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Intervention de François Aubart

Réunion du 24 mars 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

François Aubart, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs :

S'agissant du caractère sérieux des engagements pris, je vous confirme qu'il existe une volonté politique très forte dans la quasi-totalité des pays, exceptés ceux qui figurent sur la liste noire. Quant à ceux qui se trouvent dans une situation intermédiaire, ils se sont engagés à davantage de transparence et d'échanges d'informations fiscales, financières et comptables. Reste à vérifier le caractère effectif et concret de ces engagements. C'est à quoi se consacre le groupe d'évaluation par les pairs des quatre vingt onze pays ayant adhéré au Forum Mondial (OCDE) dont la volonté de coopération est en train d'être ainsi testée.

Des flux financiers massifs transitent par les places offshore et les territoires non coopératifs. En dehors même des questions de régulation prudentielles, ils échappent pour une large part à la fiscalisation. Cela peut amener à s'interroger utilement sur l'opportunité de créer une taxe, de type Tobin, qui permettrait de capter une partie de ces flux financiers.

Les transferts financiers liés au blanchiment sont en forte augmentation. Comme le montrent des affaires récentes impliquant le crime organisé entre les Etats Unis et le Mexique et en Europe, incluant à chaque fois un ou plusieurs territoires non coopératifs. Peut-on aller jusqu'à dire que l'argent du blanchiment met de l'huile dans les rouages de l'économie mondialisée? Il y a deux ans, lorsque la crise est apparue, un haut fonctionnaire de l'ONU a expliqué qu'un certain nombre de banques avaient réussi à rester liquides grâce à des flux financiers peu orthodoxes. Cela n'a jamais été confirmé, mais la crise a révélé que les paradis fiscaux étaient utilisés souvent plus pour leur opacité juridique que pour le niveau de leur fiscalité.

Les bénéfices nets réalisés en 2008 par les seules mafias italiennes représenteraient, selon des sources italiennes, 130 milliards d'euros : cela peut paraître presque modeste en masse comparé aux centaines de milliards de $ de Credit Default Swaps et autres produits dérivés dont une proportion importante transite ou est domiciliée dans des paradis fiscaux à la réputation d'opacité solidement établie. Mais pour une part non négligeable, les activités de blanchiment utilisent les même types d'instruments juridico-financiers, exploitent les même carences réglementaires, usent et abusent de la complaisance des mêmes autorités locales et des régulateurs financiers ainsi que des services de banques ou de filiales bancaires ou de conseils que les transactions financières offshore classiques.

Dans l'affaire Madoff étaient impliqués 22 hedge funds et fonds de fonds domiciliés notamment aux British Virgin Islands, aux Caïmans, en Irlande et au Luxembourg, sans doute en raison de la faiblesse de régulateurs locaux, d'obligations très légères voire inexistantes de reporting comptable et financier et de la non régulation de ce secteur de la finance.

L'opacité et le faible niveau de taxation des territoires non coopératifs sont toujours considérés comme attractifs pour les opérateurs financiers. En 2008, pourtant l'une des pires années pour les résultats globaux des banques, ceux enregistrés dans l' offshore sont restés très positifs avec un niveau encore élevé de rentabilité notamment pour le private banking. D'où les résistances très vives aux projets de régulation touchant par exemple les hedge funds.

Il est néanmoins encourageant de voir les grandes banques françaises, fortement incitées par les pouvoirs publics à réduire leurs activités dans les juridictions non coopératives, fermer des implantations dans ces pays, ainsi récemment la BNP-Paribas au Panama.

Sans doute serait-il opportun, pour aller vers davantage de transparence, de demander aux banques d'établir un reporting pour chaque pays d'implantation, mais cette mesure ne fait malheureusement pas consensus. Le Parlement français a fait un pas en avant important, dans le cadre du projet de loi sur les caisses d'épargne, en demandant aux banques d'établir un reporting plus précis, et surtout de le rendre public.

La question des prix de transfert est importante pour la fiscalité des entreprises et au coeur des stratégies d'évitement fiscal. L'une des contre-mesures proposées par le Gouvernement français est d'exiger de la part des entreprises une documentation plus fournie pour l'établissement des prix de transfert, notamment entre sociétés mères et filiales. Des prix de transfert abusifs avec délocalisation du bénéfice imposable dans un paradis fiscal lèsent à la fois les recettes fiscales du pays d'origine, ce qui est un vrai problème pour les pays en développement, et du pays de destination. C'est ainsi que Jersey est devenu le plus gros exportateur mondial de bananes !

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