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Intervention de Roger Genet

Réunion du 5 mai 2010 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Roger Genet, directeur général du Cemagref, président de l'Alliance pour l'environnement :

Votre invitation, dont je vous remercie, me fournit l'occasion de vous présenter la recherche environnementale, et aussi d'évoquer le Cemagref, dans un contexte particulièrement riche auquel vous avez largement contribué.

Depuis la loi de programme pour la recherche de 2006, une grande part du financement de la recherche se fait sur projet. L'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) se double de celle de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), chargée de vérifier le bien-fondé des dépenses engagées. La loi sur l'autonomie des universités a par ailleurs fait évoluer les relations entre organismes de recherche et universités. Enfin, dans le cadre de la stratégie nationale pour la recherche et l'innovation lancée par MmeValérie Pécresse en 2009, qui a fixé les grandes orientations de la recherche pour les années à venir, quatre alliances de recherche ont été mises en place, la dernière-née étant celle que j'ai l'honneur de présider, depuis le 9 février dernier.

Importante en termes d'évolution dans l'organisation de la recherche, la période l'est également, en dépit de l'insuccès du sommet de Copenhague, en ce qu'elle marque une prise de conscience des enjeux environnementaux. Depuis une quinzaine d'années, le Parlement vote des lois traitant de politique environnementale et le Gouvernement définit des plans d'action. Cependant le monde de la recherche a été le plus souvent absent du débat public, probablement parce qu'il est morcelé et manque de lisibilité.

En France, la recherche sur l'environnement représente 12 000 chercheurs, auxquels s'ajoutent les enseignants-chercheurs des universités, ce qui fait environ 15 000 personnes. Face à certains grands enjeux, notamment en matière énergétique, de grands organismes de recherche ont été créés après la deuxième guerre mondiale ; mais il n'en a pas été de même en matière environnementale car la prise de conscience, dans ce domaine, est beaucoup plus récente. Il existe ainsi un ensemble d'agences, organismes de recherche, instituts et universités, qui mènent des recherches d'excellence dans le domaine de l'environnement et du développement durable, mais sans coordination. C'est à ce besoin de coordination que répond la création de l'Alliance pour l'environnement.

Permettez-moi de me présenter brièvement. Je suis le premier directeur général du Cemagref à ne pas être issu du corps du Gref – génie rural, eaux et forêts – mais du monde de la recherche – j'ai passé vingt ans au CEA en tant que biologiste. Ce qui a motivé ma venue, ce sont bien ces enjeux environnementaux et le croisement, inhérent au Cemagref, d'un monde de chercheurs et d'un monde d'ingénieurs, qui permet de développer une recherche sur laquelle vont s'appuyer des politiques publiques.

Le Cemagref est placé sous la double tutelle du ministère de l'agriculture et du ministère de la recherche, et il passe des conventions avec le ministère de l'environnement. Cette situation résulte du fait que le Cemagref – Centre d'études du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts – est issu de deux centres techniques qui ont fusionné dans les années quatre-vingt et a ensuite beaucoup évolué, en se consacrant de plus en plus exclusivement aux enjeux environnementaux. Il le fait en ayant pour objectif non seulement l'amélioration des connaissances scientifiques, mais aussi, parce que telle est sa vocation, le déclenchement d'actions publiques, initiées par le ministère de l'agriculture et, du fait des changements de périmètre intervenus, par le ministère de l'écologie. Le fait que le Cemagref soit doté à la fois d'un corps de chercheurs – 700 chercheurs, ingénieurs et techniciens – et de 200 ingénieurs de l'État, qui sont pour partie des Ipef – ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts –, nouvelle dénomination des ingénieurs du Gref, lui donne la capacité de mettre la recherche au service des politiques publiques.

Le Cemagref dispose d'un budget de 110 millions d'euros et gère 1 600 personnes – personnels statutaires, doctorants, post-doctorants et chercheurs en contrat à durée déterminée – qui travaillent essentiellement dans trois directions : intégration de la problématique de l'eau et de l'aménagement des territoires, gestion des risques naturels – crues, inondations, avalanches, feux de forêt, pollutions diffuses dans les masses aquatiques –, qualité environnementale et développement des écotechnologies innovantes. Il constitue donc, au moment du démarrage de l'Alliance pour l'environnement, un exemple d'organisation fondée sur le couplage entre la recherche et l'action, et sur l'ambition de mobiliser la recherche académique au profit de la recherche appliquée. Avec ses dix centres répartis sur l'ensemble du territoire, il entreprend des recherches correspondant à des préoccupations de terrain, en lien avec les collectivités territoriales et les administrations déconcentrées et en partenariat avec les industriels. En 2006, il a obtenu le label « institut Carnot » pour l'ensemble de ses activités.

Ayant évoqué le Cemagref, j'ai posé la problématique de la recherche environnementale qui doit générer l'interdisciplinarité en incluant mathématiques, statistiques, biologie, physique, mais aussi sciences humaines et sociales. Au Cemagref, nous avons vingt-cinq économistes et une quinzaine de sociologues, et je suis en train de recruter un chercheur en sciences politiques ; il s'agit de mettre ces disciplines au service des sciences expérimentales et d'éclairer les décideurs publics, notamment en matière de risques.

La recherche environnementale doit être le moteur du développement économique et de la croissance verte. Or, en dépit de l'ambition affichée que la France exerce un leadership en matière écologique, force est de constater que les politiques publiques anticipent souvent sur les résultats de la recherche, laquelle demande du temps avant de pouvoir se traduire en actions publiques. Aujourd'hui, certains pays investissent énormément dans les technologies vertes : la Chine a ainsi multiplié par 2,5 ses investissements dans ce domaine depuis 2005, passant au premier rang mondial devant les États-Unis et le Japon. La France a certes des points forts, notamment dans les technologies de l'eau et des déchets, dans lesquelles Veolia et Suez sont des leaders mondiaux et qui représentent près de 2 % du PIB et 230 000 emplois. Mais dans d'autres secteurs, l'innovation n'est pas au rendez-vous. Il est donc absolument nécessaire d'investir dans le secteur des technologies environnementales ; la recherche environnementale doit être mise sur le même plan que d'autres grands domaines de la recherche, telle la recherche médicale – que je connais bien pour y avoir longtemps travaillé.

Cette recherche environnementale est, de fait, en construction. La création de l'Alliance pour l'environnement, qui réunit tous les acteurs, est le moyen d'en assurer la coordination et de la rendre plus lisible.

L'Alliance pour l'environnement (AllEnvi) est la dernière née des quatre alliances nationales de recherche qui ont été mises en place pour couvrir l'ensemble des problématiques de recherche, après l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), présidée par le président directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (Ancre), présidée par le président de l'Institut français du pétrole (IFP) et dont les deux autres membres fondateurs sont le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national de recherche scientifique (CNRS), et l'Alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene), présidée par le président de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria). Une alliance dédiée aux sciences humaines et sociales viendra probablement chapeauter l'ensemble.

L'Alliance pour l'environnement répond à quatre enjeux sociétaux : l'alimentation, l'eau, le climat et les territoires. Nous devons trouver les moyens de nourrir neuf milliards d'individus à l'horizon 2050 ; ceux d'assurer, en qualité et en quantité, l'approvisionnement en eau de l'ensemble des pays du monde, qu'ils soient riches, pauvres ou émergents ; ceux de faire face à l'évolution du climat ; ceux, enfin, de respecter l'impératif de qualité environnementale et de réduire notre empreinte écologique.

AllEnvi compte douze membres fondateurs : le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), la Conférence des présidents d'université (CPU) et les organismes à vocation spécifique que sont l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), le Cemagref pour les problématiques des milieux aquatiques et des territoires, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) pour les questions relatives aux nappes phréatiques et aux ressources du sous-sol, le CEA (Commissariat à l'énergie atomique), Météo-France, le Muséum national d'histoire naturelle pour ce qui concerne la biodiversité, le Laboratoire central des Ponts et Chaussées (LCPC) – qui va fusionner avec l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets) – pour les problématiques de villes, matériaux et transports durables, et enfin le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Des membres associés, tels l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) et l'Institut Paul-Émile Victor, spécialisé dans l'exploration des pôles, élargissent le champ de nos groupes de travail.

L'Alliance pour l'environnement a pour mission de coordonner la recherche, de faire émerger des priorités – le grand emprunt en est une occasion –, de structurer et de rationaliser les moyens de la communauté scientifique dans chacun des domaines de recherche, de faire émerger des programmations conjointes entre les acteurs. On reproche souvent aux organismes de recherche d'être dispersés : désormais l'Alliance existe, son « numéro de téléphone » est celui de son président, l'objectif étant d'assurer la coordination nécessaire au service des politiques publiques.

Si l'Alliance a été créée pour répondre à des enjeux sociétaux, en mobilisant et en coordonnant la recherche dans son champ d'action, elle répond aussi à l'objectif que vous poursuivez de moderniser notre système de recherche et de rationaliser ses moyens. Comme les autres alliances du même type, elle a besoin d'un peu de temps pour se structurer, mais aussi de beaucoup de soutiens. La constitution des alliances est la pierre angulaire de la réorganisation du monde de la recherche. Je souhaite que celui-ci puisse pleinement contribuer à l'élaboration des politiques publiques, sur des sujets comme la directive cadre sur l'eau, le Grenelle de l'environnement ou la loi de modernisation agricole.

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