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Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 23 février 2010 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Discussion du texte de la commission mixte paritaire

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Le texte de la commission mixte paritaire que vous vous apprêtez à adopter a pour objectif d'amoindrir le risque de récidive criminelle. Il est l'aboutissement d'un dialogue constructif entre les deux assemblées. Je veux saluer à cette occasion la qualité du travail effectué par les commissions des lois des deux assemblées, et, tout particulièrement, par votre rapporteur, M. Jean-Paul Garraud.

La qualité de la loi dépend largement de la qualité du dialogue entre le Sénat et l'Assemblée nationale, ainsi qu'entre le Gouvernement et le Parlement. Celui-ci s'est effectué dans un climat de grande confiance et de responsabilité.

La finalité du projet de loi est double. Il s'agit, premièrement, de compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour trouble mental, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ; le projet de loi transpose ainsi le rapport de M. le Premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda. Il s'agit, deuxièmement, de renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux.

Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger. Cela impose de faire preuve d'une certaine fermeté ou, plutôt, d'une fermeté certaine. La loi du 10 août 2007 sur les peines planchers est une réponse à cette exigence mais, pour mieux prévenir la récidive, la fermeté doit aller de pair avec des réponses ciblées concernant certains criminels dont la dangerosité est avérée et qui présentent un risque grave de récidive. Il faut réduire leur dangerosité, dangerosité pour autrui mais aussi pour eux-mêmes.

Le projet de loi répond pleinement à cet objectif. Il consolide les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008 et garantit un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison. Ses dispositions ont été enrichies par le travail parlementaire, qui a permis de construire un texte équilibré.

Premièrement, le texte garantit l'effectivité des mesures de sûreté et un meilleur suivi des criminels dangereux.

Deux objectifs sont visés : clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté. Le placement en rétention de sûreté supposera que l'intéressé ait été en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale, psychologique, adaptée. La mesure de rétention de sûreté n'interviendra que dans le cas où un renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive.

L'aide juridique sera garantie aux personnes placées en rétention de sûreté. Elles pourront ainsi bénéficier de l'assistance d'un avocat.

Les possibilités de placement sous surveillance de sûreté seront étendues : la surveillance de sûreté pourra intervenir à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée ; elle sera aussi possible directement à la sortie de la prison.

Si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues. Elles pourront reprendre à l'issue de l'exécution de la peine.

Enfin, des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

De nouvelles mesures nous permettront d'aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux. Le projet de loi renforce ainsi le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels. Si, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate : le non-respect de l'injonction de soins pourra être sanctionné par l'incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire, ou par le placement en rétention de sûreté, si elle est sous surveillance de sûreté.

Deuxièmement, le projet de loi garantit une meilleure protection des victimes.

Aujourd'hui, quand les services de police ou de gendarmerie constatent la violation d'une interdiction de s'approcher de la victime, ils n'ont aucun moyen légal pour intervenir. Avec cette nouvelle loi, il leur sera permis d'interpeller l'intéressé et, si le juge de l'application des peines l'estime nécessaire, de le déférer devant lui, éventuellement aux fins d'incarcération.

Les débats parlementaires et l'examen en commission mixte paritaire ont permis d'aboutir à un texte équilibré. L'Assemblée nationale et le Sénat ont amélioré le projet de loi, en y ajoutant des dispositions novatrices. Des solutions équilibrées ont été confirmées par la commission mixte paritaire.

L'Assemblée nationale a enrichi le texte de dispositions innovantes, que votre rapporteur vient de décrire.

Pour renforcer l'efficacité du travail des policiers et gendarmes, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles a été modernisé par une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées. Renforcer l'information des magistrats améliorera ainsi le traitement judiciaire des criminels dangereux.

Par ailleurs, l'Assemblée a adopté un amendement créant un dossier unique de personnalité comprenant l'ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées dans le cadre d'une procédure pénale ou lors de l'exécution d'une mesure de sûreté.

De même, les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire doivent être inscrites au casier judiciaire. L'autorité judiciaire doit avoir connaissance de ces éléments lorsqu'elle poursuit ou juge une personne qui a fait l'objet d'une telle mesure.

L'examen du texte au Sénat et en commission mixte paritaire a permis d'aboutir à une rédaction équilibrée.

L'information des services enquêteurs a tout d'abord été renforcée. En effet, la première des préventions contre la récidive, c'est de savoir où se trouvent les personnes qui sortent de prison. Les assemblées ont prévu la communication aux services de police et de gendarmerie de l'identité et de l'adresse des criminels dangereux sortant de prison. Après débat, le rapporteur l'a souligné, le seuil de trois ans d'emprisonnement prononcé a été choisi pour permettre cette communication, ce qui constitue un point d'équilibre.

Par ailleurs, l'information du juge d'application des peines sera assurée par une meilleure circulation de l'information : le médecin traitant informera le médecin coordonnateur de l'arrêt d'un traitement, et ce dernier avertira lui-même le juge, lequel en tirera toutes les conséquences.

Mesdames et messieurs les députés, protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois le crime commis. La protection des Français doit être proactive. Elle doit reposer sur l'évaluation lucide et efficace des risques de récidive.

En renforçant la circulation de l'information, le projet de loi va dans le sens d'une véritable chaîne de l'application des peines, dans laquelle médecins et magistrats ne sont pas en opposition, mais au contraire se complètent.

La sécurité est la condition de toutes les libertés.

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