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Intervention de Yannick d'Escatha

Réunion du 9 février 2010 à 17h00
Commission des affaires économiques

Yannick d'Escatha :

Merci monsieur le président. Je souhaiterais tout d'abord vous remercier de m'avoir convié à cette audition. C'est pour moi un grand honneur. Je présenterai d'abord le bilan de mes deux premiers mandats à la tête du CNES puis j'exposerai ma vision à long terme du secteur spatial.

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, j'ai été appelé à la tête du CNES en février 2003 alors que cet établissement traversait une crise profonde. Nous connaissions simultanément une surprogrammation, un déficit pour l'année 2002 et l'échec du vol de qualification d'ARIANE V ECA. Ma mission a été de redresser le CNES et de remettre ARIANE V en vol. Je suis heureux de pouvoir dire que cela a été accompli avec succès. Ce redressement a été opéré grâce à une redéfinition de la politique spatiale de la France dans un contexte européen. La refonte de la programmation a notamment consisté à arrêter 10 programmes sur 40. Il a fallu redéfinir la conception des projets aussi bien que leur réalisation effective et revoir les principes d'évaluation et d'organisation.

Une nouvelle organisation matricielle a été mise en place. Ainsi le CNES a-t-il supprimé un niveau hiérarchique, mis en place une charte du manager, s'est rapproché de la défense et a réorganisé la base spatiale de Guyane. Une contractualisation avec l'État a été mise en place sur la période 2005-2010. Nous avons également obtenu la nomination de commissaires aux comptes et les certifications ISO 9001 et 14001. Depuis 2003, les comptes ont toujours été équilibrés et sont certifiés sans réserves ni observations par les commissaires aux comptes. Surtout, 100 % des programmes ont abouti, alors qu'il s'agit toujours de premières européennes ou mondiales. ARIANE enregistre à ce jour 35 succès consécutifs. En moyenne, 3 satellites ou grands équipements ont été lancés chaque année. Ceci a permis de conforter le leadership de la France dans le domaine spatial. Je précise que notre pays est également le premier partenaire de la NASA. Par ailleurs, la dette de la France à l'égard de l'ESA a augmenté depuis 2002, du fait des engagements pris par la France lors des réunions ministérielles de l'ESA ; elle dépasse actuellement les 300 millions d'euros. Elle sera toutefois résorbée d'ici 2015, l'État augmentant sa contribution à hauteur de 770 millions à partir de 2011.

Le CNES fonctionne aujourd'hui dans le cadre d'une gouvernance précise et efficace. L'établissement rend compte tous les six mois de l'avancement de ses projets et de la réalisation de ses objectifs dans le cadre de la programmation pluriannuelle. Les performances, les délais et les coûts sont tenus. Les tutelles et le conseil d'administration ont donné acte au CNES qu'il avait atteint tous ses objectifs, sauf l'un d'entre eux, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le président.

Le CNES ne cesse de prendre des initiatives, et corrélativement de se transformer de l'intérieur. Nous travaillons quotidiennement avec les industriels, afin de garantir le maintien des compétences et d'injecter de hautes doses d'innovation technologique dans l'industrie française, ce qui permet de doper sa compétitivité face à la faiblesse du dollar.

Ces questions de politique industrielle sont particulièrement difficiles et importantes. Sur ces sujets, le CNES travaille avec ses partenaires nationaux et européens en bonne intelligence, qu'il s'agisse de la DGA, de l'ESA ou de l'Union européenne, dans un cadre coopératif et dans le respect absolu du droit de la concurrence.

La vision du futur est claire et ambitieuse. Elle a été exposée par le président de la République dans son discours de février 2008. Le « pipe-line » de la préparation de l'avenir n'a jamais été aussi rempli de projets, qui sont tous des premières européennes ou mondiales. Cette vision a été déclinée dans la loi de programmation militaire, dans le livre blanc sur la défense et dans le rapport remis récemment au premier ministre sur l'avenir des lanceurs en Europe ; elle a surtout été réaffirmée dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Je suis heureux d'avoir préparé le CNES à être l'outil spatial de demain, et je souhaiterais rendre hommage aux femmes et aux hommes du CNES, qui ont fait des efforts extraordinaires et qui ont permis de redresser l'institution.

En ce qui concerne l'avenir, je crois que l'espace est quelque chose qui commence. Nous ne pouvons pas deviner tout ce que l'espace va apporter à l'humanité. Nous sommes capables de répondre de manière croissante à des besoins non satisfaits par les solutions terrestres. On va assister à une croissance de ce secteur qui va être tirée par l'aval, c'est-à-dire par les services. J'ajoute que l'investissement dans le secteur spatial est particulièrement rentable puisqu'il offre un effet de levier considérable ; ainsi, pour un investissement de 7 milliards de dollars dans les satellites et les lanceurs, on fait entrer 130 milliards dans l'économie ; l'effet de levier atteint donc 19. Il y a aussi un levier industriel très intéressant. J'insiste sur le fait que les plus technologiques que nous apportons permettent de pallier la faiblesse du dollar.

Il faut prendre conscience du fait que, si l'espace répond à tous les besoins et devient à ce point stratégique, on ne pourra plus fonctionner sans les outils spatiaux. On le constate déjà aux États-Unis. Il s'agit d'un enjeu majeur de souveraineté dans les domaines politique et économique. A cet égard, pour que la France continue à rayonner et à mener les coopérations internationales indispensables, elle aura de plus en plus besoin d'un outil présentant le plus haut niveau de compétence, qui soit reconnu sur la scène mondiale. Le CNES aura donc un rôle croissant à jouer à l'avenir.

Quelle est notre vision de ces outils spatiaux ?

Les constellations de satellites sont d'ores et déjà nos anges gardiens dans les domaines du climat, de la gestion territoriale et des catastrophes naturelles. On peut y inclure tout ce qui a trait aux télécommunications. Il y aura aussi de plus en plus de sondes spatiales, qui exploreront toujours plus loin le cosmos, au moyen de vols robotiques dans un premier temps, habités dans le futur. Ils répondent à la vocation de l'homme d'explorer son milieu, terrestre, marin, aérien et spatial.

Dans ce cadre, la vocation de la France à être leader est confirmée. Elle représente près de 40 % de l'industrie et de la recherche européennes, avec près de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 12.000 emplois industriels. Dans ce contexte, le rôle du CNES est de proposer et de conduire la politique spatiale du Gouvernement, dans un cadre européen renforcé, et notamment dans le cadre déterminé par le traité de Lisbonne.

La nouvelle génération du projet ARIANE est en cours de réalisation avec ARIANE NE et bientôt ARIANE VI. J'ai le plaisir de vous annoncer que la France, conjointement avec le Royaume-Uni, a remporté un appel d'offres, pour concevoir le centre de sécurité de GALILEO. Le projet EGNOS, inventé par le CNES en équipe mixte avec l'ESA, permettra d'augmenter les capacités du GPS. J'ajoute que l'opérateur commercial ESSP va venir s'installer sur le centre toulousain du CNES.

Mais il faut aller plus loin. Le traité de Lisbonne a parfaitement clarifié les rôles. A l'Europe incombe un triple rôle de vision politique à long terme, de représentation des besoins des citoyens et de financement. L'ESA et les agences nationales doivent quant à elles conduire conjointement les programmes. Il faudra savoir utiliser les meilleures compétences, où qu'elles se trouvent. Les Etats membres ont un rôle essentiel à jouer puisque près de la moitié des moyens spatiaux en Europe sont détenus par les Etats, par le biais des universités et des centres de recherche. La création de l'Europe spatiale est donc à réaliser. Dans ce cadre, les enjeux de politique industrielle vont prendre une importance croissante, car il faudra éviter les incohérences induites par l'interaction de nombreux acteurs. Tout ceci s'inscrit dans le cadre d'une logique de niches très sélective. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le président, les États-Unis investissent beaucoup plus en fonds publics que l'Europe, d'une échelle de 1 à 6 si l'on mêle le civil et le spatial, ce qui justifie une coopération européenne et internationale renforcée.

De son côté, le CNES continuera de prendre les initiatives nécessaires à la préparation de l'avenir et utiles aux pouvoirs publics civils et militaires, aux citoyens, aux industriels et aux scientifiques. Vous savez que le CNES n'est pas un centre de recherche mais une agence dotée de centres techniques puissants, dont le rôle est d'être un architecte système, un concepteur d'innovation, un maître d'ouvrage. Il fait travailler ensemble, dans la meilleure symbiose possible, industriels et scientifiques. J'ajoute que des progrès considérables ont été faits pour consolider le « camp français ». Ainsi le CNES a-t-il proposé à l'ensemble des utilisateurs nationaux d'être leur département spatial. En effet, la France a capitalisé sur le CNES un investissement considérable. Tous les ministères ont besoin d'espace. D'ores et déjà, le ministère de la défense, par le biais de la DGA, nous a reconnu comme le maître d'ouvrage délégué des composantes spatiales du système de défense. Par ailleurs, nous nous rapprochons du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) pour la surveillance de l'espace, à laquelle vous faisiez allusion, Monsieur le président. Nous travaillons également avec le ministère du développement durable, pour ce qui concerne tant les transports que l'application du Grenelle de l'environnement et du futur Grenelle de la mer.

En conclusion, il est facile, me semble-t-il, de comprendre pourquoi je suis candidat. L'espace est un domaine qui me passionne. Je me suis passionné pour le nucléaire ; je me passionne aujourd'hui pour le spatial. Nous en sommes encore à l'âge des pionniers. L'espace présente la caractéristique unique d'être à la fois un secteur qui touche la vie quotidienne, qui est de l'ordre de l'utilitaire, mais également de se situer au niveau des plus belles aspirations de l'homme. C'est une alliance suffisamment rare pour être soulignée !

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

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