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Intervention de l'ambassadeur

Réunion du 17 février 2010 à 11h00
Commission des affaires étrangères

l'ambassadeur :

En ce qui concerne l'efficacité des sanctions contre l'Iran, je tiens à rappeler que même les sanctions les plus modestes que la communauté internationale a imposées ont laissé des traces sur le régime iranien. Tous les services de renseignement du monde s'entendent pour reconnaître l'inquiétude qui règne dans ce pays, ce qui signifie que le choix de moyens appropriés permettra de parvenir à l'objectif fixé.

Exercer des pressions en recourant à des sanctions devrait être la méthode favorite de tous ceux qui craignent, à juste titre, un embrasement militaire. Le meilleur moyen de l'éviter est en effet d'user de tous les outils de la diplomatie internationale : or, nous sommes encore loin du compte. Il faut une mobilisation internationale efficace pour choisir les bonnes sanctions et les appliquer.

J'ai lu, moi aussi, toute la littérature géopolitique moderne en matière de dissuasion : la guerre froide y était donnée comme l'exemple majeur de son efficacité. Permettez-moi d'avoir des doutes sur l'efficacité de cette même dissuasion face à un régime islamiste à la tête duquel se trouve un président qui communique tous les matins avec le Tout-puissant pour savoir ce qu'il doit faire. Je ne suis pas certain que nous puissions compter sur le sens des responsabilités et la rationalité d'un tel régime. En cas de grave tension internationale, la tentation serait grande pour les dirigeants iraniens d'employer l'arme nucléaire pour éliminer Israël de la carte, quitte à subir de leur côté des pertes considérables. Les martyrs ne sont-ils pas bien traités au paradis des islamistes ?

De plus, il ne s'agit pas uniquement des menaces tangibles pesant sur la sécurité, voire l'existence d'Israël : la seule détention par l'Iran de l'arme nucléaire changerait la donne géostratégique de la région, qui est une des plus sensibles pour la communauté internationale. Cette perspective inquiète les pays arabes modérés tout autant, sinon plus, qu'Israël, du fait que d'autres pays pourraient chercher à se doter de la même arme pour répondre à cette nouvelle menace régionale, ce qui relancerait la course à l'arme nucléaire. Les contacts fréquents des ministres ou des parlementaires français avec leurs homologues arabes ne font, je suppose, que le confirmer.

Le voyage de M. Nétanyahou à Moscou entre évidemment dans le cadre de la mobilisation de la communauté internationale pour faire face à la nucléarisation de l'Iran. Les deux pays voient les choses de la même manière : la Russie s'est déclarée plus d'une fois opposée à une telle éventualité car elle est consciente du comportement irresponsable des Iraniens. C'est un des dossiers sur lesquels Israël et la France partagent la même analyse, en ce qui concerne tant la gravité de la situation, que l'urgence d'imposer à l'Iran des sanctions efficaces.

En ce qui concerne la question palestinienne, je ne vois pas en quoi on pourrait douter de la volonté israélienne de faire la paix avec les Palestiniens. Pour le vérifier, aidez-nous à ramener les Palestiniens à la table des négociations : chacun pourra voir alors que le Premier ministre israélien et son Gouvernement sont prêts à faire, comme ils le déclarent, des efforts considérables, y compris des sacrifices territoriaux en vue de signer la paix avec les Palestiniens. Ce ne saurait être évidemment une paix à tout prix – aucun État ne l'accepterait pour soi dans le monde.

L'objectif, ce sont bien deux États, Israël reconnaissant la nécessité de créer un État palestinien vivant en paix à ses côtés.

Les implantations sont une des questions fondamentales de la négociation, au même titre que la sécurité, les frontières, les ressources ou les réfugiés – nous sommes d'accord sur ce point depuis Oslo. Je le répète : aucun sujet n'est tabou dans la négociation et, du reste, tous ces sujets ont déjà été abordés entre les Israéliens et les Palestiniens. Ce qui n'est pas possible, à nos yeux, c'est de sortir un seul de ces sujets de la négociation pour en faire un préalable. Pourquoi Israël n'en ferait-il pas autant avec la question des réfugiés palestiniens ? Toutefois, afin de témoigner de sa bonne volonté et pour convaincre les Palestiniens de revenir à la table des négociations, l'actuel gouvernement a décidé de déclarer un moratoire de dix mois sur les implantations, décision qui n'a servi à rien puisque les Palestiniens n'ont pas répondu présents.

Je ne peux pas laisser passer, monsieur Lecoq, votre affirmation selon laquelle l'égalité des droits ne serait pas garantie en Israël. Les Palestiniens exigeant la reconnaissance d'un État palestinien, les Israéliens sont dans leur droit – c'est une question d'équilibre – d'exiger à leur tour la reconnaissance de l'État d'Israël en tant que foyer national du peuple juif. La notion de peuple juif ne signifie pas que cet État est uniquement peuplé de Juifs mais qu'il est l'incarnation du peuple juif et de son droit à l'autodétermination et à l'indépendance nationale, au même titre que tous les autres peuples, y compris le peuple palestinien : il existera un jour un État de Palestine. Une minorité arabe peut vivre en Israël avec l'égalité des droits. Il y a certainement plus de députés arabes en Israël qu'il n'y a de députés juifs dans le monde arabe. Les Arabes israéliens ont le droit de vote, sont éligibles et ont accès à tous les services de l'État. Des déséquilibres économiques persistent, assurément : ils sont le fruit de sociétés, de modes de vie et d'héritages culturels très différents, mais ils s'estompent progressivement. De plus, il convient de respecter les différences : le fait que les enfants arabes n'aient pas le même programme scolaire que les enfants juifs n'est pas un signe de discrimination mais de respect de la culture arabe. Telle est la logique des démocraties modernes : respecter les minorités tout en leur donnant l'égalité des droits. Je souhaite qu'une minorité israélienne puisse un jour vivre dans un État de Palestine. Ce n'est pas impensable à mes yeux, du moins sur le plan théorique.

Je ne peux vous répondre en détail sur l'accord franco-israélien visant à lutter contre la criminalité et le terrorisme : il entre dans le cadre des vastes relations de deux pays amis, lesquelles couvrent des domaines aussi divers que l'éducation, le commerce, la coopération scientifique et culturelle ou la sécurité routière. Du reste, la coopération policière entre nos deux pays existe déjà : l'ambassade d'Israël à Paris a un attaché de police, il en est de même de l'ambassade de France à Tel-Aviv. Cet accord crée un cadre politique et pratique adéquat.

S'agissant de la situation au nord d'Israël, mon pays est inquiet de constater que le Hezbollah rétablit, voire double ses capacités militaires, par rapport à la situation existant en 2006, notamment en ce qui concerne le nombre et la sophistication des roquettes. Il n'en est pas moins vrai que depuis trois ans cette frontière est calme. C'est dû en grande partie aux arrangements qui ont mis fin à la guerre de l'été 2006 entre Israël et le Hezbollah, notamment à la présence de forces internationales. Du côté israélien, il n'y a donc aucune raison de voir s'enflammer cette région. Nous souhaitons que le Liban désire un jour lui aussi faire la paix avec Israël par la voie de la négociation : la porte est ouverte.

Cela étant, le Hezbollah n'est plus, au Liban, une organisation indépendante. S'il se comportait de manière irresponsable, comme en 2006, en vue d'enflammer la région, ce serait l'État libanais qui en porterait la responsabilité puisque aujourd'hui le Hezbollah est une composante centrale du gouvernement libanais. Le Hezbollah, c'est le Liban. Nous espérons que l'attitude responsable du Liban, État membre de l'organisation des Nations unies, l'emportera sur les tendances aventurières d'une organisation terroriste comme le Hezbollah.

Les Syriens, quant à eux, souhaitent reprendre des négociations indirectes – nous en avions par l'intermédiaire de la Turquie – alors que l'actuel gouvernement israélien, à l'instar du précédent, juge que cette méthode a fait son temps et qu'il est temps de rouvrir des négociations directes sans préalables, comme ce fut déjà le cas par le passé. Pour le moment, la Syrie, alors même qu'elle a entamé son retour vers la respectabilité internationale, semble préférer, dans la notion de « processus de paix », le « processus » à la « paix », c'est-à-dire les déclarations théoriques aux efforts tangibles.

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