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Intervention de Hind Khoury

Réunion du 23 février 2010 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Hind Khoury, déléguée générale de Palestine en France :

En ce qui concerne Jérusalem, Israël a adopté une politique du fait accompli qui a changé la géographie de la ville : désormais, moins de 13 % de son territoire sont habités par les Palestiniens. Cette politique risque de durer, car ce qui manque, c'est la volonté politique. Israël refuse la paix et poursuit son expansion, mais la volonté d'aboutir à la paix a également manqué à l'Europe, aux États-Unis et à la communauté internationale. Les résolutions de l'ONU existent pourtant.

En 42 ans, beaucoup de mal a été fait. Chaque jour nous subissons les conséquences de ce manque de volonté politique. Certes, la donne peut changer, mais si Israël ne le veut pas, et si le monde n'est pas prêt à exercer les pressions nécessaires… J'ai posé mes propres questions sur le rôle de l'Union européenne et de la communauté internationale. Pourquoi n'y a-t-il pas de réunion des signataires de la Convention de Genève ? Quelle négligence ! Pourquoi la plupart des pays européens se sont-ils abstenus lors du vote de la résolution approuvant le rapport Goldstone ? Et qu'en est-il de l'avis de la Cour internationale de justice sur le mur de séparation ? Le plus choquant concerne le rapport rédigé en 2005 sur Jérusalem : non seulement l'Union européenne ignore ses conclusions, mais elle en refuse la publication officielle ! De même, il est incompréhensible que l'Europe accepte d'importer les produits provenant des colonies, ou qu'elle n'applique pas l'article 2 de son accord d'association avec Israël.

L'Europe peut agir. Si elle en a la volonté, les choix ne manquent pas. Mais alors que l'Union est partie intégrante du Quartet, où est-elle lorsque ce dernier prend ses décisions ? Quel rôle joue-t-elle dans la surveillance destinée à vérifier si les bases des négociations sont bien respectées, si Israël respecte ses propres engagements ? Une telle surveillance serait pourtant nécessaire : selon les termes de l'accord d'Oslo, Israël n'aurait pas dû modifier le statu quo en adoptant une politique du fait accompli. Malheureusement, nous payons le prix de ce manque de volonté politique. Les déclarations, l'argent, c'est bien, mais comme nous l'avons appris, tout cela peut être perdu s'il n'y a pas de véritables avancées politiques.

La liste est longue des auteurs de rapports internationaux concernant la bande de Gaza : Amnesty, OCHA, Banque mondiale. La situation du million et demi de personnes qui y vit est choquante, un an après l'horrible agression subie par le territoire. Des crimes de guerre, et même des crimes contre l'humanité y ont été commis. Personne ne peut prétendre que le juge Goldstone n'est pas une personne crédible : or, toutes les informations figurent dans son rapport de 575 pages. Comment peuvent-elles être laissées de côté ? Nous avons tous des responsabilités à cet égard.

Il est toujours possible d'agir. Même concernant les colonies, il existe des solutions. D'ailleurs, les colonies ne perdurent que grâce à des subventions du gouvernement israélien. Les colons peuvent toujours retourner en Israël, et les colonies peuvent être utilisées pour résoudre la question du retour des réfugiés palestiniens. Ce n'est qu'un exemple.

L'État palestinien a été proclamé en 1988, et il a depuis été reconnu par un grand nombre d'États. Nous aurions besoin que l'Europe et les États-Unis le reconnaissent également, car ils jouent un rôle clé dans l'avancée du processus de paix.

La politique du président Abbas est de travailler main dans la main avec les pays arabes, car ils sont à l'origine de la magnifique initiative de paix proposée en 2002 et renouvelée en 2007. C'est la seule véritable formule pour la paix dans la région, mais aussi une forme de soutien envers la cause palestinienne. Les pays arabes peuvent peser beaucoup plus que les seuls Palestiniens. Le Comité de suivi de l'initiative de paix arabe a déjà pris la décision d'étudier cette question parmi d'autres, de la reconnaissance par l'ONU de l'Etat palestinien. Cet élément figure sur l'agenda de la réunion du 2 mars.

Nous avons besoin que la communauté internationale soutienne notre projet de développement initié par le premier ministre Fayyad. Certes, il ne garantira pas l'établissement d'un État si la communauté internationale et Israël n'assument pas leurs responsabilités, mais il aidera la population palestinienne à rester chez elle, à se montrer résiliente et à supporter les conséquences de l'occupation et les mesures d'expulsion prises par Israël dans tous les territoires occupés en 1967.

Pour répondre aux questions qui m'ont été posées il y a un instant. Bien sûr, les députés ont un rôle à jouer, de même que la société civile, et j'espère qu'ils le jouent. C'est ainsi que la démocratie fonctionne. Les expressions claires de la part des parlementaires ou de la population française pèsent sur le gouvernement.

J'ai rencontré de nombreux Français – pas seulement les sympathisants de la cause palestinienne, mais aussi des gens attachés au droit international – qui comprennent bien la situation et admettent que la paix doit être rétablie sur la base des résolutions de l'ONU. Mais il reste beaucoup de travail, et je suis prête à discuter et à coopérer avec vous pour l'accomplir. Je vous ai ainsi adressé un document très important relatif à la situation politique, au statut des négociations, au problème de Jérusalem. Il explique la situation actuelle mais indique également les moyens d'en sortir.

S'agissant de Gaza, la situation sanitaire, humaine, sociale, politique et économique y est désastreuse. Cela ne peut pas continuer ainsi. On y manque d'eau potable, on manque de tout. Il est inutile de rappeler les statistiques : elles figurent déjà dans les nombreux rapports établis par les ONG et les agences internationales. Le problème est que rien ne change. Comme l'Union européenne l'a dit dans ses conclusions de décembre, le siège de Gaza doit finir. Il faut cesser le blocus, appliquer l'accord de 2005, ouvrir tous les points de passage autour de Gaza, rétablir les liens avec la Cisjordanie, démanteler les barrages militaires. Malheureusement, sur tous ces points, c'est Israël qui décide, et Israël maintient le siège. Pour le seul mois de janvier, nous avons connu une réduction de 21 % des importations de matières premières à Gaza. Sur 1 000 éléments nécessaires pour assurer une vie normale, seuls 140 peuvent être introduits sans permis. Le secteur privé est détruit à 95 %. Un peuple étranglé est contraint à l'inventivité, et c'est pourquoi les gens de Gaza ont creusé les tunnels – 2 000 en tout. Ils ajoutent à l'humiliation du peuple palestinien : comment peut-on permettre qu'un million et demi de personnes ne vivent que grâce au commerce transitant par des tunnels ? Bien entendu, certains profitent de cette économie informelle et s'enrichissent. Et ces gens finissent par devenir un nouvel obstacle à la résolution du conflit. Les tunnels, ce n'est pas la façon dont les gens de Gaza doivent vivre. Leur existence passe par l'arrêt immédiat du siège.

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