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Intervention de Jean-Yves Leclercq

Réunion du 11 février 2010 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Yves Leclercq, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

Madame Fraysse, je n'ai pas sorti de mon chapeau le nombre de suppressions d'emplois : il résulte d'une approche comparative qui nous permet de dire que, pour telle activité, à un niveau donné de qualité et de quantité, nous avons besoin de tant de personnes présentant tel type de qualification.

Pour ne pas me contenter de propos généraux, je reprends l'exemple de l'Hôtel-Dieu, dont nous sommes obligés de réduire la voilure. En mars et avril prochains, nous transférerons la chirurgie digestive dans des locaux libérés à Cochin, ce qui nous permettra de développer la chirurgie thoracique à l'Hôtel-Dieu. Quand tout cela aura été mené à bien, nous aurons ainsi davantage de chirurgie digestive et davantage de chirurgie thoracique et nous aurons vraisemblablement économisé 40 emplois.

De la même façon, j'ai demandé que, dans le cadre du rapprochement Cochin-Hôtel-Dieu-Broca, on rapatrie à Cochin l'ensemble de la biologie de l'Hôtel-Dieu, à l'exception de ce qui nécessaire aux urgences et aux soins de proximité. De la sorte, 20 à 30 emplois seront économisés sans que la qualité en soit affectée.

C'est ainsi, par la multiplication de micro-projets de ce type, que nous approcherons les 3 000 à 4 000 suppressions d'emplois sur la durée du plan – c'est une fourchette –, soit 1 000 suppressions par an.

J'en viens à la question de M. Morange. Oui, nous disposons de plusieurs outils de pilotage, en particulier d'un tableau de bord, pour partie mensuel, qui nous permet de suivre les grands indicateurs classiques de gestion, aux niveaux de l'Assistance publique, des groupes hospitaliers et des pôles d'activité médicale. On y retrouve les principaux critères quantitatifs mais aussi qualitatifs. Ainsi, nous observons le nombre des patients qui attendent moins de quatre heures aux urgences : c'est un indicateur qualitatif loin d'être négligeable qui nous permet de mieux répondre à l'attente de la population. Un indice Saphora nous permet également de mesurer le taux de satisfaction des patients.

En ce qui concerne la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières, nous savons que 1 700 à 1 900 personnes partent chaque année à la retraite, à proportion des catégories, soit deux tiers de soignants et un tiers de non-soignants. Nous enregistrons en outre environ 4 000 départs par mutation en province, vers d'autres fonctions et vers d'autres hôpitaux. Rapporté aux 70 000 emplois, le turn-over est donc important.

La gestion prévisionnelle des emplois nous permet d'anticiper les besoins, notamment en emplois qualifiés d'infirmiers et d'aides-soignants. Je pense que nous avons résolu la question des aides-soignants grâce à nos centres de formation et à notre politique de promotion des agents de service. S'agissant des personnels infirmiers et infirmiers spécialisés, qui sont la cheville ouvrière du fonctionnement hospitalier, outre que, comme l'a souligné Paul Castel, la pénurie perdure, pas moins de 1 700 équivalents temps plein bénéficient chaque année de notre politique de promotion professionnelle, ce qui signifie que ces personnes sont payées par les établissements pour faire des études et, surtout, doivent être remplacées.

Nous devons également anticiper les effets de l'application aux infirmiers de la réforme licence-master-doctorat (LMD) et de son corollaire, le passage en catégorie A. Les infirmiers étant ainsi appelés à prendre leur retraite plus tardivement, le fonctionnement des hôpitaux s'en trouvera temporairement facilité, mais le GVT (glissement-vieillesse-technicité) en sera alourdi dans la mesure où l'on recrutera moins de jeunes pendant quelques années.

Autre exemple en matière de gestion prévisionnelle des effectifs : en dépit des protestations, j'ai supprimé la promotion professionnelle pour les infirmiers aides-anesthésistes parce que j'ai considéré qu'ils étaient suffisamment nombreux au sein de la fonction publique et qu'il suffisait donc de recourir au marché du travail pour faire fonctionner nos systèmes. À l'inverse, j'ai maintenu un taux très important de formation des infirmiers de bloc opératoire car nous en manquons.

Nous devons également tenir compte de l'apparition de nouveaux métiers : dans les laboratoires, nous aurons bientôt plus besoin d'ingénieurs que de biologistes. Sans doute aurons-nous également davantage besoin d'infirmières de niveau bac + 5 pour occuper des fonctions plus complexes, par exemple en matière de recherche.

Dans la perspective de la nécessaire diminution de la masse salariale, nous devons aussi nous intéresser tout particulièrement aux emplois non soignants, sachant qu'il est difficile de recycler un ouvrier professionnel ou un cuisinier et que le taux de renouvellement est beaucoup plus faible que chez les personnels soignants. Afin de faciliter la mobilité, nous nous appuyons sur le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés.

Au sein des centres de gestion, la comptabilité analytique est à peu près au point même si elle n'est pas parfaite. Au sein des groupes homogènes de séjour (GHS), il est particulièrement intéressant de connaître les éléments de coûts variables – médicaments et prestations hôtelières – ainsi que les coûts fixes, comme le temps passé par les personnels auprès des patients. Actuellement, la répartition se fait dans l'échelle nationale des coûts au prorata du nombre de journées et cet outil mériterait sans doute d'être affiné. Cette échelle nous permet non seulement de suivre notre activité, mais surtout de vérifier si notre structure de coûts par groupe homogène de séjour est ou non dans la norme.

Il nous est également fort utile, par exemple si l'on veut développer la chirurgie thoracique, d'avoir une connaissance parfaite des groupes homogènes de séjour et du nombre d'actes, car cela nous permet d'élaborer un modèle de développement en faisant en sorte que les coûts – variables et fixes, directs et indirects – soient inférieurs ou égaux aux tarifs, donc à l'échelle nationale des coûts.

La codification des actes est un exercice complexe, nécessitant une adaptation constante des médecins et des techniciens qui en ont la charge car on est aujourd'hui à la onzième version de la tarification. Cela dit, en nous faisant passer en 2009 de 780 groupes de séjours à plus de 2 000 items, cette version a nettement amélioré la codification. Nous devons encore progresser en la matière, mais d'ores et déjà les dispositifs institués par les pouvoirs publics permettent d'éviter les dérives. Ainsi, la directive dite « frontière » entre les actes d'hospitalisation et les actes d'hôpital de jour nous a amenés, par des contrôles réguliers, à requalifier un certain nombre d'actes, ce qui a eu des effets sur les remboursements. Pour la première fois, nous allons payer des pénalités au titre de 2009.

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