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Intervention de Roger Genet

Réunion du 5 mai 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Roger Genet, directeur général du Cemagref, président de l'Alliance pour l'environnement :

En ce qui concerne la gouvernance, l'organe décisionnel est le Conseil de l'Alliance, constitué des présidents et directeurs généraux des douze membres fondateurs, qui se réunit tous les mois. De telles rencontres régulières au plus haut niveau sont très nouvelles dans le monde de la recherche et permettent une vraie coordination. Le bureau du Conseil de l'Alliance est constitué du CNRS, de l'Inra, de l'Ifremer et du Cemagref ; il est notamment chargé de préparer les réunions du Conseil. La présidence du Conseil de l'Alliance est assurée, de manière tournante, par chacun des membres du bureau, pour un mandat de deux ans.

La gouvernance à douze n'est évidemment pas simple, et certaines alliances homologues ont choisi d'autres formules : pour l'Alliance pour l'énergie (Ancre) par exemple, c'est une gouvernance à trois, avec un beaucoup plus grand nombre de membres associés. Mais tout dépend du champ d'action : dans le champ environnemental, dans lequel les compétences sont très dispersées, il était important de prendre des décisions collégiales afin d'assurer la coordination la plus grande possible.

Enfin, le Conseil de l'Alliance s'appuie sur un secrétariat exécutif permanent, composé de six personnes – deux personnalités issues du CNRS et de l'INRA, chacune assistée d'un ingénieur de recherche et d'une secrétaire. Cet organe est nécessaire car nous comptons parmi nos missions la structuration des observatoires de l'environnement et nous avons repris le rôle du Comité inter-organismes pour l'environnement, qui était présidé par un institut du CNRS, l'Institut national des sciences de l'univers (INSU).

L'Alliance a constitué quatorze groupes de travail, formés d'experts désignés par chacun des membres, dont onze groupes thématiques – l'alimentation et les défis agronomiques, la biologie des plantes, l'agro-écologie, la biodiversité, le climat, les écotechnologies, les risques naturels, la vie citoyenne et la mobilité, les territoires et les ressources naturelles, le cycle de l'eau, les sciences de la mer et les ressources marines – et trois groupes transversaux – l'évaluation environnementale, les infrastructures de recherche, la prospective en environnement. Ce dernier groupe, constitué des directeurs scientifiques de l'ensemble de nos organismes, devra réaliser la synthèse des avis des groupes thématiques, en vue de définir des priorités de recherche.

Les groupes thématiques, constitués de vingt à trente experts, doivent dresser une cartographie des forces et faiblesses de notre dispositif et faire émerger des priorités. Il reviendra au Conseil d'approuver le plan d'action. Chaque groupe est coprésidé par deux membres issus de deux organismes différents, de façon à ce que tous les organismes membres soient impliqués dans la gouvernance de ces groupes. En juillet, les animateurs de chacun des groupes thématiques nous indiqueront leur plan d'action ; mi-décembre, une deuxième réunion permettra de faire émerger les priorités d'action à proposer au Gouvernement et aux agences de financement, dont l'ANR (Agence nationale de la recherche) et l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Le Gouvernement nous demande également d'être en mesure de donner un avis sur les projets qui pourront être financés par le grand emprunt. Il ne s'agira pas de se prononcer sur le plan scientifique, car nous serions alors juge et partie, mais au regard de nos grandes orientations.

C'est dire qu'une fois créée, une grande infrastructure de recherche comme celle-ci doit vivre sur le long terme, en étant alimentée en moyens humains et financiers, et inscrite dans la stratégie des organismes qui la composent et doivent pouvoir se l'approprier.

Toutes les missions que vous avez évoquées – action à l'international, formation, communication, valorisation – sont déclinées dans la convention de création de l'Alliance.

Notre mission internationale est évidemment essentielle. La convention précise en effet que le champ d'action de l'Alliance recouvre non seulement la France métropolitaine et l'Outre-mer, mais également les pays du Sud. Deux organismes de l'Alliance, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, ont vocation à développer des actions concrètes de recherche environnementale vers les pays du Sud, l'Agence inter-établissements de recherche pour le développement (AIRD) ayant pour mission de mutualiser les financements de ces projets de recherche.

L'objectif est évidemment de favoriser la construction d'une recherche environnementale européenne, au-delà des Joint programming initiatives (JPI), initiatives de programmation conjointes entre États telles que celle, pilotée par la France, sur la maladie d'Alzheimer, celle qui a été lancée en décembre sur le thème de l'agriculture et du développement durable, celle qui concerne l'alimentation et la sécurité alimentaire et celles qui sont en gestation sur l'eau et sur le changement climatique. Ces initiatives sont désormais portées par l'Alliance, au nom du ministère de la recherche, et non par tel ou tel organisme membre.

Construire la recherche environnementale européenne suppose de structurer au préalable la recherche française. Le Cemagref appartient déjà au Partnership for European Environmental Research (PEER), qui regroupe sept organismes européens similaires par la taille et les missions, tels que le Helmholtz Centre for environmental Research allemand, le Centre for Ecology and Hydrology britannique, des instituts de recherche finlandais, suédois et l'institut de recherche environnementale de la Commission européenne, situé à Ispra, en Italie. Mais ce réseau est le seul noyau de structuration de la recherche environnementale européenne. En permettant à nos partenaires d'avoir en France un seul interlocuteur, notre propre structuration favorisera la structuration européenne.

D'ores et déjà, nous menons des actions en direction des pays du Sud. Par exemple, dans le cadre de projets européens, le Cemagref forme au Maghreb des gestionnaires de bassins versants. L'existence de l'Alliance facilite aussi la construction d'un projet franco-allemand visant, dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, à mobiliser l'ensemble des observatoires du littoral méditerranéen sur la problématique de l'accès à l'eau.

S'agissant de la formation, le fait que la Conférence des présidents d'université fasse partie des membres fondateurs de l'Alliance est un signe fort. Dans certains domaines – toxicologie, sciences naturelles –, on manque de formateurs, mais on manque aussi d'étudiants. Il faut multiplier les initiatives concrètes telles que le pilotage à Montpellier par le Cemagref, le Cirad, l'IRD et AgroParistech d'une unité mixte unique, dénommée Tetis (Territoires, environnement, télédétection et information spatiale), dédiée à l'utilisation des données satellitaires pour l'aménagement des territoires. Les gestionnaires de terrain, dans nos directions départementales, ne sont pas du tout formés à l'utilisation de ces techniques de géospatialisation, très peu développées en France ; mais cette unité vise à la développer, grâce aux chercheurs, aux industriels et à la formation intiale et continue dispensée dans le même institut par AgroParistech.

Il est également important que nous communiquions – comme je le fais ici – afin de promouvoir ce qui constitue nos forces, sans masquer nos faiblesses, devant la représentation nationale, les élus et le grand public. C'est à ce titre que nous participerons, aux côtés des trois autres alliances, aux rencontres universités-entreprises qui se tiendront au CNIT les 26 et 27 mai 2010, et auxquels participeront également chacun des organismes membres à titre individuel. Ces derniers étaient également présents au salon international de l'agriculture : à cette occasion, des chercheurs du Cemagref ont dialogué avec des jeunes dans le cadre de l'émission « Pose ta question sur l'environnement », diffusée par la chaîne de l'Assemblée permanente des chaînes d'agriculture, Terre d'Infos. Enfin le Cemagref apportera sa contribution aux manifestations de l'Année de la biodiversité, destinées pour une bonne part d'entre elles à expliquer l'apport de la recherche à la préservation de l'environnement. Regrouper toutes ces initiatives de communication, aujourd'hui très dispersées, sous le seul étendard de l'Alliance leur donnera une plus grande visibilité.

La question de la place du chercheur dans le débat public est fondamentale. La ministre de la recherche a appelé les alliances à désigner des chercheurs pour s'exprimer sur tel ou tel sujet, mais il faut garder présent à l'esprit que la démarche scientifique est fondée sur des hypothèses et aboutit rarement à des certitudes absolues. Le chercheur peut communiquer sur ses travaux de recherche pour éclairer le débat, mais son expertise ne peut aller au-delà.

Quant à la notion de « qualité environnementale », il faut en effet commencer par savoir ce qu'elle recouvre. On voit fleurir des règles qui reposent sur des concepts dépourvus de fondements scientifiques. Ainsi le « bon état écologique » des milieux aquatiques que la directive-cadre sur l'eau fixe comme objectif n'est pas scientifiquement défini : sachant que l'on est parti d'un état A, caractérisé par divers indicateurs, pour arriver à l'état B actuel, on nous propose une entreprise de restauration ; mais en fait, celle-ci ne permettra jamais de revenir à l'état A et amènera à un état C, dont il faudrait définir les paramètres, ce que l'on ne fera qu'a posteriori…

Le laboratoire national de référence sur la qualité des masses aquatiques, l'Aquaref, que je préside et qui réunit le BRGM, l'Ineris, l'Ifremer, le Cemagref et le Laboratoire national d'essais, tente précisément de mettre en place des méthodes normalisées permettant de définir la bonne qualité des masses aquatiques. Sur le plan chimique, c'est assez facile ; mais quels indicateurs retenir sur le plan microbiologique, bactériologique, écologique ? Dans ce domaine, la recherche est en retard par rapport aux concepts d'ores et déjà traduits dans les réglementations. Ainsi, la directive « nitrates » risque de valoir à notre pays une condamnation par la justice européenne, alors que la contribution des nitrates et du phosphore à l'eutrophisation des cours d'eau n'est absolument pas définie. De même, la recherche scientifique ne peut pas encore expliquer la surmortalité des naissains d'huîtres.

C'est dire la nécessité de réunir les forces de recherche. L'objectif de l'Alliance, dont les 1500 chercheurs ne peuvent traiter l'ensemble des questions, est d'amener la recherche académique – celle qui est au CNRS, dans les universités, mais également à l'Inra – à servir des problématiques finalisées. En 2008, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) avait considéré que pour faire face aux enjeux, le Cemagref avait besoin d'un doublement de ses moyens… Dans le cadre de la RGPP, je ne crois pas beaucoup à ce type de solution ! C'est pourquoi il faut une coordination de toutes les forces de recherche – mais non pas, bien sûr, leur fusion car la pluralité des organismes de recherche, et donc des approches, est source de richesse. Aucun pays n'a d'ailleurs fait le choix d'un organisme unique.

En ce qui concerne la valorisation énergétique de la biomasse, l'Alliance pour l'environnement, dont l'un des groupes thématiques est consacré aux écotechnologies, travaille avec l'Ancre, dont c'est également une priorité. Nous porterons des projets communs, tels que celui de l'Inra sur la biomasse forestière et agricole, ou celui du Cemagref, en partenariat avec Suez Environnement, pour la valorisation énergétique des déchets ménagers sous forme de méthane ou de chimie fine, comme le méthanol, dans la perspective de l'après-pétrole. Il est probable en effet qu'on doive revenir dans quelques décennies aux bioconversions. M. Jean Weissenbach, qui a été le porteur de la première cartographie du génome humain, est maintenant au Cemagref et travaille sur le génome bactérien pour préparer la chimie fine de demain.

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