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Intervention de Jean Launay

Réunion du 2 février 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

C'est autour de ces deux thèmes essentiels que sont le chômage et la dette que j'axerai mon intervention.

Ces thèmes sont d'ailleurs liés, car j'ai la conviction que, si nos économies ont besoin de tant de dette, c'est à cause du chômage. Ce premier PLFR de l'année 2010 l'illustre bien, qui, à l'assertion selon laquelle « la hausse mensuelle moyenne du nombre d'inscriptions à Pôle emploi est quatre fois plus faible depuis le printemps 2009 que pendant la récession du premier trimestre », associe le grand emprunt, pardon, l'emprunt national.

Le discours est bien connu : la hausse du chômage baisse, ralentit, augmente moins vite – c'est mieux que si c'était pire... Pourtant, sur le terrain, la réalité est vécue bien différemment et plus douloureusement. Le paquet fiscal de la loi TEPA, dans son volet relatif aux heures supplémentaires, a largement pénalisé l'emploi durable et favorisé le retour à la précarité de nombreux salariés. Voilà un système qui contribue à l'aggravation du chômage et qui, en 2009, a coûté 5 à 6 milliards d'euros, lesquels pèsent sur le déficit public.

La fin de droits guette plus d'un million de chômeurs dans notre pays, et vous ne pourrez pas éternellement tenir le discours selon lequel la France n'a pas besoin d'assistanat sans voir la situation difficile de ceux qui n'accèdent pas au RSA ou à l'allocation spécifique de solidarité, en raison des ressources du ménage ou de leur situation patrimoniale.

L'envolée du chômage submerge les agents de Pôle emploi, et vous avez été obligés de recourir aux opérateurs privés de placement, sortes de béquilles low cost à Pôle emploi. Où en sommes-nous en matière de qualité du service, d'accompagnement personnalisé, adapté à la situation de chacun ?

Le recul du chômage qu'a annoncé le Président de la République n'est donc qu'un infléchissement de la tendance à la hausse du nombre des demandeurs d'emploi, que la crise économique, conséquence de la crise financière, a entraînée. Et c'est sans compter que, comme le confirme l'Observatoire français des conjonctures économiques, un immense contingent de sans-emploi ne figure pas – ou plus – dans les statistiques du chômage : que l'on songe aux 500 000 salariés en chômage partiel et aux 140 000 personnes en contrat de transition professionnelle. Aujourd'hui, à mi-mandat du Président de la République, on compte 800 000 chômeurs de plus en dix-huit mois et Pôle emploi annonce l'arrivée d'un million de chômeurs en fin de droits en 2010.

Avec l'emprunt, ce sont 35 milliards d'euros de dettes en plus qui, nous dit-on, vont financer des investissements et des dépenses d'avenir. Il s'agit d'augmenter le potentiel de croissance de la France, en faisant appel à l'effet de levier que constitue l'association des fonds privés et des fonds d'autres collectivités publiques. Imagine-t-on que ces collectivités ne le faisaient pas déjà, d'ailleurs sans se mettre en déficit, et avec une dette maîtrisée ?

La question se pose donc : pourquoi l'économie française est-elle si « accro » à la dette, suivant en cela l'exemple des États-Unis ? C'est que depuis 2002, et de manière accentuée depuis 2007, vous menez une politique reaganienne. Votre libéralisme exacerbé vous amène à baisser les impôts des plus riches, à diminuer les recettes fiscales, nous privant ainsi de 22 milliards d'euros, et à augmenter la dette publique. Vous êtes en train de faire vivre à nos concitoyens ce que les États-Unis ont fait vivre à des millions d'Américains, en les poussant à s'endetter pour maintenir leur niveau de vie. Les politiques dérégulatrices que vous menez conduisent à la baisse de la part des salaires dans le produit intérieur brut.

La parole du chef de l'État, dispensée du haut de la tribune du Congrès du Parlement à Versailles, vous conduit aujourd'hui à mettre en musique l'emprunt national dans ce collectif budgétaire. Il s'agit d'un emprunt supplémentaire de 35 milliards d'euros, alors qu'un déficit public record – 160 milliards d'euros en 2010, selon le rapport de Gilles Carrez, 149 milliards en tenant compte d'une croissance prévisionnelle revue à 1,4 % – vient déjà gonfler une dette d'un montant inédit dans l'histoire économique récente de notre pays : 1 650 milliards d'euros selon le rapporteur général, soit 83,2 % du PIB, et, selon les prévisions du FMI, 1 850 milliards d'euros, soit 90 % du PIB, en 2012…

Votre politique augmente donc mécaniquement la part des recettes fiscales futures consacrées au remboursement de la dette. Mais, sur ce point, vous rusez. Alors que, en 2010, la seule charge des intérêts de l'emprunt national doit atteindre 500 millions d'euros, vous choisissez de les compenser en annulant 500 millions d'euros, hors réserve de précaution, dans le budget de l'État : ce seront 500 millions de moins pour financer des politiques essentielles.

La réduction des dépenses, dans laquelle vous voulez entraîner les collectivités locales et que vous voilez pudiquement sous le nom de « maîtrise de la dépense publique », est en fait l'unique solution politique que vous ayez à proposer, dès lors que vous manifestez en toute occasion votre allergie aux prélèvements obligatoires. Oui, il faut arrêter le gonflement de la dette, mais nous contestons la certitude qui est la vôtre selon laquelle la réduction des déficits passe d'abord par la réduction de la dépense. L'un de vos prédécesseurs, madame la ministre, a d'ailleurs jeté une pierre dans votre jardin, en publiant dans Le Monde d'hier une tribune où il considère que le véritable investissement d'avenir, c'est le désendettement. Je ne suis pas loin de le rejoindre sur ce point, car je pense que, depuis trop d'années, votre système n'a fonctionné que parce qu'on distribuait par la dette le pouvoir d'achat qu'on ne donnait pas en salaire.

Aujourd'hui, nos concitoyens en situation de chômage et de précarité ont peur parce qu'ils n'ont plus de vrais emplois et de vraies perspectives devant eux. Ceux qui ont un emploi sont également inquiets des menaces qui pèsent sur lui et parce qu'ils constatent qu'il n'y a pas de réelle négociation sur les salaires.

Plus grave encore, le contrat social, qui était pour nous un des piliers de l'identité nationale, s'étiole du fait de vos choix financiers et fiscaux. Ce n'est pas le collectif que vous nous présentez qui va arranger les choses. Et puisque, chers collègues de la majorité, vous vous référez tous à Michel Rocard, n'oubliez pas qu'il vous réclame aussi, comme nous, la suppression du bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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