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Intervention de Patrick Lebreton

Réunion du 17 février 2010 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Lebreton, Président de l'Association des départements de France :

Pour l'ADF, la réforme des collectivités territoriales ne peut être envisagée que comme un ensemble, incluant la réforme de la fiscalité locale – dont la suppression de la taxe professionnelle – et l'indispensable clarification des compétences. Cela étant, si l'on s'en tient au projet en cours d'examen, je dirai que, s'il y a unanimité au sein de l'Association sur les dispositions relatives à l'intercommunalité, la création des conseillers territoriaux est, elle, très controversée. Une majorité d'entre nous y est hostile, indépendamment de tout clivage politique, parce que nous estimons que cette réforme ne prend pas en compte la réalité de nos territoires.

La loi du 2 mars 1982, dont on mesure aujourd'hui les effets positifs, a bouleversé l'organisation politique et financière des départements en faisant passer la responsabilité exécutive du préfet au président du conseil général. Depuis, les conseils généraux ont fait la preuve de leur efficacité. Mais, alors que les lois Raffarin, malgré l'ampleur des transferts financiers qu'elles organisaient – 12 milliards d'euros –, s'inscrivaient dans la continuité des transferts de compétences effectués depuis les années quatre-vingt, les réformes voulues aujourd'hui par le Président de la République touchent au coeur de l'organisation territoriale de la République.

Pour nous, le couple communesintercommunalités va de soi, dans la mesure où l'intercommunalité, qui n'est pas une collectivité territoriale inscrite dans la Constitution, mais un établissement public de coopération, n'existe que parce que la commune lui confère des compétences. On peut même parler de « filiation » entre conseiller municipal et conseiller communautaire. Sur ce point, le projet de loi va plutôt dans le bon sens, étant entendu que le mouvement ne s'arrêtera pas là. Jusqu'où ira-t-il ? L'intercommunalité deviendra-t-elle la commune du XXIe siècle ? L'histoire nous le dira.

En revanche, le couple départementrégion est pour nous un couple contre nature. Le département est une collectivité de proximité. Son coeur de métier est le social, l'organisation des solidarités. Un partenariat s'est construit entre le bloc local – communes et intercommunalités – et lui. Certes, la situation de nos départements est très hétérogène : la Lozère compte 70 000 habitants alors que le Nord en a 2,5 millions ; la ville de Paris a un double statut ; certains départements sont très urbanisés, d'autres très ruraux, mais le département reste un acteur des solidarités territoriales et de l'accompagnement des politiques sociales.

La région, collectivité récente, a quant à elle, du mal à trouver sa place. En Europe, vingt-quatre des vingt-sept États membres comportent trois niveaux d'administration territoriale : le niveau local, le niveau régional et un niveau intermédiaire qui est celui de l'action sociale – ce qui m'a conduit à créer la Conférence européenne des pouvoirs locaux intermédiaires, afin que ces pouvoirs puissent se faire entendre à Bruxelles. Les régions, elles, en Europe, interviennent sur les grands enjeux. Demain, les régions françaises devront nouer des contacts avec les grandes régions européennes. Or elles ne sont encore que des « nains » politiques et financiers par rapport à celles-ci. La présidence de l'Union européenne a décidé qu'à côté du sommet des chefs d'État se tiendrait, pour la première fois, une rencontre des collectivités européennes : mon homologue, qui organise le sommet de Barcelone, est président d'une diputación de plus de 5 millions d'habitants, dotée d'un budget de 5,5 milliards d'euros !

D'autre part, les trois pays, dont la Hongrie, qui n'ont pas de région, sont en train d'en créer, soit à partir d'une division purement administrative, soit ex nihilo. Ils ont compris que la cohérence de la construction européenne leur imposait de disposer de ce niveau de collectivité. La Belgique est en train de réfléchir à son organisation territoriale – dans le cadre d'un État fédéral. Le débat est également ouvert en Italie et en Espagne. Dans toute l'Europe, on pose le problème de l'organisation territoriale et de la subsidiarité.

On veut donc, en France, rapprocher la région, collectivité intervenant sur les grands enjeux à l'échelle de l'Europe, et le département, collectivité intervenant dans la proximité. Que va-t-il se passer à terme ? Non pas la suppression de l'un ou de l'autre, mais la disparition des deux. Il n'y aura plus qu'une collectivité, plutôt de proximité… C'est ce qui nous a conduits à nous prononcer contre ce projet de conseillers territoriaux.

L'ADF s'inquiète aussi, bien sûr, des problèmes de financement qui ne vont pas manquer de se poser, compte tenu de l'endettement de notre pays et du déficit. Nous sommes unanimes : les départements seront les premiers touchés, et le plus gravement, du fait de la baisse des recettes de droits de mutation et de la hausse des dépenses d'action sociale. De fait, et Gilles Carrez, rapporteur général du budget, le reconnaît lui-même, les trois allocations individuelles de solidarité que sont l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active, sont en passe de faire exploser leur budget.

Cependant, conseillers territoriaux ou pas, le mode de scrutin sera toujours uninominal, pour l'essentiel. C'est aujoud'hui le même que pour l'élection des députés et ce qu'il produit à l'Assemblée, il le produit dans les assemblées départementales, avec un effet retard lié à notre histoire. Quant à l'institution du suppléant, elle n'est pas conçue pour régler le problème de la parité : elle sert à éviter une élection partielle, ce qui est d'ailleurs extrêmement positif.

Si l'on examine les chiffres de la parité, on constate que le maillot jaune revient au département des Hauts-de-Seine, avec 36 % de femmes conseillères générales ; puis vient le Finistère, avec 30 %.

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