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Intervention de Jean-Yves Raude

Réunion du 31 mars 2010 à 10h30
Commission des affaires sociales

Jean-Yves Raude, directeur du service des retraites de l'état :

L'ensemble des 36 régimes de retraites obligatoires représente plus de 240 milliards d'euros de dépenses. Dans ce total, les dépenses des régimes de retraites des trois fonctions publiques – d'État, territoriale et hospitalière – atteignent 55 milliards d'euros. Celui de la fonction publique d'État, le deuxième régime de France par le nombre des pensionnés et le volume des retraites versées, regroupe l'ensemble des fonctionnaires civils, auxquels on été rattachés récemment ceux de La Poste et de France Télécom, ainsi que les militaires, soit au total 2 200 000 pensionnés. En 2009, il a servi 43,5 milliards d'euros de pensions, dont 34,7 pour les pensions civiles.

Depuis quinze ans, le montant des pensions a fortement augmenté. Hors revalorisation, l'augmentation de la dépense a été comprise entre 3,6 % et 5 % par an depuis 2005. Elle s'est orientée à la hausse en raison de l'arrivée de générations plus nombreuses à l'âge de la retraite. L'évolution des pensions militaires a, pour sa part, été beaucoup plus modérée que celle des pensions civiles.

En dix ans, le nombre des pensionnés s'est accru de 442 000 (soit une augmentation de 25 %) pour atteindre, en 2009, 1 400 000 environ.

Jusqu'à 2001, le nombre des nouveaux retraités s'établissait entre 50 000 et 60 000 par an. Depuis, nous avons assisté alors à une assez forte augmentation, avec un pic en 2003, en raison de la réforme. Après un tassement et une remontée du fait de la démographie, nous avons été surpris en 2009 par une inflexion de ce nombre, correspondant à une rupture de comportement. Nous attendions 83 000 départs et il n'y en a eu que 68 000. Cette inflexion de 16 % s'explique sans doute par deux éléments : l'arrivée en plein effet du dispositif de décote-surcote, qui a incité les fonctionnaires à optimiser leur âge de départ, repoussant la date de celui-ci pour bénéficier d'un peu plus de surcote, ou de moins de décote ; la crise, qui a probablement incité les presque retraités à prolonger leur activité pour assurer l'avenir, notamment celui des enfants ou des parents.

D'autres facteurs ont conduit à une progression de la dépense : depuis 2003, les pensions sont revalorisées sur l'inflation (et non plus sur le point d'indice de la fonction publique). Depuis 2001, les pensions moyennes des nouveaux retraités progressent en moyenne de 1,4 % par an pour les civils.

Je ne détaillerai pas la réglementation du régime de retraite de la fonction publique d'État : un régime par répartition, très ancien, et un régime complémentaire obligatoire (retraite additionnelle de la fonction publique) introduit par la loi de 2003, qui fonctionne par points. Pour les nouveaux retraités, le nombre de points accumulés étant faible, la retraite correspondante l'est également, la montée en charge devant se faire sur vingt ou trente ans.

Les départs ont lieu dans les trois quarts des cas à l'âge de soixante ans pour les fonctionnaires dits « sédentaires » et, pour un quart des cas, à l'âge de cinquante-cinq ans, voire de cinquante dans certaines conditions, pour les fonctionnaires des catégories dites « actives ». Enfin, un dispositif particulier permet aux parents de trois enfants d'ouvrir leurs droits à la retraite après quinze ans de service.

Les principaux éléments qui interviennent dans le calcul de la pension sont les suivants : la durée de service dans le régime ; la base de calcul et l'indice détenu dans les six derniers mois avant le départ en retraite ; la durée d'assurance tous régimes pour le calcul de la décote et de la surcote ; le nombre d'enfants pour la majoration pour enfant.

Il existe un minimum garanti, qui concerne environ 10 % des nouveaux retraités civils et 16 % des militaires.

Enfin, un dispositif concernant les carrières longues permet à ceux qui ont cotisé plus de quarante ans de partir avant l'âge limite ; il a concerné moins d'un millier de personnes en 2009.

Je vous dirai un mot du service des retraites de l'État.

L'unification des pensions de l'État et le paiement par le Trésor de ces pensions datent d'une loi de 1853. Le service des retraites de l'État reprend et élargit les missions de l'ancien service des pensions, créé en 1972. Il a été érigé en service à compétence nationale, rattaché à la direction générale des finances publiques par des décrets du 26 août 2009. C'est une réforme qui s'inscrit dans trois mesures issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La principale réforme, qui intervient en amont, a modifié le dispositif. Auparavant, les services des pensions dans les ministères reconstituaient les carrières des deux ans précédents et les transmettaient au service des pensions ; c'est celui-ci qui calculait la retraite, en assurait la liquidation et transmettait les éléments pour paiement au réseau des vingt-neuf centres régionaux des pensions. Maintenant, au lieu de faire reconstituer les carrières par les ministères, on collecte au fil de l'eau toutes les données de carrière dans un compte individuel de retraite, et c'est sur la base de ce compte individuel que la retraite sera liquidée. Mais il faut avoir complété toutes les carrières. On s'y est attelé et ce devrait être achevé en 2012. Nous avons un million de comptes à compléter. Jusqu'à présent, ces comptes n'étaient pas complets parce qu'il n'était pas nécessaire qu'ils le soient jusqu'à l'instauration du droit d'information retraite de 2003. C'est un gros chantier.

En aval, nous avons ouvert un autre chantier : la recomposition des centres régionaux des pensions et l'amélioration du service offert aux usagers. On va créer un centre d'appel pour renseigner les usagers, qui sera installé sur deux sites, à Rennes et Bordeaux, et dont les effectifs seront renforcés. Sa mise en place est prévue dans le courant de l'année 2011.

Ensuite, depuis août 2009, le service des retraites de l'État est responsable de deux programmes du compte d'affectation spéciale « Pensions » : programme 741 (pensions civiles et militaires et allocations temporaires d'invalidité) et programme 743 (pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre), pour un total de 49,3 milliards en 2010.

Enfin, le service participe naturellement au travail inter-régimes mené, dans le cadre du GIP Info-retraite, qui coordonne les dispositifs des 36 régimes obligatoires pour assurer un service homogène et lisible à l'ensemble des assurés.

Nous nous sommes livrés à un petit exercice de faisabilité technique des différentes pistes de réformes qui sont évoquées aujourd'hui.

S'agissant des durées de cotisation et de l'âge d'ouverture des droits, l'adaptation des systèmes d'information ne pose pas de difficulté technique particulière. C'est compliqué, mais assez rapidement réalisable. S'agissant de l'âge limite (65 ans), c'est un peu plus difficile, dans la mesure où la règle se cache dans de nombreux endroits des systèmes d'information. Il s'agit d'un travail technique important, qui demandera probablement un certain temps.

Quant au découpage de l'ensemble des fonctionnaires en sous-populations, notamment au regard de la pénibilité, s'il fallait le faire, il s'agirait d'un travail encore plus compliqué, qui exigerait un délai de mise en oeuvre plus long, selon la complexité du découpage retenu.

Nous avons également examiné la faisabilité du changement de base de calcul des droits, les fameux six derniers mois. La difficulté que nous rencontrons est que nous n'avons pas les données sur vingt-cinq ans, ni sur dix ans, ni même au-delà de trois ans. Les données précises qui permettraient de calculer les droits sur cette base ne sont pas contenues dans les systèmes d'information, parce que l'on n'en avait pas besoin jusqu'à maintenant pour la gestion des payes. Les conserver nous aurait d'ailleurs sans doute exposés aux critiques.

Le service des retraites de l'État ne dispose de données qu'au moment du départ en retraite : il n'a pas les données concernant les années précédentes. Par ailleurs, dans les systèmes d'information et de ressources humaines des ministères, n'est présent que ce qui est nécessaire pour prendre en compte les avancements et calculer la paye. On ne peut donc que récupérer des données sur deux ou trois ans, mais pas plus.

Tout est envisageable, à condition de procéder de manière progressive. Si l'on voulait passer à cinq ans ou dix ans, plusieurs années seraient nécessaires, de la même manière que le passage des 10 aux 25 meilleures années a été étalé sur 15 ans dans le régime général.

L'intégration des primes pose également de nombreux problèmes que je n'aborderai pas ici. Mais, là encore, il faudrait une alimentation au fil de l'eau pour que cela soit possible. On l'aura de manière fiable une fois qu'on aura mis en place l'alimentation du compte individuel de retraite par la déclaration annuelle de données sociales, qui est prévue à moyen terme, à partir de 2012-2014.

S'agissant de la réversion, l'introduction d'une condition d'âge ne soulèverait pas de difficulté technique particulière. La mise en place d'une condition de ressources serait en revanche très complexe à mettre en oeuvre et doublerait le temps de traitement des 30 000 dossiers traités aujourd'hui.

Tels sont les quelques éléments complémentaires de faisabilité technique que je souhaitais vous apporter.

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