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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 7 avril 2010 à 11h45
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Monsieur Janquin, la Palestine n'est pas encalminée ; d'autres périodes ont été marquées par un arrêt total des discussions. Mais je partage votre analyse : il faut maintenir nos pressions. Nous avons chaleureusement applaudi au discours du Caire de M. Obama et nous avons pensé, comme tout le monde, qu'il exercerait une pression très forte durant les premiers mois de son mandat afin de faire reprendre les discussions en vue de la création de l'État palestinien. Malheureusement, l'envoi tant de Mme Clinton que de M. Mitchell, n'ont pas permis de débloquer la situation. M. Sarkozy et M. Obama en ont parlé la semaine dernière. Il y a peu, nous avons reçu M. Mitchell, qui continue à prôner l'organisation de proximity talks afin de parvenir à la tenue de négociations directes. Il est impossible d'être en désaccord avec cette position, mais comment l'appuyer sans reprendre ma proposition, qui n'est pas encore celle de la France ?

Du reste, les Palestiniens sont hésitants : lorsque M. Abbas était à Paris, il n'a pas repris ma proposition de reconnaissance d'un Etat palestinien avant de reparler de cette idée le lendemain, à Berlin. Il l'avait imaginée lui-même il y a six à huit mois mais l'avait retirée, estimant que reconnaître un État sans frontières revient à s'exposer à ne jamais pouvoir modifier les délimitations actuelles. Il ne faut pas oublier non plus que les Palestiniens de Gaza veulent vivre en Cisjordanie, sur la rive ouest ; contrairement à l'argument employé par les Israéliens, le Hamas ne progresse pas, tous les think tanks de la terre, y compris français, en conviennent.

Monsieur Kucheida, nous n'avons salué l'élection du président togolais qu'une fois les résultats proclamés et la réaction de l'Union africaine rendue publique. Notre concitoyen a effectivement été écarté, pour un motif qui ne paraissait guère convaincant mais qu'il a accepté. Le président Faure Gnassingbé est élu, et nous devons maintenant travailler avec lui. Par rapport au scrutin précédent, c'est un moindre mal. En Afrique, nous nous sommes toujours alignés sur les positions de l'Union africaine – parfois en les précédant, comme dans le cas de la Guinée –, sauf à propos de Madagascar, où la situation s'arrange, grâce à l'Afrique du Sud.

M. Karzai a un peu corrigé ses propos, qui sont toutefois révélateurs. Des délégués du Hezb-e-Islami – parti que j'ai, hélas, eu l'occasion de pratiquer – étaient à Kaboul il y a dix jours, où ils ont rencontré beaucoup de responsables, y compris l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, et les ambassadeurs. Les choses bougent, un mouvement est amorcé : commencer par parler avec les partis de l'ancienne coalition des moudjahidins anti-soviétiques est un premier pas mais engager le dialogue avec le mollah Omar sera une entreprise autrement plus difficile. À la Conférence de Londres, il avait clairement été dit qu'il fallait discuter et je prétends que la France obtiendra des résultats localement, par le dialogue, là où ses troupes interviennent. Dans d'autres zones, où ne se déroulent pas de combats, les autorités afghanes peuvent entamer des discussions directement. Lorsque le président Karzai nous a imputé les fraudes, c'était un peu gros ; il a du reste provoqué une réplique justifiée du général Morillon. Quant à l'amiral Guillaud, il n'a pu tenir publiquement les propos rapportés dans un hebdomadaire satirique, car ils ne reflètent nullement sa pensée.

Je ne pense pas que des banques françaises participent au financement des futures maisons de Jérusalem. Je sais en revanche que certaines d'entre elles ont servi de relais pour financer des travaux, notamment pour le tramway. Ce projet est critiqué car il relie des quartiers entre eux ; pourtant, si Jérusalem devenait la capitale des deux États, comme je continue de le souhaiter, ce serait un bien.

Monsieur Lecou, nous avons accueilli 500 chrétiens d'Irak et nous continuerons de prendre de telles décisions au cas par cas, comme le font d'autres pays, en particulier la Suède. Nous sommes indignés, et nous émettons toutes les recommandations possibles pour que les chrétiens cessent d'être persécutés, au Kurdistan, où nombre d'entre eux se sont réfugiés, comme dans le reste de l'Irak. Le président, le premier ministre comme les autres responsables garantissent que ce n'est pas la politique officielle et qu'ils tentent de les protéger. La hiérarchie ecclésiastique de Bagdad, derrière Sa Béatitude, tient un tout autre discours, mais tout en réclamant que les chrétiens ne quittent pas le territoire. Je suis moi aussi très inquiet. Mossoul a été récemment le théâtre d'assassinats odieux. Nous devons respecter l'État de droit et ne pas inviter tous les chrétiens à partir mais nous restons à l'écoute de chaque demande de chrétien, émanant d'Irak ou d'ailleurs. Le fait est que construire une église là-bas est moins facile que construire une mosquée chez nous.

Monsieur Myard, tous vos propos me contrarient. Depuis soixante ans, l'on prétend que l'Europe n'a pas d'avenir. Pour ma part, j'y crois. La France contribue au budget européen autour de 17,8 % et une dîme sera prélevée sur cet ensemble pour financer le service européen d'action extérieure sans augmentation de l'enveloppe globale. Il est vrai que, pour le budget du ministère des affaires étrangères et européennes français, avec la RGPP, nous ne disposons pas de crédits suffisants, même si j'ai tout de même trouvé 40 millions pour que les services culturels soient à la hauteur de la demande et se montrent offensifs, en matière de francophonie comme de culture en général.

Dans une lettre officielle, j'ai effectivement qualifié le système colonial d'« injuste et dégradant ». Je le maintiens mais je ne juge pas de la sorte ceux qui, sur place, ne profitaient pas du système. Il s'agissait d'un mouvement de l'histoire, avec des conduites humaines souvent extrêmement dignes et justes.

En ce qui concerne l'OTAN, il ne s'agit pas d'un groupe de négociations mais d'un groupe d'experts, qui n'a pas encore remis ses conclusions. C'est au général Stéphane Abrial qu'il incombe de proposer une stratégie nouvelle, à propos de laquelle nous serons amenés à discuter.

Les troupes déployées en Afrique sont déjà considérablement réduites, je suis désolé de vous décevoir. L'enjeu consiste à conserver deux bases, à l'est et à l'ouest, ainsi que quelques facilités pour les avions, afin d'assister les opérations de maintien de la paix. Trois accords de défense ont été signés, transparents et sans clauses secrètes, dont les deux premiers ont été soumis au Parlement : plus jamais nous ne défendrons les régimes en place à n'importe quel prix.

Monsieur Loncle, c'est le ministère de la justice qui doit déposer le projet de loi sur le bureau de l'Assemblée. Je viens encore d'écrire à Mme Alliot-Marie pour lui dire que tout est prêt et que le moment est venu, mais elle ne m'a pas répondu.

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