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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 8 avril 2010 à 9h30
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Article 30, amendements 3666 3868 5319

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Je veux rebondir sur les propos que nous venons d'entendre.

Nous n'avons, madame Vasseur, aucune vision misérabiliste de l'hôpital public. S'il y a des métiers que nous valorisons, et dont nous considérons qu'ils sont fondamentaux pour notre société, ce sont bien ceux-là. On peut être à la fois extrêmement fier du métier que l'on fait et avoir un sentiment de non-reconnaissance ou de méconnaissance sociale, qui peut aller jusqu'à l'humiliation. Ce n'est absolument pas incompatible ; je puis vous le dire en tant que présidente d'une mission parlementaire sur les risques psychosociaux où nous entendons, au sujet de la souffrance au travail, des hommes et des femmes – pas des infirmiers, mais la démarche est la même –qui déclarent aimer leur métier, en être fiers et le juger important pour la société, tout en ayant le sentiment que leur employeur, la société, les voisins ou les collègues n'en reconnaissent pas l'utilité. La valorisation du travail est donc l'un des sujets essentiels que nous avons à traiter. Vous qui n'avez à la bouche que la reconnaissance de la valeur travail, donnons-lui un sens strict : reconnaissons-en l'utilité.

À l'hôpital comme ailleurs, un sentiment de déshumanisation se développe ; on a l'impression de ne pas disposer du temps nécessaire pour accomplir correctement certains actes, pour parler aux patient ou s'en occuper dans la durée. Bref, on peut être fier de son travail tout en ayant le sentiment de ne pas pouvoir le faire dans des conditions optimales. Or cette question, comme M. Poisson et moi l'avons souligné, ne relève pas de la pénibilité. Vous nous avez répondu, madame la ministre, sur les risques psychosociaux, évoquant une série de mesures, d'approches ou de notions telles que la dynamique du travail ; elles sont sans doute utiles, mais ne portent pas sur la pénibilité au sens strict. Je l'ai dit et je le répète : il ne faut pas confondre les deux sujets.

M. Poisson a expliqué que le texte n'empêchait pas d'apporter une réponse ultérieurement au problème de la pénibilité du travail des infirmières, et d'autre part que rien, dans la loi de 2003, n'en imposait la prise en compte. Ces deux arguments sont tout à fait justes. La loi de 2003 n'impose pas la prise en compte de la pénibilité de ces métiers, mais il se trouve qu'elle avait permis dans le cas présent la reconnaissance de cette pénibilité ! Il faut donc renverser le raisonnement : il ne s'agit pas de dire que nous partons de rien et de viser des progrès substantiels ; un dispositif novateur, ayant permis une prise en compte de la pénibilité, existait, et l'on veut le remplacer par un autre où il n'y a plus rien…

Comme l'a observé Marylise Lebranchu, la question de l'âge de départ en retraite doit être posée. Dès lors que le LMD assure une meilleure reconnaissance du métier et des qualifications, pourquoi ne pas, en effet, s'interroger sur l'un des aspects de cette reconnaissance, à savoir l'âge de départ en retraite ? Mais cela justifie-t-il que l'on fasse table rase de l'ensemble des éléments constitutifs de la pénibilité ? On verra demain, nous dit en substance M. Poisson. Mais pourquoi remettre à demain ce qui était acquis hier et que l'on veut aujourd'hui supprimer ? Cette question reste pour nous sans réponse.

S'il n'y avait pas eu cette majoration de la durée d'assurance, on pourrait arguer du LMD et du passage automatique en catégorie A, et renvoyer la question de la pénibilité au moment de la réforme des retraites. Mais ce n'est pas le schéma que vous proposez, car, je le répète, il existait déjà un dispositif. Il est très difficile, affirmez-vous, de prendre en compte la pénibilité car, si les infirmières travaillent la nuit, c'est qu'elles en ont envie. Certes, mais autrefois, les postiers considéraient que porter des paquets très lourds faisait partie de leur métier et ils en tiraient fierté ; or cela n'empêchait pas leur état physique d'en être affecté. De la même façon, les infirmières peuvent avoir envie de travailler la nuit et en subir les séquelles en termes de conditions de vie ou de pénibilité.

Nous maintenons donc, au terme de la discussion intéressante que nous venons d'avoir, ces amendements de suppression, les questions précises que nous avons posées étant restées sans réponse, à commencer par celle de la pénibilité – et non des risques psychosociaux – du travail des infirmières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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