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Intervention de Yannick d'Escatha

Réunion du 9 février 2010 à 17h00
Commission des affaires économiques

Yannick d'Escatha :

Monsieur le président, Mesdames et messieurs les députés, je suis très sensible à vos interventions et vous en remercie. Je reviendrai ultérieurement sur les programmes d'investissements mais je rappelle simplement à ce stade que le CNES bénéficie en propre d'un budget multilatéral de 749 millions d'euros, auquel s'ajoutent la dotation à l'agence spatiale européenne d'un montant de 685 millions d'euros, qui sera bientôt portée à 770 millions d'euros, et différents financements provenant notamment du ministère de la défense, qui permettent ainsi au CNES de participer à plusieurs programmes militaires (HELIOS, CERES, MUSIS, ATHENA FIDUS, ELISA…). Au total, le CNES bénéficie donc d'un budget d'environ 1,8 milliard d'euros.

Les programmes d'alerte avancée commencent par la surveillance de l'espace. La France dispose du radar GRAVES, qui est mis en oeuvre par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes et qui a permis de dresser un catalogue des objets spatiaux qui sont en gravitation, notamment en orbite basse. Des coopérations sont en discussion, notamment avec les États-Unis, puisque la plupart des données que nous utilisons sont fournies par le commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Le CNES a d'ailleurs une cellule de crise permanente sur ce sujet, les alertes étant extrêmement fréquentes. Voici un programme hautement prioritaire que je soumettrai au ministère de la défense. L'alerte avancée consiste également à détecter des départs de missiles à l'aide de satellites ; ce dernier programme figure dans la loi de programmation militaire. L'ensemble de ces programmes, qui inclut également le programme d'écoute CERES, se déroule normalement.

S'agissant à présent des lanceurs, en remettant au premier ministre le rapport sur les lanceurs du futur, nous sommes parvenus à la conclusion qu'il fallait d'ores et déjà préparer la suite d'ARIANE V, qui est parvenue à la moitié de son existence et qui revêt un caractère hautement stratégique pour l'Europe. La France et l'Allemagne ont décidé, lors du dernier conseil des ministres, de travailler ensemble sur ARIANE VI.

Mais ARIANE VI n'entrera pas en service avant 2025. C'est la raison pour laquelle nous travaillons dès à présent sur la nouvelle version d'ARIANE V, dite « ARIANE V ME » (« Midlife Evolution »). A cette fin, j'ai proposé que la direction des lanceurs du CNES rejoigne la direction des lanceurs de l'agence spatiale européenne pour travailler conjointement à ce grand projet. Mais les statuts de l'ESA lui interdisent de quitter Paris ou les communes limitrophes, sauf par le vote unanime de ses membres. C'est la raison pour laquelle nous avons été contraints de demander à la direction des lanceurs, située à Évry, de se délocaliser à Paris.

En ce qui concerne le réseau des centres, nous avons, il est vrai, rencontré quelques difficultés. La construction de ce réseau a été possible sur certains programmes et avec certains pays, mais pas à une échelle générale. Cette colocalisation a d'ailleurs été contestée par certains États de l'Union européenne qui ont craint que le CNES n'influence la prise de décision au profit de l'industrie française. Nous avons donc mis en place une gouvernance, parfaitement transparente, pour confirmer que le pouvoir de décision était aux mains de l'ESA. D'ailleurs, de nombreuses coopérations ont porté leurs fruits, qu'il s'agisse de la plate-forme satellitaire ALPHABUS, du programme d'exploration robotisée EXOMARS ou des vols en formation évoqués par M. Reynier.

Je répondrai à présent à monsieur Lasbordes et aux députés qui m'ont interrogé sur l'évolution de la gouvernance spatiale au lendemain du Traité de Lisbonne. C'est un sujet que je suis avec attention en ma qualité de coordinateur interministériel pour le programme GALILEO. On a beaucoup travaillé avec la Commission européenne sur ce sujet pendant la présidence française de l'Union européenne. L'Union attendait cette compétence pour s'affirmer sur le plan international comme une puissance spatiale globale. Elle a perçu que l'espace était une nécessité. De fait, le dossier spatial va enfin gagner le niveau politique. C'est le cas en France depuis la fondation du CNES par le général de Gaulle en 1961, ainsi qu'aux États-Unis, en Russie, en Chine et dans toutes les grandes puissances spatiales. Mais peu de pays européens connaissent une situation similaire. De fait, GALILEO est considéré comme un programme relevant des transports et non de l'espace ! De même, GMES est considéré comme un programme relevant de la recherche et de l'environnement. Jusqu'à Lisbonne, l'espace n'était pas au coeur de la politique européenne. Or, on a vraiment besoin que quelqu'un donne un souffle politique à l'Union européenne en matière spatiale, afin, notamment, de résoudre les difficultés à coopérer sur des projets industriels. C'est pourquoi je pense que l'Union européenne constituera un accélérateur en la matière.

Quant aux États-Unis, je tiens à préciser que M. Obama, loin d'avoir sacrifié la NASA, a augmenté son budget de plus d'un milliard d'euros par an. En fait, que s'est-il passé ? Le programme lancé par le président Bush en 2004 (« Moon, Mars and Beyond »), d'un montant de 10 milliards de dollars par an, a été jugé irréalisable par une commission d'experts dirigée par Norman Augustine. Sur la base de ses conclusions, le président Obama a donc choisi de rééquilibrer les priorités américaines, insistant sur l'observation de la Terre et les explorations robotiques. Il ne renonce pas aux vols habités, comme l'atteste la permanence de la station spatiale internationale. La position américaine se rapproche en réalité de celle des Européens, puisqu'elle va dans le sens d'une coopération internationale plus étroite et définit la NASA comme une agence d'innovation. La nouvelle politique américaine va offrir, de ce fait, de réelles opportunités pour développer des projets communs. D'ailleurs, lors du conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu la semaine dernière, une initiative européenne commune a été annoncée en écho aux déclarations de M. Obama.

Monsieur Brottes, vous m'avez interrogé sur l'attention que nous portions à nos sous-traitants. Ces questions de politique industrielle sont essentielles. Nous nous efforçons effectivement de veiller à garantir un tissu de compétences clés au sein de l'industrie française et européenne.

S'agissant des questions budgétaires, je rappellerai en premier lieu que la dotation de l'État au titre de la contribution à l'agence spatiale européenne passera de 685 millions à 770 millions d'euros à partir de 2011. Je souhaite que, dans le prochain contrat pluriannuel avec l'État, nous obtenions une augmentation des crédits. Toutefois, je constate que, d'ores et déjà, l'espace est l'une des priorités retenues dans le cadre du grand emprunt.

En ce qui concerne la hiérarchie des programmes, nous avons identifié cinq segments stratégiques. Le premier d'entre eux est l'accès à l'espace, dont les priorités sont notamment les lanceurs ARIANE V et ARIANE VI, SOYOUZ et VEGA. Les quatre autres sont des segments d'application. En premier lieu, l'observation de la Terre fait l'objet d'une priorité renforcée, aux États-Unis comme en Europe. Des initiatives ont notamment été lancées en matière d'étude du climat, avec le développement de microsatellites de mesure des deux principaux gaz à effet de serre que sont le carbone et le méthane. J'insiste sur le fait que l'on se situe dans le peloton de tête : ces projets constituent en effet des premières à l'échelle européenne ou mondiale. Le deuxième segment d'application concerne les sciences spatiales. L'exploration de l'Univers est porteuse d'enjeux politiques, industriels et technologiques. Il va de soi que la recherche ne doit pas être jugée à l'aune de ses retombées immédiates. Le troisième segment a trait aux télécommunications, et notamment à l'internet haut débit. Ces programmes sont évidemment indispensables au bon fonctionnement de la société. Le quatrième secteur concerne la sécurité et la défense. Les progrès réalisés en la matière permettent de raccourcir notablement les temps de réaction, alors même que les nouveaux axes stratégiques définis par le livre blanc sur la défense sont la connaissance et l'anticipation. J'insiste à nouveau sur le fait que les investissements réalisés en la matière présentent un effet de levier considérable.

Pour répondre à monsieur Gatignol, s'agissant en premier lieu du lanceur SOYOUZ, l'accord a été conclu pour une durée de dix ans. Cet accord est très important car il permet de mieux utiliser ARIANE V. En effet, pour être vraiment efficace, ARIANE V doit lancer deux satellites à la fois. Si un client est pressé et que le deuxième satellite n'est pas prêt, SOYOUZ constitue une alors une solution de secours.

Concernant GALILEO, un grand pas a déjà été accompli, le CNES ayant mis au point le système EGNOS dans les années 1980, qui sera certifié par l'organisation de l'aviation civile internationale en mai prochain. Il s'agit d'un grand succès, car c'est la préfiguration de GALILEO ! Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, le CNES a conçu dans les années 1990 l'architecture de GALILEO. Nous allons à présent mettre au point le centre de sécurité du système. Nous pourrions apporter beaucoup à l'Union européenne et à l'agence spatiale européenne pour le développement de GALILEO. Nous le faisons déjà, notamment dans le domaine des lanceurs, mais nous pourrions le faire à une échelle bien supérieure. De ce point de vue, l'Union européenne n'a pas encore trouvé les modes d'accès à ces compétences. Je répète que le CNES est complètement à la disposition de la Commission européenne et du Parlement européen. Je précise que d'autres pays européens pourraient également faire profiter les institutions européennes de leur expertise. C'est un véritable enjeu de gouvernance et d'organisation.

Par ailleurs, le domaine militaire représente une part importante de nos investissements puisque, sur les 749 millions d'euros de dotation annuelle de l'État au titre du programme multilatéral, 165 millions d'euros sont alloués par le ministère de la défense, auxquels s'ajoutent les crédits octroyés pour l'exécution de la loi de programmation militaire.

Enfin, s'agissant de nos principaux concurrents – en-dehors bien entendu des pays européens –, je citerai les États-Unis, la Russie, l'Inde, le Japon, la Chine et, à l'état émergent, la Corée du Sud et le Brésil.

Monsieur Gaubert, vous m'avez interrogé sur les risques que les technologies satellitaires font courir à la démocratie. Nous cherchons bien entendu à nous prémunir contre le détournement des technologies spatiales. C'est la logique habituelle de l'épée et de la cuirasse.

Monsieur Cohen, vous avez affirmé que l'espace constitue avant tout un investissement public. C'est ce que nous avons indiqué au Premier ministre dans le rapport consacré à l'avenir des lanceurs en Europe. Il est important de rappeler que l'espace n'est pas une activité purement commerciale qui peut se financer intégralement par l'action du marché. D'ailleurs, à mon sens, les impératifs de souveraineté prendront une importance croissante. Cela ne signifie pas qu'il ne pourra pas y avoir d'applications sur le marché, par le bais de partenariats public-privé, par exemple.

Par ailleurs, l'Union européenne a pris conscience de l'insuffisance des financements dans sa réflexion sur la révision des perspectives financières. Des crédits supplémentaires, d'un montant de 3,4 milliards d'euros, ont d'ores et déjà été octroyés pour le programme GALILEO ; plusieurs centaines de millions ont été ajoutés pour le programme GMES. On doit saluer cette implication politique de l'Union européenne. Comme cela a été officialisé lors de la présidence française de l'Union européenne, l 'Europe spatiale repose sur trois piliers : les Etats membres, l'Union européenne et l'agence spatiale européenne. Il est important qu'aucune de ces trois composantes ne se défausse sur les autres. Chacune doit être motivée et s'investir en la matière.

J'aborde à présent la question de la coopération entre le CNES et l'ESA en matière de lanceurs. Lorsque j'ai proposé au Premier ministre d'apporter à l'agence spatiale européenne le concours de l'équipe de la direction des lanceurs, la condition posée a été que la France conserve un droit d'accès à ses équipes. Des questions de souveraineté entrent naturellement en jeu. De ce fait, une convention conclue avec l'ESA prévoira que la France pourra demander au CNES de répondre en priorité à ses besoins.

Madame de La Raudière, pour répondre à votre question concernant MEGASAT, je dois vous dire que je ne suis pas un expert en la matière. Ce que je peux vous certifier, c'est que l'internet à haut débit fonctionne très bien, sans aucune limitation. L'internet à très haut débit, quant à lui, doit permettre l'accès à l'ensemble des possibilités du multimédia de troisième génération. Je ne peux vous donner de précisions techniques dans l'immédiat, mais je vous propose d'approfondir ce sujet important, qui s'inscrit dans le cadre du grand emprunt.

Madame Taubira, je vous confirme que le CNES a un statut d'établissement public industriel et commercial, mais qu'il n'est pas un centre de recherche. Par ailleurs, j'insiste sur le fait que la Guyane est notre patrie et la contribution que nous sommes susceptibles apporter à son développement économique et au niveau d'éducation constitue pour nous une priorité absolue.

Je précise par ailleurs que l'interopérabilité de GALILEO est prévue avec le GPS.

Enfin, le CNES est effectivement chargé d'appliquer la loi du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, mais les arrêtés d'application de la loi n'ont pas encore été publiés.

Monsieur Raison, le premier lancement de SOYOUZ aura lieu au plus tôt cet été. Comme vous l'avez indiqué, ce programme revêt une grande importance, non seulement financière mais également diplomatique et technique.

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