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Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Réunion du 3 mai 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous prétendez sauver la Grèce tout en faisant gagner de l'argent aux Français. Je vous estime trop intelligents tous les deux pour penser que vous croyez un seul instant à cette fable. Les Français ne vous croiront pas davantage car ils ne croient plus depuis belle lurette aux contes de fées, surtout pas après deux décennies de monnaie unique appelée euro.

Car les promesses d'aujourd'hui rappellent les promesses faites il y a très précisément dix-huit ans, dans cet hémicycle, lorsque le débat parlementaire sur Maastricht faisait rage. Déjà l'idéologie de l'euro était à l'oeuvre. Déjà le parti socialiste mêlait sa voix à celles de la droite et du centre pour soutenir ce nouveau dogme, cette pensée unique. Alors oui, mes chers collègues, mêmes causes, mêmes effets : les promesses de 2010 ne seront pas davantage tenues que celles de 1992.

Je prends date devant vous : ce plan de « sauvetage » si mal nommé ne sauvera pas la Grèce, pas plus qu'il ne fera gagner de l'argent aux Français, qui risquent plutôt de se réveiller un de ces quatre matins avec un déficit supplémentaire de près de 17 milliards d'euros, soit 253 euros par Français. Il faut qu'ils le sachent.

Nos concitoyens, qui ne comprennent pas pourquoi vous mettez tant d'ardeur à supprimer des policiers dans les commissariats, des enseignants dans les écoles, des infirmiers dans les hôpitaux, pour gagner 500 millions ou 1 milliard d'euros, voient à l'Assemblée PS et UMP unis pour dépenser 17 milliards d'euros d'un coup, alors même que tant de sacrifices leur sont demandés.

Ils ne seraient pas hostiles à l'idée d'une solidarité avec les Grecs, mais la solidarité que vous proposez est des plus étranges, car avec ce plan on va aider la Grèce, oui, mais on va l'aider à mourir ! Elle mourra guérie ! Un peu comme les médecins de Molière saignaient les malades, croyant les ressusciter, on va saigner la Grèce encore davantage. Un ballon d'oxygène apparemment financier va certes être apporté à Athènes, mais au prix d'un supplice inouï pour le peuple et l'économie grecs, qui ne s'en relèveront pas. Qui s'en soucie, d'ailleurs ? Cette thérapie de choc va tuer la Grèce car cette dernière sera bien incapable de redresser sa compétitivité et donc sa croissance, définitivement martyrisées par l'impossibilité de dévaluer.

Oui, mes chers collègues, c'est bien là le point central. On n'a jamais vu dans l'histoire économique du monde – j'aimerais, madame la ministre, que vous me citiez un exemple – un pays rebondir sans dévaluation. On n'a jamais vu un plan de rigueur tenir ses promesse sans être accompagné parallèlement d'une dévaluation qui stimule le moteur économique permettant de rembourser les dettes. Souvenez-vous des vains efforts de l'Argentine, accrochée à la zone dollar, qui a tenu trois ans et puis s'est effondrée. Vous aurez la cessation de paiement et ensuite l'effet de domino !

Mais on ne veut pas voir la question, notamment ce que vous savez pertinemment au sujet de la différence des coûts salariaux entre l'Allemagne – 2 % depuis la fondation de l'euro –, la moyenne de la zone euro – 20 % environ –, et l'Espagne ou la Grèce – 46 %. Alors dites-le : voulez-vous une déflation qui permette de rattraper la situation de l'Allemagne ? Cela signifie qu'il faut imposer aux Grecs une déflation des salaires et des prix de 40 %. Aucun pays au monde n'a subi un tel traitement de choc sans réagir.

En infligeant ce traitement à la Grèce, vous allez la précipiter soit dans la récession la plus totale, et elle ne pourra évidemment pas rembourser, soit dans la révolution, parce que les Grecs ne supporteront pas ce remède de cheval. Et nous aurons perdu nos 17 milliards.

C'est pourquoi ce plan miraculeux n'empêchera pas non plus la contagion aux autres maillons faibles de la zone euro, que les marchés financiers vont bien évidemment s'empresser de mettre à l'épreuve. Ce sera alors beaucoup plus difficile de faire preuve de soi-disant solidarité car, pour l'Espagne et le Portugal, ce ne sont pas 110 milliards d'euros qu'il faudra mais, vous le savez bien, des centaines de milliards, que nous ne pourrons pas mobiliser. Voilà d'ailleurs pourquoi, à la fin des fins, l'euro lui-même ne sera pas sauvé, ce qui risque d'entraîner dans son naufrage la construction européenne, et ce serait dommage. Ce scénario catastrophe est écrit d'avance. Il résulte tout bonnement de la fuite en avant dans l'idéologie de l'euro monnaie unique et non pas monnaie commune.

Il y a dix-huit ans presque jour pour jour, le regretté Philippe Séguin, dans son Discours pour la France, mettait en garde le pays contre l'aventurisme et l'idéologie de la monnaie unique : « Dans le domaine monétaire comme dans les autres, il faut se plier aux réalités. Il faut donc savoir ajuster les parités quand c'est nécessaire, non pour faire de la dévaluation compétitive, mais pour éviter la déflation. En choisissant la monnaie commune au lieu de la monnaie unique, on choisirait, je crois, l'efficacité contre l'idéologie. » Aucun mot n'est à retrancher de cet avertissement. Aujourd'hui, nous payons les comptes. Vous faites semblant de ne pas voir la crise de dominos qui va entraîner l'euro à sa perte parce que l'on n'a pas voulu comprendre qu'une monnaie unique n'était pas adaptée pour des réalités différentes.

Certes, M. Lequiller nous parlait à l'instant, avec cohérence, d'une politique unique. Mais il n'y en a pas. Jacques Rueff disait : « Soyez libéral, soyez socialiste, mais ne soyez pas menteur. » Soyez cohérents. Or il n'y a aucune cohérence. Et il n'y aura pas de politique unique puisque l'Allemagne ne le souhaite pas.

Vous êtes donc confrontés, madame la ministre, monsieur le ministre, à l'impossibilité de votre politique, au naufrage de l'euro monnaie unique qui asphyxie les économies du Sud de l'Europe et la France ; vous êtes confrontés au compte à rebours de la fin de l'euro. Deux solutions : soit on anticipe la fin de l'euro en créant une monnaie commune et en réhabilitant les monnaies nationales, permettant ainsi à la Grèce de sortir de l'euro et de convertir ses dettes à la parité d'entrée, puis de dévaluer, ce qui revient à négocier avec ses créanciers ; soit vous allez vous faire plaisir, mais en trompant les Français et les autres Européens, et nous nous retrouverons dans un, deux ou trois ans, sinon avant, pour assister à l'inexorable obligation d'ajuster la monnaie unique à la réalité des économies, qui sont divergentes, que vous le vouliez ou non !

Voilà pourquoi la seule solution raisonnable,…

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