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Intervention de Lionnel Luca

Réunion du 6 avril 2010 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca, rapporteur :

Il existe aujourd'hui trois voies d'accès terrestres entre la France et l'Italie à travers les Alpes. Les deux principales sont routières, par les tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc. Elles connaissent un engorgement chronique, avec parfois des conséquences tragiques comme dans le tunnel du Mont-Blanc au printemps 1999.

Pour alléger le trafic de marchandises transitant par ces tunnels, un troisième trajet a été ouvert, en 2003. L'autoroute ferroviaire alpine, dont la création a été décidée lors du sommet franco-italien de Turin en 2001, permet de transporter des camions et leurs chargements depuis la gare d'Aiton, en Savoie jusqu'à celle d'Obassino, dans le Piémont.

L'exploitation des infrastructures ferroviaires existantes est assurée par une société italienne, filiale à parts égales de la SNCF et de Trenitalia. Lors de sa création, ce service était conçu comme une expérience devant durer jusqu'à l'achèvement de travaux sur le tunnel du Mont-Cenis, afin de mettre celui-ci aux standards internationaux de gabarits hauts.

Initialement prévus pour s'achever en 2006, les travaux ont été retardés. Les entreprises impliquées dans le projet estiment désormais que la mise au gabarit souhaité sera terminée en 2011. Se trouve dès lors posée la question de la pérennisation du service de ferroutage expérimental actuel.

Dès 2007, la France et l'Italie ont fait savoir par une déclaration ministérielle commune qu'ils souhaitaient inscrire ce service dans la durée. Un mémorandum d'accord signé en février 2009 a réitéré cet engagement.

L'accord signé le 9 octobre 2009 permet de faire entrer le service de ferroutage entre la France et l'Italie dans sa phase définitive.

Il y a toutefois quelques difficultés dans ce texte. Comme souvent pour les grands projets d'infrastructures, celles-ci sont à la fois juridiques et financières.

En effet, en l'absence d'offre privée de service de ferroutage, la France et l'Italie ont choisi de créer un service public, qui sera concédé à un ou des exploitants privés. La procédure de choix de ces exploitants est entamée, et devrait s'achever avant la fin de cette année.

Garants du bon fonctionnement de ce service, de sa continuité et d'une fréquence convenable des convois y circulant, les Etats s'autorisent également à aider financièrement les exploitants qui seront retenus. Or, le versement d'une telle subvention doit être accepté par la Commission européenne, qui vérifiera sa compatibilité avec les principes du droit de la concurrence et du marché commun.

La Commission européenne a accepté le versement de subventions pour le service expérimental, et a renouvelé son autorisation par deux fois, en 2008 et 2010. Selon le ministère du développement durable, la Commission serait prête à considérer le service définitif de ferroutage comme un service d'intérêt économique général, ce qui autoriserait les acteurs publics à en subventionner les exploitants.

Actuellement, l'aide versée par chacun des Etats aux exploitants du service expérimental représente quelques 6 millions d'euros par an environ, dont la moitié est calculée en fonction du volume de marchandises transportées. Une fois les travaux achevés, la possibilité de convoyer de plus grands chargements devraient permettre de concerner un marché plus large, et donc a priori réduire le besoin de financement public du ou des exploitants.

Les modalités de calcul final de la subvention seront déterminées au cours de la procédure de sélection. Dans tous les cas, elles devront respecter les principes du droit communautaire, ce dont la France et l'Italie s'assurent en entretenant un dialogue régulier avec la Commission européenne.

La principale incertitude juridique liée à la mise en place d'un service définitif de ferroutage entre la France et l'Italie semble donc a priori réglée. Reste maintenant à évaluer les conséquences à long terme de la pérennisation d'un tel service. Trois aspects paraissent plus importants.

Tout d'abord, la sécurité du transport de marchandises entre la France et l'Italie sera nécessairement améliorée. Chaque année, plus d'un million trois cent mille camions circulent à travers les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus.

L'objectif final de ce service de ferroutage franco-italien est d'assurer le transit de 100 000 camions par an, soit environ 10 % de ce total. En réduisant l'engorgement des voies routières, l'autoroute ferroviaire ne peut qu'améliorer la sécurité des usagers, d'autant plus que le service de ferroutage transporte les matières les plus dangereuses.

L'autre atout majeur du projet de ferroutage est évidemment son caractère plus respectueux de l'environnement. Les estimations actuelles évoquent des économies de 15 000 à 20 000 tonnes de CO2 par an, 10 tonnes de particules fines, 80 tonnes de monoxyde et de dioxyde d'azote, 40 tonnes de carbone organique volatil et 40 tonnes de monoxyde de carbone. D'autres avantages sont à attendre de cette pérennisation, notamment une réduction des nuisances sonores aux approches des tunnels routiers.

Enfin, la création d'un service de ferroutage entre la France et l'Italie peut favoriser la création d'emplois. D'ores et déjà, la mise au point d'un nouveau wagon surbaissé a permis de remplir le carnet de commandes de l'usine de Modalohr de Duppigheim, en Alsace, pendant plusieurs mois. A l'avenir, la mise au point d'autres matériels de traction adaptés au nouveau service de ferroutage pourrait permettre à l'entreprise Alsthom de décrocher un nouveau contrat.

Nul ne peut contester l'intérêt évident du projet, sauf pour les raisons juridiques que j'ai déjà évoquées.

En tout état de cause, au vu des investissements considérables déjà réalisés, et des premiers bilans de l'exploitation du service expérimental, le service de ferroutage franco-italien apparaît comme un projet européen majeur qui favorise l'environnement et la sécurité.

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