frappe.

Maurice Schumann m'avait fait entrer au Haut comité alors que j'étais rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat sur le budget de la sécurité civile. Après sa disparition, les membres du conseil d'administration, parmi lesquels certains membres fondateurs du HCFDC, m'ont proposé d'en devenir le président.

Si le nouveau contexte dans lequel nous nous trouvions à partir de 1998 nous a amenés à nous interroger sur notre utilité, nous avons estimé avoir toujours un rôle à jouer, dans la mesure où l'expression « défense civile » peut être interprétée de différentes manières. Elle inclut notamment la protection de la population, un domaine dans lequel la sécurité civile constitue le bras armé de l'État et des collectivités territoriales. Plus généralement, la défense du pays comporte de nombreux aspects qui ne relèvent pas de la défense militaire. Comme je l'ai dit à tous les ministres de la défense successifs, l'intitulé de leur ministère me gêne, car la défense du pays ne concerne pas seulement les militaires. Il serait plus juste de parler de ministère des forces armées. Or, dans le monde moderne, les civils constituent des cibles autant que les militaires, et ils sont tout autant qu'eux des acteurs de la défense. C'est cette idée qui a été mise en avant lors de la réforme du Haut comité, désormais organisé en plusieurs collèges, dont un collège d'élus, un collège d'experts, un collège des opérateurs d'infrastructures critiques, etc. Nous sommes ainsi un point de rencontre entre l'administration et la société civile autour du concept général de défense civile, dont la sécurité civile est certes un élément important, mais qui recouvre une réalité beaucoup plus large. C'est pour en étudier les ramifications que le Haut comité organise des colloques et des petits-déjeuners débats, ainsi que de nombreuses sessions de formation destinées aux élus, aux hauts fonctionnaires, aux chefs d'entreprise ou aux experts, et où interviennent parfois des responsables étrangers de haut rang.

La défense civile, telle que nous la concevons, inclut des thématiques extrêmement variées telles que la défense économique ou la participation de la population à des actes concernant la défense. Quant à son organisation, vous la connaissez aussi bien que moi. Aux termes de la loi de 2004, le ministère de l'intérieur est aussi celui de la crise. Son rôle, dans ce domaine, a d'ailleurs été renforcé par l'adoption du Livre blanc sur la défense. Deux directions sont plus précisément concernées : la direction de la sécurité civile – DSC – et la direction de la planification de sécurité nationale – DPSN. Sans être tout à fait en concurrence, elles n'en ont pas moins du mal à trouver un langage commun entre elles et vis-à-vis de l'extérieur, y compris à l'égard des administrations territoriales de l'État.

Dans le système actuel, lorsqu'une crise survient, le patron est le maire si elle reste limitée à l'échelle de la commune, et le préfet du département si elle est de plus grande ampleur. Même si on ne sait pas vraiment s'il est placé au-dessus ou à côté du second, malgré l'adoption récente d'un décret sur le sujet, ni qui prend la décision de lui transférer cette responsabilité, le préfet de zone peut également se voir confier dans certains cas la gestion d'une crise, lorsqu'elle excéderait les possibilités d'un département.

Le bras armé du préfet est bien entendu le service départemental d'incendie et de secours. Il disposait auparavant de nombreux autres services lorsqu'il était le responsable par essence de la gestion d'une crise, mais – et cela commence à poser un problème – ses moyens se sont peu à peu amenuisés. Une partie d'entre eux ont été transférés aux collectivités locales, tandis que de nombreux services publics ont été désormais ouverts à la concurrence, parfois après démembrement d'une entité nationale. C'est surtout vrai pour les opérateurs de télécommunications, et un peu moins pour ERDF ou RFF. Il existe toutefois des dispositions spécifiques concernant ce que l'on appelle les opérateurs d'importance vitale, lesquels sont soumis à certaines obligations exprimées plus ou moins clairement et plus ou moins bien ressenties. Ainsi, lors de la pandémie de grippe H1N1, les responsables de sécurité de certains de ces opérateurs ont exprimé des réserves sur la façon dont auraient été transmises les instructions et sur les contrôles effectués sur leur action.

En ce qui concerne la tempête Xynthia, je n'ai aucune compétence particulière, n'ayant pas de lien avec les deux départements concernés. Comme tout le monde, j'ai appris ce que je sais par la télévision. Il me semble qu'une fois sur place, les secours ont travaillé comme ils ont l'habitude de le faire, c'est-à-dire efficacement. S'il y a matière à s'interroger, c'est plutôt sur la manière dont les gens se sont retrouvés exposés à la suite de décisions prises longtemps auparavant : autorisations de lotissement, manque de respect de certaines règles minimales.

Je vis moi-même dans un département où les rivières peuvent causer des inondations brutales. Nous avons ainsi connu, il y a quelques années, une grosse catastrophe à la suite d'une crue de l'Oise. Pour une raison inconnue – on suppose qu'un barrage formé de façon naturelle avait fini par céder en Belgique –, le niveau de l'eau était monté quatre fois plus rapidement que d'habitude. On a vu alors pour la première fois des personnes touchées par l'inondation alors qu'elles occupaient le rez-de-chaussée de leur maison. Autrefois, cet espace était consacré au stockage du bois ou des outils, ou à d'autres usages, mais pas à l'habitation. Or je crains que ce ne soit pas la seule situation dans laquelle on ait oublié les leçons du passé. D'après ce que j'ai vu à la télévision après la tempête, des maisons de plain-pied ont été construites dans des zones où il était déraisonnable de ne pas prévoir des moyens d'évacuation rapide, tels que des trappes de sortie situées sur les toits. Quant à savoir qui est responsable, je me garderai bien d'exprimer une opinion à ce sujet, dans la mesure où les arrêtés de lotissement et les permis de construire étaient sûrement légaux et les délais de recours épuisés depuis longtemps.

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