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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 22 novembre 2007 à 15h00
Stabilité des institutions et transparence de la vie politique en polynésie française — 4. question préalable sur le projet de loi organique n? 401

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

…provoquant l'élection de six gouvernements et de cinq présidents avec, à chaque fois, un scénario identique : les lignes du ministère de l'outre-mer ou de l'Élysée ne fonctionnent que lorsqu'elles reconnaissent le numéro d'un ami… Caractéristique jamais démentie depuis 2004, et l'affichage désormais des numéros de téléphone est à cet égard des plus pratiques ! quand le nom de M. Flosse s'affichait, on décrochait et on invitait le président de la Polynésie ; mais quand c'était Oscar Temaru, plus personne, pas même un garde de nuit, ne répondait ! On déstabilisait sur le terrain et on ne reconnaissait aucune légitimité à celui qui avait été le candidat du peuple polynésien !

Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, alors que la stabilité est totale, vous voulez réformer une nouvelle fois le mode de scrutin territorial et provoquer des élections anticipées. Pourtant, même l'Assemblée de Polynésie, au service de tous les Polynésiens, s'y oppose. Comment osez-vous prétendre favoriser la stabilité politique en Polynésie, alors que vos réformes ne reposent que sur des convenances politiques et partisanes ?

Vous devriez savoir que ce n'est pas en réformant un système électoral – qui d'ailleurs n'a jamais été mis en oeux. Vous vous apprêtez à répéter les mêmes erreurs qu'en 2004. En effet, la loi organique du 27 février 2004 a instauré un nouveau statut d'autonomie consacrant la Polynésie comme un pays d'outre-mer se gouvernant librement et démocratiquement : très bien, même si nous savons tous que cette réforme, rédigée à la demande de M. Flosse, sans véritable concertation avec l'Assemblée de Polynésie, n'était finalement destinée qu'à favoriser le maintien au pouvoir de sa majorité et à renforcer ses pouvoirs. Ce nouveau statut d'autonomie n'était qu'un cadeau personnel des parlementaires UMP pour le remercier de sa fidélité politique au Président Jacques Chirac.

La loi organique de 2004 a institué un mode de scrutin à un tour pour les élections territoriales, assorti d'une prime majoritaire d'un tiers des membres de l'assemblée pour la liste arrivée en tête dans chacune des six circonscriptions électorales. Cette prime majoritaire était officiellement censée favoriser la stabilité politique – on invoquait déjà cet argument alors même que la continuité régnait depuis plusieurs décennies… Mais on sentait germer le mécontentement : il fallait donc adopter préventivement un nouveau statut et mettre en place un mode de scrutin favorisant la stabilité politique, en évitant les changements d'alliance et les retournements de majorité. Ce système électoral était surtout destiné à assurer une large victoire au parti Tahoera'a Huiraatira de M. Flosse.

Après la promulgation de la loi organique du 27 février 2004, M. Flosse obtint de son ami Jacques Chirac la dissolution de l'Assemblée de Polynésie, afin d'accélérer la mise en place du statut et de permettre au futur président d'exercer au plus vite ses nouvelles prérogatives. Ce qui se produisit alors fut tout l'inverse de ce souhaitaient M. Flosse et le Gouvernement, puisque le dispositif sur mesure et le système électoral à la demande se sont retournés contre leurs instigateurs. Ce qui n'était qu'une reforme de complaisance à l'égard de M. Flosse et de sa majorité s'est soldé par un échec retentissant ! En effet, à la grande stupéfaction de la majorité nationale et du Président de la République de l'époque, c'est le leader du parti indépendantiste Tavini Huiraatira, Oscar Temaru, qui fut élu président de la Polynésie le 23 mai 2004, mettant fin à vingt ans de règne sans partage de l'État RPR et de son allié Gaston Flosse !

Impensables, inadmissibles, dangereux, l'UPLD et Oscar Temaru seront combattus avec acharnement, sans respect pour le vote démocratique du peuple polynésien. Quatre mois plus tard, le 9 octobre, le gouvernement d'Oscar Temaru sera renversé par l'adoption d'une motion de censure et Gaston Flosse élu le 22 octobre à la présidence de la Polynésie française.

Le 15 novembre 2004, le Conseil d'État statue sur le recours déposé par Gaston Flosse au mois de mai, avant qu'il ne récupère son siège, pour faire annuler les élections aux Îles du Vent. Nouvelle manoeuvre destinée à fragiliser l'UPLD, mais qui, malheureusement pour lui, se retourne une fois de plus contre son auteur... En effet, les élections territoriales partielles du 13 février 2005 donnent une nouvelle majorité, fragile, à Oscar Temaru, qui est réélu président de la Polynésie française en mars 2005, ce qui constitue une confirmation et une forme de revanche sur ce qui était considéré comme une victoire volée au peuple polynésien. Je passe, monsieur le secrétaire d'État, sur les manoeuvres, à Paris comme à Papeete, sur les blocages, sur les déstabilisations : ces dernières années, tout cela est malheureusement devenu classique, à défaut d'être républicain.

J'en arrive au 26 décembre 2006 où, après une nouvelle motion de censure, M. Tong Sang, issu du parti de M. Flosse, devient le quatrième président de Polynésie depuis l'instauration de la nouvelle assemblée en mai 2004. Reçu par le Président Chirac dès janvier 2007 – il a beaucoup de chance, le standard de l'Élysée reconnaît son numéro ! –, il émet le souhait, l'exigence peut-être, de revenir sur le mode de scrutin établi en 2004 en supprimant la prime majoritaire et en relevant de 3 à 5 % des suffrages obtenus le seuil pour qu'un parti puisse obtenir des sièges à l'Assemblée de Polynésie.

Naturellement, l'oreille présidentielle, sélective, est attentive, et M. Tong Sang obtiendra rapidement gain de cause avec la suppression, par un simple amendement, de la prime majoritaire à l'occasion de la loi organique du 21 février 2007. Il suffit que les représentants, amis du pouvoir, demandent une modification du mode de scrutin pour qu'on la soumette, sous forme d'amendement ou de projet, à l'Assemblée nationale... Voilà ce qu'il faut souligner quand nous parlons aujourd'hui d'un nouveau mode de scrutin : il faut bien comprendre que celui-ci vise à obtenir une nouvelle majorité, puisque le précédent, dont je viens de parler, n'a toujours pas été appliqué.

Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, vous souhaitez revenir sur le mode de scrutin que vous aviez vous-même modifié au mois de février dernier. Pouvons-nous continuer à vous laisser légiférer à tort et à travers, au gré des exigences de vos amis politiques ? Le dispositif proposé aujourd'hui est une nouvelle fois fabriqué sur mesure pour les acteurs locaux de la majorité que vous souhaitez. En Polynésie, il y a toujours eu un leader protégé par le gouvernement central, grâce auquel celui-ci entend contrôler le territoire. Les ministres affichent souvent, d'ailleurs, une attitude qui présume l'immaturité des élus polynésiens. Cela vous sera reproché !

Nicolas Sarkozy n'a pas failli à la tradition établie par MM. Flosse et Chirac, en prenant immédiatement le parti de M. Tong Sang. Ce dernier a fait publiquement part, en juillet dernier, de sa volonté de dissoudre l'Assemblée de Polynésie et de procéder à de nouvelles élections. Certes, il était alors président et pensait, avec votre soutien, obtenir rapidement une majorité qui lui permettrait d'échapper au délitement et au clientélisme ambiant et de répondre au souhait des élus de mettre fin à cette politique dans les archipels. Une fois de plus, monsieur le secrétaire d'État, vous cédez à la volonté de vos amis politiques, en espérant sans doute encore rassembler anciens et nouveaux compagnons pour construire enfin une majorité à votre convenance et reprendre le contrôle de ce qui n'aurait jamais dû sortir de la « famille ». Le peuple polynésien appréciera la façon dont on se partage à Paris le pouvoir sur son territoire !

Mais entre-temps, se produit pour vous une nouvelle catastrophe : l'adoption, le 31 août dernier, d'une motion de censure par une coalition inédite, rassemblant les autonomistes de Gaston Flosse et les indépendantistes d'Oscar Temaru, permet à ce dernier de retrouver pour la troisième fois la présidence de la Polynésie le 13 septembre 2007. Mais ce qui est pour vous une catastrophe politique va, dialectique oblige, vous servir à renforcer vos arguments. Puisque M. Temaru est à nouveau président, c'est qu'il y a instabilité, et s'il y a instabilité, il faut adopter un mode de scrutin. Et quel meilleur mode de scrutin que celui proposé par les amis ? Là, vous devriez quand même vous méfier, car les modes de scrutin proposés par vos amis ont rarement conduit au résultat escompté ! Enfin, puisque c'est la crise, il faut dissoudre ! Et vous vous servez du retour du président Temaru pour faire valoir des arguments que vous appelez de bon sens, alors qu'ils ne sont que partisans et politiciens et n'ont pour seul objectif que de retrouver une majorité à votre convenance.

Le problème, c'est qu'il y a à présent une majorité stable en Polynésie. Et je veux ici, parce que la question est très sérieuse, en donner la preuve. J'ai pris le temps d'aller chercher, à l'Assemblée de Polynésie, les feuilles de suivi d'examen de l'ordre du jour de la session budgétaire de ces dernières semaines, pour voir précisément ce qui s'y est passé, observer le travail qui y est fait et examiner les délibérations qui ont été prises. Je tiens ces feuilles de suivi à la disposition de chacun d'entre vous. Elles concernent les séances des jeudi 30 août, mardi 25, jeudi 27, vendredi 28 septembre, des mercredi 3, jeudi 4, jeudi 18, vendredi 19 et mardi 30 octobre et des mercredi 7 et jeudi 8 novembre 2007. Tout au long de ces journées, l'Assemblée de Polynésie a débattu et délibéré sans aucune difficulté. J'ai noté, monsieur le rapporteur, plus d'une trentaine de votes unanimes avant le débat du jeudi 4 octobre concernant l'avis de l'Assemblée de Polynésie sur les deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui. Je regrette que M. le rapporteur ne soit pas là, car je suis très surpris que, dans son rapport, il mentionne à peine l'Assemblée de Polynésie et son vote. Comme si cet avis ne signifiait rien et devait être totalement oublié ! En introduction à son rapport, il écrit : « le jeu des récentes alliances politiques conclues dans cette COM n'a toutefois pas permis à son assemblée délibérante, consultée conformément à l'article 74 de la Constitution, de les approuver dans son avis du 4 octobre 2007 ». Quelle considération pour nos collègues polynésiens que de renvoyer leur propre avis, ensuite totalement ignoré dans le reste de ce rapport, à un simple jeu politicien ! Cela tient en trois lignes dans le rapport de l'Assemblée nationale, alors qu'il s'agit d'une procédure obligatoire, prévue par l'article 74 de la Constitution ! Le rapport adopté par l'Assemblée de Polynésie ne figure même pas en annexe.

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