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Intervention de Abdullah Abdullah

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Abdullah Abdullah :

Si demain les troupes de la coalition se retiraient, je resterais ici en France, à la faveur des grèves qui perturbent le trafic aérien ! (Sourires). Ces dernières années, nous n'avons pas exploité toutes les possibilités qui s'offraient à nous. Huit ans après le début de l'intervention alliée, nous ne devrions pas en être là ; beaucoup d'occasions ont été manquées. Mais aujourd'hui personne ne peut répondre nettement à la question du retrait. Plus que sur le retrait en soi, l'attention doit se porter sur la solution afghane à construire. Et le contexte est celui d'une menace terroriste internationale. Veut-on d'un nouvel émirat islamique ? Tel ne me semble pas être le futur de l'Afghanistan.

Il n'est pas possible de poursuivre la guerre sans changement de stratégie. Il faut renverser la dynamique actuelle, afin de s'opposer franchement aux taliban, qui ne sont pas invincibles. On pourrait par exemple s'attaquer à leurs activités de trafic d'armes. Mais une fois les taliban réduits, de quel gouvernement devrions-nous nous doter ? L'étape suivante de notre stratégie doit être consacrée aux habitants des zones actuellement soumises à l'influence des taliban. Ils ont droit à autre chose qu'un destin de population déplacée. Il nous faut écouter leurs doléances, être attentif aux injustices ressenties. C'est l'ensemble du peuple afghan que nous devons écouter.

Des millions de femmes et de filles afghanes ont aujourd'hui davantage d'espoir mais le message qui leur est adressé est flou : il est parfois question de l'intégration de certains taliban, parfois du retour à une époque que l'on croyait révolue… M. Karzaï doit être plus clair sur ses intentions, faute de quoi tous les efforts déployés par le peuple afghan et par la communauté internationale auront été vains. Nous ne devons pas revenir en arrière.

70 % de la population vit dans des zones où prévaut une paix relative. Il faut y consolider la paix afin de prévenir tout retour au régime précédent, et pour ce faire mettre l'accent sur le développement de la paix et de sécurité ; créer çà et là des poches de sécurité ne suffit pas.

Nous avons de bons exemples d'endiguement de la culture du pavot : des paysans y ont renoncé, certaines zones connaissent maintenant des cultures de substitution ; nous pouvons aider tous ceux qui ont accompli cette démarche à transmettre leurs bonnes pratiques.

Depuis 2001, ce sont quelque trois millions d'Afghans expatriés qui sont revenus dans le pays, même dans des circonstances difficiles. D'autres sont demeurés à l'étranger. En tout état de cause, le retour au pays doit s'inscrire dans une démarche volontaire. Il est vrai qu'il existe des zones où certains de nos compatriotes, s'ils revenaient, exposeraient leur vie, mais ce sont plutôt des cas particuliers. La situation progresse donc sur ce point mais des dangers persistent.

On ne peut pas comparer la situation actuelle à l'occupation soviétique. Les difficultés ne sont bien sûr pas absentes mais la population comprend qu'il en soit ainsi. Les forces afghanes doivent néanmoins reprendre la main. Comme partout hélas, nous avons des déserteurs. Par la formation de nos soldats, nous devons remédier au problème. L'espoir est là ; pas seulement au sein de l'armée, mais de la population tout entière dont la vie s'améliore.

Le commandant Massoud a été dépeint de bien des manières. Je l'ai côtoyé de 1985 à sa mort en septembre 2001. C'était un personnage extraordinaire. Il était musulman mais la seule motivation de sa lutte était d'obtenir le droit de vote pour tout un chacun en Afghanistan. Il ne s'est jamais battu pour lui-même mais toujours pour son pays entier, y compris pendant la guerre des années 1990. Massoud est mort en martyr. Il voulait sauver des valeurs au service desquelles nous sommes tous engagés aujourd'hui, mais lui s'est parfois trouvé bien seul. Même ceux qui le connaissaient mal respectent son engagement. Il a toujours répondu présent, sous l'occupation soviétique comme par la suite. Il n'a rien légué à sa famille, alors que le pays compte des millionnaires. En tant qu'ami, mon jugement n'est peut-être pas le plus objectif ; en tant qu'homme, je dois dire que Massoud était le personnage le plus pacifiste que j'aie jamais rencontré, et ce dans un contexte particulièrement guerrier, que les ennemis s'appellent URSS ou taliban.

J'ai évoqué la complexité du pays ainsi que la Loya Jirga. Le mouvement d'opposition sera actif pour présenter une alternative à la population, dont le choix ne doit pas être limité au gouvernement actuel ou aux taliban. Il faut donner un réel espoir aux Afghans.

La première action que pourrait utilement entreprendre le Pakistan serait d'arrêter de former les taliban. Je me réjouis que ce pays ait réglé le problème que posaient ses propres taliban. Cela étant, il existe un soutien populaire au profit des taliban pakistanais et les taliban du Pakistan et d'Afghanistan s'entraident. Ce problème doit être traité. Je note en outre l'absence, à ma connaissance, d'engagement militaire avec l'Inde, demeurée très prudente.

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