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Intervention de Yvan Lachaud

Réunion du 7 avril 2010 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYvan Lachaud, rapporteur :

Je suis heureux de vous retrouver sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Celui-ci a été abordé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, mais la genèse de ce texte remonte beaucoup plus loin, avec des expérimentations commencées il y a quatre ans et une première reconnaissance législative des regroupements d'assistants maternels, toutefois insatisfaisante, en 2009.

Dans quel contexte s'inscrit cette proposition de loi ? Celui d'un besoin impératif d'améliorer l'offre de garde des jeunes enfants. Parce que la conciliation des vies familiale et professionnelle est une attente des français, parce que l'activité des femmes doit être développée, parce qu'enfin le libre choix du mode de garde doit être autre chose que théorique.

Nous savons, selon les estimations les plus récentes, que le nombre de places de garde nécessaires à la satisfaction des besoins est évalué à 350 000. Les pouvoirs publics se sont fixé pour objectif une augmentation de 200 000 places à l'horizon 2012 – 100 000 places en accueil collectif et 100 000 en accueil individuel. Nous ne pouvons que souscrire à un tel objectif. Mais nous devons aussi veiller au développement qualitatif de l'ordre de garde, ce qui implique de rechercher une adéquation avec l'évolution des modes de vie, les besoins des parents et les attentes des professionnels. Sur ces deux derniers points, des progrès sont encore à accomplir, dans un contexte financier, dois-je vous le rappeler, plus que contraint.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répond à trois défis majeurs.

Il convient tout d'abord de rechercher des modes de garde innovants, adaptés aux besoins. Certes, les micro-crèches existent, mais elles ne répondent pas totalement à la demande des parents, bien souvent des femmes seules travaillant en horaires décalés, avec des rythmes imprévisibles.

Par ailleurs, il faut remédier aux inégalités d'accès à l'offre de garde selon les territoires. Un rapport du Sénat de juillet 2009 a montré que les quinze départements les plus ruraux étaient aussi les moins dotés dans ce domaine. Fréquemment, les communes rurales ne disposent pas de moyens financiers et humains suffisants pour monter des structures collectives.

Enfin, il est nécessaire de rendre plus attractif le métier d'assistant maternel, qui constitue le premier mode de garde en France. D'ici à 2015, 80 000 d'entre eux partiront à la retraite. Nous serons en situation de pénurie. Or, les enquêtes montrent que les jeunes générations attendent deux choses : l'amélioration de leur formation et de leurs possibilités d'évolution de carrière.

En quoi la proposition de loi répond-elle à ces défis ?

Le texte déposé au Sénat ne visait que la création des maisons d'assistants maternels. Au terme de la discussion, son champ s'est élargi et son contenu s'est enrichi de nouvelles dispositions. Il comporte donc trois axes principaux.

Le premier axe, comprenant les articles 1er à 4, vise à donner une existence juridique aux maisons d'assistants maternels. Il est prévu que les maisons d'assistants maternels réunissent au maximum quatre assistants dans un local hors de leur domicile pour garder des enfants, comme c'est le cas aujourd'hui pour les regroupements d'assistants maternels.

Les parents ont la possibilité d'accorder à l'assistant maternel qui garde leur enfant le droit de déléguer cet accueil, en tant que de besoin, à un autre assistant. Cette autorisation ainsi que le nom de la personne délégataire doivent figurer dans le contrat de travail signé entre l'employeur et l'assistant délégant.

Ce point avait été beaucoup discuté lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Les incertitudes juridiques qui planaient autour de cette disposition rendaient prématurée son adoption.

Depuis, trois principales précisions ont été apportées, qui permettent d'écarter toute requalification par le juge de la délégation d'accueil en contrat de travail ou prêt de main-d'oeuvre dissimulé : la délégation n'est pas rémunérée ; elle ne peut aboutir à ce qu'un assistant maternel fasse d'avantage d'heures que celles qui figurent sur son contrat ; il est précisé que les droits et devoirs des assistants maternels travaillant en maisons d'assistants maternels sont les mêmes que ceux des assistants exerçant à domicile.

En réalité, le délégataire doit agir comme s'il était le délégant. L'opération est juridiquement neutre puisqu'il s'agit d'un jeu à somme nulle. La délégation d'accueil est une simple souplesse de fonctionnement qui s'apparente à un service de remplacement. D'ailleurs, ce système devrait permettre in fine une amélioration de la rémunération des assistants maternels travaillant en maison, dans la mesure où la délégation d'accueil ne peut réellement fonctionner que si le taux de salaire est harmonisé. À cet égard, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Direction générale du travail. Le dispositif proposé est suffisamment clair et transparent pour assurer une véritable sécurité juridique des assistants maternels et des parents.

J'ai déposé en outre un amendement prévoyant que l'accord de l'assistant maternel délégataire figure en annexe au contrat de travail signé entre le parent employeur et l'assistant maternel délégant. Cette disposition garantira non seulement une plus grande transparence pour les parents, mais elle renforcera aussi la sécurité des enfants, dans la mesure où n'importe quel assistant maternel qui les gardera connaîtra les conditions du contrat ou les prescriptions spécifiques qui le concernent.

Le même article aménage les procédures d'agrément des assistants maternels qui souhaitent travailler en maison. Ainsi, qu'ils travaillent à domicile ou dans une maison d'assistants maternels, tous les professionnels continueront d'être soumis à une autorisation du conseil général, c'est-à-dire à des règles strictes concernant la qualité de l'accueil des enfants. Il n'est évidemment pas question de mettre en place un agrément au rabais ; les critères resteront les mêmes pour tous.

L'article 1er prévoit par ailleurs la possibilité pour le conseil général, la caisse d'allocations familiales et les assistants maternels qui le souhaitent, de signer une convention précisant les conditions de fonctionnement des maisons d'assistants maternels. Cette convention n'est toutefois pas obligatoire. Ce point est également très discuté. Je suis, pour ma part, favorable à un équilibre entre la souplesse nécessaire à la mise en oeuvre des maisons au plan local et à un encadrement minimal, sans quoi aucune maison n'ouvrira ses portes.

D'après les personnes que nous avons auditionnées, que ce soit les assistants maternels ou la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), la convention type élaborée par le ministère pour les regroupements existants est absolument inadaptée, car trop lourde et dissuasive. Elle a été de surcroît élaborée sans aucune consultation des principaux intéressés. En l'état, elle est donc inutilisable. C'est pourquoi, nos collègues du Sénat ont souhaité la rendre facultative.

Cependant, à titre personnel, j'estime que l'encadrement a minima des relations entre les différentes parties prenantes rendra de fait nécessaire la formalisation des relations juridiques au sein de la maison d'assistants maternels. Je souhaite que les caisses d'allocations familiales continuent de proposer un document type, le cas échéant allégé, aux professionnels qui en formuleront la demande. Il convient que le ministère mette au point ce document.

Enfin, il est prévu, afin de ne pas pénaliser les parents qui souhaitent faire garder leur enfant en maisons d'assistants maternels, qu'ils touchent le complément de libre choix du mode de garde.

L'article 2 de la proposition de loi permet d'étendre le bénéfice de la réduction d'impôt à laquelle peuvent prétendre les assistants maternels qui exercent à domicile, aux assistants exerçant en maison. Il s'agit pour moi d'un principe de justice sociale que nul ne peut contester.

La création des maisons d'assistants maternels apporte donc une solution pragmatique et innovante à des problèmes concrets.

Ainsi, pour les parents, elle permet de créer un mode de garde aux amplitudes horaires inédites. Grâce au roulement effectué par les assistants maternels, des enfants peuvent être gardés en dehors des horaires habituels d'ouverture.

Pour les communes, notamment les petites communes rurales, elle apporte une solution compatible avec leurs capacités financières. En effet, ces communes n'ont souvent pas les moyens de soutenir la création d'une crèche. Même dans l'hypothèse où elles mettraient un local à disposition, les maisons d'assistants maternels leur permettront d'offrir un mode de garde de qualité à leurs habitants.

Pour les assistants maternels, elle offre la possibilité d'évoluer dans leur carrière et de rompre avec l'isolement que la plupart d'entre eux déplorent. Les assistants maternels pourront, en effet, partager leur expérience, ce qui est de nature à rassurer les parents.

Le deuxième axe de la proposition de loi concerne l'amélioration des conditions d'agrément et de formation des assistants maternels.

Comme je l'ai rappelé, il est impératif d'améliorer l'attractivité du métier, en réformant notamment les conditions d'accès au métier et à la formation.

L'agrément pour un seul enfant, accordé par le conseil général, ne permet pas à un assistant maternel de subvenir à ses besoins. La rémunération moyenne pour un assistant gardant un enfant se situe autour de 400 euros par mois. L'article 5 prévoit donc la possibilité d'être directement agréé pour la garde de deux enfants. Je suis entièrement favorable à cette mesure, qui avait été d'ailleurs adoptée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle permettra aux assistants maternels de vivre décemment et rendra la profession plus attractive financièrement.

L'article 5 prévoit, par ailleurs, une réorganisation de la formation des assistants maternels, avec le passage de deux à une semaine de la formation préalable à l'accueil du jeune enfant. Si je comprends l'intention de cette mesure, je pense qu'elle est contre-productive. Elle perturberait sérieusement les départements qui répondent globalement dans de meilleures conditions aux exigences posées par la législation après une période de mise en place du nouveau dispositif en 2007. Elle serait de plus coûteuse, car les conseils généraux doivent financer le remplacement des assistants maternels en formation. Enfin, le gain pour les assistants maternels est faible, et cette mesure risque de nuire à l'image de la profession auprès des parents. C'est pourquoi, je vous proposerai un amendement de retour au dispositif actuellement en vigueur.

Le dernier axe de la proposition de loi touche à l'amélioration des conditions d'agrément des établissements d'accueil collectif et à la simplification de leur gestion.

On constate, en effet, que les critères d'agrément utilisés par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des conseils généraux varient considérablement d'un département à l'autre. Cette situation est doublement préjudiciable, car non seulement elle crée une inégalité de fait entre les structures, certaines étant soumises à des règles plus strictes que d'autres, mais elle nuit à l'acceptation, par le personnel de ces structures, des règles de sécurité et d'hygiène nécessaires à la protection des enfants. Il est donc prévu à l'article 6 d'établir un référentiel au niveau national, approuvé en Conseil d'État, qui harmonisera les pratiques au niveau national.

Par ailleurs, l'article 7 prévoit que les responsables d'établissement ou de service d'accueil des enfants puissent demander au conseil général des capacités d'accueil différentes selon les semaines ou les heures de la journée, en fonction des besoins d'accueil. Il s'agit d'une souplesse déjà existante, mais peu mise en oeuvre dans les faits, en raison de la difficulté pour les responsables de l'obtenir auprès des services de la PMI. Il s'agit donc de redonner à ces responsables les outils dont ils ont besoin pour gérer au mieux les établissements d'accueil.

Le présent texte marque la fin d'un long processus, de l'expérimentation menée par de petits groupes d'assistants maternels, auxquels je souhaite aujourd'hui rendre hommage, à la réflexion menée en commun par les sénateurs et les députés. Il établit, plus de quatre ans après les premières maisons lancées par des assistantes maternelles, un équilibre entre la place accordée aux initiatives individuelles et le maintien d'un cadre sécurisé pour la garde de nos enfants.

Les nombreux acteurs que nous avons rencontrés, et qui ont d'ores et déjà monté des projets de maisons, attendent l'adoption de cette proposition de loi avec impatience.

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