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Intervention de Rick McDonell

Réunion du 24 mars 2010 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Rick McDonell, secrétaire exécutif du Groupe d'action financière :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation car c'est pour moi toujours un honneur que de contribuer aux travaux des différentes commissions de l'Assemblée nationale. Votre invitation témoigne de l'intérêt que vous portez aux travaux du GAFI.

Le GAFI a été créé en 1989 à l'occasion d'un sommet du Groupe des Sept afin de développer des normes et mesures visant à lutter contre le blanchiment des capitaux (LBC). Après les évènements du 11 septembre 2001, notre mandat a été élargi à la lutte contre le financement du terrorisme (FT).

Depuis sa création, le GAFI fonctionne dans le cadre d'un mandat défini : c'est donc une task force (groupe d'action) qui peut répondre aux menaces dès qu'elles apparaissent. Le mandat actuel du GAFI, qui couvre la période 2004-2012 a été revu à mi-parcours en 2007 et en 2008 ; il a été confirmé et révisé par les ministres responsables en avril 2008.

La priorité du GAFI demeure la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme à l'échelle mondiale, par la mise en oeuvre complète de normes internationales élaborées à partir des 40+9 Recommandations du GAFI. En effet, nous fixons des normes et évaluons leur mise en oeuvre de manière très rigoureuse. Comme M. d'Aubert l'a rappelé, le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales a commencé à évaluer les pays en s'inspirant des mécanismes du GAFI. Depuis une vingtaine d'années maintenant, nous avons examiné tous les pays qui se sont engagés dans la LCBFT : nous sommes en train de réaliser le troisième cycle d'évaluation des pays. Nous disposons également de huit groupes régionaux (groupes régionaux de style GAFI ou FATF-style regional bodies) qui suivent le même modèle d'évaluation, si bien que quelque 180 juridictions respectent, sur un plan politique et technique, la mise en oeuvre de ces normes.

Par ailleurs, nous examinons de près toute méthode, toute tendance et tout nouveau modus operandi permettant ou facilitant le blanchiment des capitaux.

L'absence dans un pays de mesures contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme accroît sa vulnérabilité en le rendant extrêmement attractif pour ceux qui souhaitent utiliser son système financier en vue de faire transiter des capitaux à des fins illicites, y compris pour financer le terrorisme. C'est pourquoi un aspect fondamental de nos travaux consiste à identifier les risques que présentent certains pays afin d'y remédier. À cette fin, le GAFI, au cours des années écoulées, a recouru à différentes méthodes. Entre 2000 et 2006, il a réalisé un exercice qui a porté sur les pays et les territoires non coopératifs – Non-Cooperative Countries and Territories ou NCCT –, exercice qui a fait l'objet, à l'époque, d'une certaine publicité. Celui-ci a été concluant puisque, sur soixante pays ou juridictions étudiés, vingt-trois ont figuré sur une liste recensant les territoires ne prévoyant aucun système efficace de lutte contre le blanchiment des capitaux. Ces vingt-trois pays ont accompli, depuis lors, des progrès significatifs si bien qu'ils ne figurent plus sur cette liste – le dernier pays a été retiré de la liste en octobre 2006.

En 2007, nous avons engagé un nouveau processus d'analyse des systèmes des juridictions où le risque perdure ou qui en présentent de nouvelles menaces en matière de blanchiment des capitaux, de financement du terrorisme ou de flux financiers à des fins illicites. Nous avons publié, en 2008, plusieurs déclarations concernant des défaillances dans des pays tels que l'Iran, l'Ouzbékistan, le Pakistan, le Turkménistan, Sao-Tomé-et-Principe et la partie nord de Chypre. En rendant publiques ces déclarations, nous invitions non seulement les gouvernements mais également les institutions financières, telles les banques, et les régulateurs financiers à porter une attention plus particulière aux transactions avec ces pays. Outre que tous les membres du GAFI ont prévenu leurs institutions financières des risques existants, le GAFI a demandé l'application de contre-mesures, notamment à l'encontre de l'Iran. Les juridictions visées ont pris des mesures correctives pour lutter contre les défaillances : la partie nord de Chypre et l'Ouzbékistan ont fait suffisamment de progrès pour que le GAFI cesse sa surveillance étroite.

Toutefois, en cette même année 2008, le GAFI a renforcé encore son processus d'analyse, à la suite de l'appel du G 20 visant à répondre aux menaces nouvelles qui ont surgi avec la crise économique et financière mondiale. Le mois dernier, nous avons publié, notamment sur notre site internet, deux documents. Le premier document identifie quatre nouvelles juridictions : l'Angola, la République démocratique populaire de Corée, l'Équateur et l'Éthiopie, qui présentent des défaillances significatives, et nous avons appelé nos membres à s'intéresser tout particulièrement à ces pays.

Le GAFI dispose d'un menu d'actions auquel il recourt par le truchement de ses membres : il peut, comme l'a évoqué M. d'Aubert, faire procéder, par des pairs, à des examens approfondis et rigoureux, ou encore exercer une pression internationale par le biais de déclarations publiques. Il peut également adopter des contre-mesures. C'est ainsi que nous pouvons demander aux membres du GAFI, ainsi qu'à nos partenaires régionaux, de s'assurer que leurs établissements financiers font preuve d'une vigilance accrue en matière de transactions avec les pays visés, entre ces pays ou avec des individus ou des entités présents dans ces pays, ce qui peut se traduire par des sanctions financières à l'encontre d'un individu, d'une entité, voire d'un pays donnés.

Il est possible à terme de limiter, voire d'interdire les transactions financières avec certains individus ou entités d'un pays.

Nous avons par ailleurs publié un autre document qui identifie vingt autres juridictions présentant des manquements significatifs. Celles-ci présentent assurément un risque élevé mais ne peuvent toutefois être considérées comme « non coopératives » au sens strict du terme car elles ont témoigné d'un engagement politique de haut niveau auprès du GAFI et ont adopté des plans d'action avec des dates butoirs pour l'adoption de mesures correctives. C'est la raison pour laquelle nous séparons ce groupe de vingt pays du groupe des pays les plus préoccupants. Toutefois, ces défaillances subsistant, nous avons décidé de les rendre publiques et nous continuerons de surveiller de près les progrès accomplis – nous ferons un bilan à chacune des trois réunions plénières annuelles du GAFI. Si les progrès sont jugés suffisants, nous diminuerons les pressions ; en revanche, nous pourrons les accroître si nous considérons que l'application des mesures correctives prend du retard.

Nous avons également mis en place un mécanisme d'évaluations mutuelles, qui repose sur des analyses approfondies du niveau de conformité. Si nous estimons que le niveau de conformité d'un pays est défaillant, celui-ci entre dans le processus de suivi avec les conséquences éventuelles que j'ai déjà évoquées.

À terme, nous aurons étudié la conformité des mesures de quelque cent juridictions. Nous demanderons publiquement des comptes aux juridictions dont le niveau de conformité sera jugé insuffisant.

En ce qui concerne le financement du terrorisme, nous avons adopté neuf recommandations spéciales après les attentats du 11 septembre. Elles visent à rendre nécessaire un engagement politique et la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour ratifier et immédiatement appliquer toutes les conventions des Nations unies pertinentes, criminaliser le financement du terrorisme, geler et confisquer les actifs liés au terrorisme, signaler toute transaction suspecte liée au terrorisme, apporter, sur le plan de la coopération internationale, l'assistance la plus large possible en matière d'entraide judiciaire ou d'échange de renseignements dans le cadre des enquêtes, lutter contre le blanchiment des fonds, notamment dans le cadre d'un réseau informel de transferts de fonds non bancaires, encore appelé « système souterrain », afin de le réglementer, exiger une réglementation en matière de transferts ou d'envois de fonds télégraphiques ou par câble, lutter contre l'utilisation frauduleuse des organisations à but non lucratif et détecter, enfin, les passeurs de fonds – nous assistons en effet au développement d'un phénomène très inquiétant en la matière depuis que nous avons remédié à certaines lacunes.

Telle est, monsieur le président, la présentation, très rapide, que je souhaitais faire de l'institution que j'ai l'honneur de représenter.

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