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Intervention de François Aubart

Réunion du 24 mars 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

François Aubart, délégué général à la lutte contre les territoires et juridictions non coopératifs :

Les avenants et nouvelles conventions bilatérales de double imposition et d'échange de renseignements signés par la France sont conformes au modèle OCDE de 2005 qui oblige notamment – et pas seulement en cas de blanchiment ou de fraude – l'Etat requis lors du contrôle fiscal d'un contribuable offshore non déclaré à fournir de l'information détenue par des banques, autrement dit la levée du secret bancaire. Pour que celle-ci puisse être effective, certains pays se sont en outre engagés à supprimer les obstacles constitutionnels et législatifs ainsi que la distinction opérée en droit interne, suisse par exemple, entre évasion et fraude fiscale qui constitue depuis longtemps un obstacle dirimant à l'échange d'informations. Autre progrès, les nouvelles conventions interdisent toute restriction relative à ce que l'on appelle « l'intérêt domestique » : à l'avenir l'Etat requis devra s'obliger à rechercher un renseignement d'intérêt fiscal, même si celui-ci est inutile pour l'intérêt de sa propre législation.

Pour les trusts et autres entités juridiques favorisant l'opacité et de plus en plus utilisés dans les montages d'optimisation et d'évasion fiscale, les nouvelles conventions obligent aussi les Etats et les juridictions à rendre accessible et disponible l'information financière, comptable et fiscale concernant à la fois les propriétaires légaux, mais aussi les bénéficiaires effectifs de ces dispositifs. C'est un point essentiel car, avec les dispositions actuelles les trusts et leur combinaison avec d'autres structures opaques constituent autant de murs infranchissables nuisant gravement à l'efficacité des contrôles fiscaux transnationaux.

Cela dit, il existera toujours des nuances d'un pays à l'autre ; elles peuvent être interprétées comme des limites, mais il n'en demeure pas moins que nous serons plus efficaces lorsqu'un certain nombre d'obstacles seront levés. Aussi je me réjouis que le calendrier parlementaire permette à l'Assemblée et au Sénat de se pencher sur ces conventions, qui ont été négociées il y a déjà quelques mois. Cela étant, outre que leur application ne sera pas immédiate dans la mesure où elles doivent être ratifiées par les deux pays concernés, elles ne seront pas rétroactives : pour ce qui est des personnes physiques, elles ne pourront s'appliquer que sur les revenus perçus en 2010.

Une autre limite importante vient de ce que nous appliquons la norme de l'OCDE, laquelle repose sur le consensus. Or, pour lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale, la fraude fiscale, les dérapages divers et variés et les délits comme le blanchiment, il faut que tous les pays concernés acceptent les mêmes normes. Ce consensus politique existe, mais il doit être juridiquement décliné par tous les pays, y compris par ceux qui reprochent aux juridictions de n'être pas suffisamment transparentes.

En matière de sanctions, la France a récemment pris des mesures. L'Allemagne l'a fait également, sans toutefois établir une liste, ainsi que les États-Unis. Au Royaume-Uni, Alistair Darling, le chancelier de l'Echiquier, a annoncé il y a quelques jours que le doublement des sanctions financières pour les revenus non déclarés figurerait dans le prochain budget.

Nous pouvons certainement faire plus. Cela dit, l'Europe a fait de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale l'une de ses priorités, en témoignent la nouvelle directive « Épargne » ou celle sur les hedge funds, qui est actuellement en discussion – même si la négociation est difficile.

Les États fédéraux posent un problème particulier. En Suisse, par exemple, chaque canton a sa propre politique fiscale. C'est le cas depuis longtemps de Zoug, rejoint depuis peu par les petits cantons historiques comme Schwyz ou Glarus. Dans certains cantons, on ne paie pas d'impôt sur le revenu, dans d'autres on paie l'impôt sur la fortune…

De la même manière, aux États-Unis, les États disposent d'une certaine autonomie fiscale. Et le système en vigueur, s'il pose des problèmes juridiques, présente l'avantage de faciliter le règlement des conflits commerciaux. Il n'en reste pas moins que les États-Unis sont attaqués aujourd'hui sur la fiscalité d'États comme ceux du Delaware, du Montana ou du Nebraska.

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