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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 27 avril 2010 à 15h00
Débat sur le contrôle des passagers dans les transports aériens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat sur le contrôle des passagers dans les transports aériens s'insère dans le cadre plus global de la lutte contre le terrorisme à l'échelle internationale. Depuis les funestes attentats de septembre 2001, force est de constater que les États-Unis tentent, par tous les moyens dont ils disposent, d'exercer une véritable tutelle sur bon nombre d'États, notamment européens, en leur imposant des règles antiterroristes exorbitantes, trop souvent de manière unilatérale, quand ils ne se livrent pas directement, à l'insu des citoyens comme des États, à des actes d'espionnage. Le récent exemple de l'affaire SWIFT en atteste. Saluons à cet égard la décision du Parlement européen de rejeter l'accord SWIFT conclu entre le Conseil européen et l'administration américaine, accord qui revenait à prendre acte de l'espionnage des transactions interbancaires intraeuropéennes pratiqué par la CIA depuis fin 2001, et à pérenniser cette pratique en la drapant des atours de la légalité, ignorant les exigences communautaires, notamment les garanties juridiques, en matière de transfert des données personnelles à des fins répressives. Tant la forfaiture des exécutifs européens sur ce dossier que les intenses pressions américaines sur les représentants nationaux élus au Parlement européen en vue d'un vote favorable à cet accord, sont inacceptables pour les députés communistes, républicains et du Parti de gauche.

En matière de sécurité, ni les États membres ni l'Union européenne ne doivent se faire dicter leur conduite par les États-Unis au prétexte que les législations européenne et nationale en vigueur freinent la bonne marche de leur programme de surveillance des circuits financiers du terrorisme – le Terrorism Finance Tracking Program. Il serait à cet égard préférable d'amplifier la coopération et la concertation entre les États membres, l'Union européenne et les États-Unis. Notre assemblée s'honorerait à faire valoir auprès du Gouvernement et des institutions européennes l'exigence d'équilibre et de loyauté dans les relations transatlantiques sur ces questions. Car, depuis 2001, la quasi-totalité des nouvelles règles de sécurité s'appliquant aux transports aériens de passagers sont imposées, notamment aux États membres de l'Union européenne, par les États-Unis et l'Australie. Les accords portant sur les données des dossiers de passagers des transports aériens, dits « accords PNR » et le cas des scanners personnels ne dérogent pas à la règle. Les accords PNR et le dossier SWIFT comportent d'ailleurs des similitudes puisqu'il s'agit dans les deux cas de collecte, de traitement et de transfert de données personnelles et commerciales à des fins répressives.

C'est pourquoi les droits des citoyens concernant leurs propres données à caractère personnel, notamment les droits d'accès, de rectification et d'indemnisation en cas d'utilisation abusive, doivent être convenablement définis, et respecter les préconisations du G29, l'équivalent européen de la CNIL. Le paquet PNR que doit présenter la Commission européenne ainsi que le projet d'accord PNR devront donc respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, et comporter des garanties suffisantes et des sauvegardes assurant notamment le respect de la vie privée, la protection de l'accès aux données à caractère personnel et un droit de recours juridique non discriminatoire aux ressortissants européens devant les juridictions américaines, ce qui n'est pas le cas actuellement. En l'absence de telles garanties, le risque est grand de voir les données PNR utilisées pour déterminer qui a le droit de voler ou non, en violation des droits fondamentaux des citoyens, les dix-neuf données PNR recueillies permettant d'ores et déjà le recours au profilage. Comme sur le dossier SWIFT, nous souhaitons qu'un équilibre et même une symétrie soient trouvés entre l'Union européenne et les États-Unis, permettant les mêmes contrôles et garantissant les mêmes droits aux personnes contrôlées de part et d'autre de l'Atlantique – de même avec l'Australie.

Mais une telle exigence ne pourra être satisfaite qu'au travers d'une coopération accrue, transparente et loyale entre les États concernés en matière de lutte contre le terrorisme. Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche plaident donc pour que cette forme de coopération se substitue le plus vite possible à l'unilatéralisme qui caractérise les pratiques sécuritaires intrusives des États-Unis dans ce domaine.

Au sujet épineux des scanners corporels, nous regrettons une fois de plus qu'un événement médiatique, la tentative d'attentat à bord du vol Amsterdam-Detroit en décembre dernier, motive la précipitation avec laquelle la France, le Royaume-Uni et le Danemark ont cédé à la pression américaine. Ainsi, l'article 18 bis de la LOPPSI votée par la majorité permet une expérimentation des scanners corporels dans les aéroports pendant trois ans à compter de la promulgation de la loi ; mais l'urgence a été jugée telle que la Direction générale de l'aviation civile a même anticipé cette promulgation en autorisant l'installation d'un scanner à ondes millimétriques au terminal T2 de Paris-Charles-de-Gaulle pour les passagers à destination des Etats-Unis. Nous saisissons l'occasion de ce débat pour dénoncer, là encore, cette politique du fait accompli et l'habitude qui consiste à faire passer des mesures pérennes pour de banales expérimentations. La présidence en exercice de l'Union européenne s'en est d'ailleurs émue, qui réclamait le 7 janvier une position commune sur ce sujet.

Sur le fond, nous sommes particulièrement sceptiques pour ne pas dire hostiles à ce nouvel outil, car son efficacité est loin d'être prouvée en termes de détection des explosifs, ainsi que l'affirment nombre de spécialistes, d'acteurs de la sécurité dans les aéroports et de policiers.

Au-delà des problèmes liés au respect de la vie privée et de l'intimité des personnes scannées et à la santé – rappelons qu'à l'heure actuelle aucune étude scientifique précise sur les conséquences pour la santé des personnes soumises aux scanners corporels n'a été effectuée –, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche s'inquiètent de cette dérive qui consiste à voir dans la technologie la panacée à tous les problèmes que rencontre une société.

En l'espèce, il conviendrait de s'interroger sur les ressorts sociologiques et philosophiques qui conduisent un gouvernement à promouvoir une société dans laquelle être observé nu, jusqu'aux moindres détails de son intimité, devient une norme banale de sécurité.

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