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Intervention de Abdullah Abdullah

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Abdullah Abdullah :

Pour ce qui est de l'opération conduite par les Etats-Unis dans le Helmand, l'objectif est bon puisqu'il s'agit d'atteindre la base principale des taliban. Mais il va falloir un certain temps pour mesurer la réalité des résultats obtenus. Il existe d'autres sanctuaires pour les taliban, qu'il est urgent de démanteler afin de libérer la population de leur emprise. La stratégie visant à faire de la protection de la population une priorité est la meilleure. Le succès des futures opérations se mesurera à l'importance de la place accordée aux populations et à la qualité du devenir des zones libérées.

La communauté internationale et les Nations unies exercent une forte pression pour que les prochaines élections législatives soient plus transparentes. Actuellement, les membres de la commission électorale et ceux des secrétariats régionaux sont nommés par le président Karzaï sans aucune intervention du Parlement. Il n'est donc pas étonnant que l'élection présidentielle ait été partiale et biaisée en sa faveur. Ce sont les fondements du système qui doivent être modifiés. J'avais demandé une réforme de la commission pendant le déroulement de l'élection présidentielle et il m'avait alors été répondu que c'était trop tard. Il est temps d'opérer cette réforme, avant le début de l'organisation des élections législatives. Puisque la communauté internationale s'inquiète à juste titre de la manière dont le prochain scrutin va se dérouler, elle doit obtenir des modifications dans la composition de la commission et dans le déroulement du processus électoral.

La population ne fait pas confiance aux taliban mais, dans certaines zones, elle n'a pas le choix et doit se soumettre à eux. Certaines personnes ont peur d'être victimes de représailles et n'attendent rien du pouvoir central. L'indifférence de celui-ci risque de conduire à un fort ressentiment au sein de la population, qui sera long à combattre et qui se traduit par une forme de soutien aux taliban.

Il n'est pas exact que la majorité de la population perçoit les forces étrangères comme des forces d'occupation mais il serait incontestablement préférable que l'armée afghane soit davantage présente sur le terrain. La présence étrangère est généralement comprise et appréciée même si un certain nombre d'occasions manquées ont semé le doute sur sa capacité à parvenir à rétablir la situation. Il est vrai que les soldats de l'armée afghane sont beaucoup moins bien payés que les taliban auxquels l'argent de la drogue confère une capacité de recrutement de populations qui n'ont pas d'autre perspective d'avenir. C'est pour briser ce processus que la priorité des autorités doit être de changer la vie quotidienne de la population et de créer de nouvelles opportunités.

La lutte contre la production et le trafic de stupéfiants est loin d'être achevée mais elle a enregistré des succès dans plusieurs provinces et il faut persévérer car c'est un point essentiel. Il est difficile de se prononcer sur la date à laquelle l'Afghanistan disposera d'une police et d'une armée bien formées. L'une des difficultés vient de la nécessité de parvenir simultanément à créer ces organisations et à lutter contre l'insurrection en cours.

En ce qui concerne les migrations de jeunes Afghans, il faut avoir à l'esprit que l'armée est composée uniquement de volontaires et que beaucoup de jeunes gens ne souhaitent pas entrer dans cette carrière. 70 % du pays est certes dans une situation relativement calme mais cette dernière n'est pas pour autant idéale. Il est certain que, dans ces zones, les combats ne justifient pas des départs massifs même si certaines personnes peuvent constituer des cas particuliers qui doivent faire l'objet d'un examen sous l'angle humanitaire. Des progrès en matière de sécurité mais aussi de développement économique et social contribueront au maintien sur place des populations. L'essentiel est de donner à la population de l'espoir, ce qui suppose une vision d'ensemble qui manque actuellement.

Le Pakistan a enfin pris conscience de la nécessité de traiter un problème qu'il a trop longtemps négligé. Il lutte désormais contre les bases des taliban installées dans la région du Waziristan, ce qui constitue une décision courageuse, mais l'opération est rendue particulièrement difficile par l'ancienneté de leur implantation. Si les autorités pakistanaises parviennent à libérer certaines zones de l'influence des taliban, encore faut-il éviter qu'ils s'installent ailleurs alors qu'ils disposent encore de nombreux sanctuaires.

La corruption ne peut être éradiquée que s'il existe au niveau des responsables du pays une volonté d'identifier et de combattre les personnes corrompues. Cela exige du temps, une nouvelle réglementation, l'augmentation des salaires de la fonction publique, mais surtout de la volonté qui fait actuellement défaut, les forces politiques ayant du mal à se mobiliser sur ce thème. Il devient d'autant plus difficile de lutter contre la corruption qu'elle est de plus en plus sophistiquée.

Dans la mesure où il y a plus de quinze ans que les taliban et al-Qaïda travaillent ensemble dans des conditions difficiles, une grande intimité s'est développée entre ces deux mouvements qui sont aujourd'hui largement confondus.

Pour l'élection présidentielle, j'ai déjà fait campagne dans l'ensemble du pays sans me limiter à la zone Nord. L'alliance du Nord n'existe plus depuis neuf ans ; elle a été remplacée par le Front national puis par le Front uni. Ma campagne était particulièrement orientée vers les jeunes gens qui ne se posent pas les questions sous l'angle de l'appartenance ethnique, contrairement à leurs aînés, mais qui s'intéressent avant tout à l'avenir du pays. A Kandahar, l'une des pires zones en terme de trafic de stupéfiants, de corruption et d'insécurité, j'ai tenu une réunion publique à laquelle assistaient 5 000 personnes, dont beaucoup de jeunes, le Président Karzaï ne s'est adressé qu'à 200 personnes, dont la moitié de journalistes, réunies dans un bunker. Nos approches sont très différentes.

J'observe que, au Parlement, se forme désormais des alliances différentes de celles qui existaient traditionnellement, ce qui me semble un point positif.

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