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Intervention de Abdullah Abdullah

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Abdullah Abdullah :

La situation actuelle me tient à coeur en tant qu'Afghan, comme elle vous tient à coeur en tant qu'amis de l'Afghanistan. La population française a consenti des sacrifices pour aider mon pays, et je veux la remercier, ainsi que votre gouvernement, pour ces efforts.

La situation en Afghanistan s'est dégradée. Initialement, un consensus régnait entre les Afghans, et au sein de la communauté internationale, sur nos perspectives d'avenir. Malheureusement, ce consensus n'existe plus. L'avenir de l'Afghanistan, et de toute la région, suscite aujourd'hui de nombreuses interrogations.

Nous aurions pourtant dû maintenir ce consensus à l'intérieur. Certes, les conditions de sécurité sont plus difficiles en 2010 qu'en 2002. Mais il y a eu des progrès. Des millions d'enfants sont scolarisés et refusent dès lors, avec leurs parents, de revenir aux pratiques du passé. Ces avancées ont été rendues possibles grâce au soutien extérieur dont nous bénéficions.

Le consensus s'est rompu du fait du manque d'engagement des leaders afghans en faveur des principes sur lesquels nous nous étions mis d'accord initialement. De plus, le Pakistan a aidé les taliban à se réorganiser sur sont territoire. Le président Musharraf a joué double jeu sur ce dossier. Ces difficultés se sont combinées à la plus faible visibilité du conflit en Afghanistan suite à la guerre américaine en Irak.

Quels espoirs subsistent malgré cette situation difficile ? La grande majorité des 30 millions d'Afghans veut un Islam modéré, des avancées démocratiques, le respect des droits individuels, une vie paisible, l'accès à la santé, l'éducation, l'emploi. Malheureusement, en raison de la situation sécuritaire et des mauvais choix politiques qui ont été faits, les Afghans commencent à se poser les mêmes questions que la communauté internationale sur leur avenir : de quoi sera-t-il fait ? Les gouvernants pourront-ils tenir leurs promesses ?

La sécurité reste notre priorité absolue. La résolution de ce problème commande celle de tous les autres. Il n'y aucun doute : al-Qaïda et ses alliés taliban veulent renverser le pouvoir et instaurer leur régime. Toutefois, à la différence des années 1990, la plupart des Afghans qui ont déjà connu ce système n'en veulent pas. La situation actuelle est difficile parce que les changements politiques n'ont pas suivi les changements personnels. Les Afghans se demandent : à quoi me servent mes droits si je ne peux pas les exercer ?

Notre responsabilité par rapport à la situation actuelle est immense. Si la communauté internationale et la population afghane sont déçues par les résultats, nous n'aurons pas de seconde chance. Il faut donc saisir l'occasion qui nous est offerte, et le meilleur moyen de le faire est de lancer un processus politique. Les troupes françaises font un travail remarquable en Surobi, les troupes néerlandaises ont apaisé la situation dans leur zone de responsabilité, bien sûr en s'appuyant sur les chefs traditionnels… Nous devons désormais changer de méthode et nous concentrer sur les besoins des gens : la création de marchés, la construction d'infrastructures, qui font cruellement défaut en Afghanistan.

Un changement est possible. Sur 33 provinces afghanes, 22 sont désormais débarrassées de toute culture du pavot. Nos objectifs, pour progresser dans cette voie, doivent être le renforcement des leaders politiques locaux, et un travail de pédagogie auprès des populations pour leur expliquer ce qu'elles ont à gagner en participant aux politiques de développement nationales. La drogue permet d'augmenter sensiblement leurs ressources, mais au prix de quels risques encourus ! D'autres cultures, d'autres activités économiques apportent un revenu bien plus stable, et régulier. Dernier élément, mais pas des moindres, de cette stratégie : les grands trafiquants, qui bénéficient du système actuel, doivent être condamnés. Il n'est pas acceptable que seuls les petits cultivateurs soient actuellement sanctionnés.

La réconciliation nationale ne pourra se faire que lorsque toutes les conditions, qui sont nombreuses, seront réunies. Nous pourrons lancer cette démarche lorsque nous serons d'accord sur des principes communs, mais, si nous devions commencer maintenant, cela ne serait pas sans risque pour la situation des Afghans, notamment les femmes. Il y a eu des réussites dans le domaine politique, notamment concernant l'utilisation des média, mais une réconciliation plus vaste nécessite que soient respectés deux principes : le respect de la Constitution afghane, et la rupture de tout lien avec le terrorisme international.

Or, pour le moment, les taliban veulent renverser le régime par la force. Pour répondre à leur influence, réelle dans certaines régions, il faut éduquer, répondre aux besoins des gens pour éviter que les taliban ne soient considérés comme le recours le plus efficace.

Le rendez-vous des élections législatives est crucial pour permettre cette évolution. Ces élections doivent absolument être mieux réussies que les élections présidentielles. Si le Parlement sort aussi affaibli du processus électoral que le président Karzaï, si les élections ne sont pas perçues comme un mode crédible de choix des représentants, alors toutes les avancées seront bloquées.

J'espère qu'au sein de mon mouvement, nous pourrons faire avancer les réformes et remettre les notions de responsabilité et de transparence politiques au centre de l'action du gouvernement. Notre but n'est pas de constituer un groupe particulier, mais de raffermir les fondations du pays et de remettre l'Afghanistan debout.

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