Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jonas Gahr Støre,ministre des affaires étrangères du Royaume de Norvège

Réunion du 27 janvier 2010 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Jonas Gahr Støre,ministre des affaires étrangères du Royaume de Norvège, ministre des affaires étrangères du Royaume de Norvège :

Les questions relatives à l'Arctique sont traitées à trois niveaux. Le premier est celui des Etats riverains, auxquels le droit international confère des droits et des responsabilités. L'Arctique n'est pas différent de la mer du Nord ou de la Méditerranée : il est certes couvert de glace mais cela mis à part, c'est un océan comme un autre et non une terra nullius. Aussi les cinq pays riverains de l'Arctique – Canada, Danemark, Norvège, Russie, États-Unis – ont-ils réaffirmé dans la Déclaration d'Ilulissat, signée le 28 mai 2008 au Groenland, qu'ils n'éprouvent pas le besoin de définir un nouveau cadre législatif international pour gouverner l'océan Arctique et qu'ils s'en tiendront à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et aux traités internationaux régissant la région. Cette position sera réitérée en mars prochain à Ottawa. Il n'y a pas de conflit avec la Russie à ce sujet. Les discussions relatives au Grand Nord entre la Norvège et la Russie ne sont pas idéologiques. Celles qui se déroulent entre les Etats-Unis et le Canada, entre le Canada et le Danemark à propos du Groenland ou encore entre le Canada et la Russie à propos de la délimitation du plateau continental russe en Arctique sont peut-être plus compliquées. En allant planter un drapeau russe à l'aplomb du pôle Nord en 2007, une équipe d'explorateurs russes s'est livrée à une action certes spectaculaire mais sans conséquences juridiques ; en 1911, Roald Amundsen a planté un drapeau norvégien au pôle sud - cela n'a pas rendu le pôle sud norvégien !

Au deuxième niveau, il y a le Conseil arctique, instance de coopération régionale, qui traite des communautés indigènes, de l'organisation des sauvetages, du transport maritime et d'autres questions encore. Le troisième niveau est celui de l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation maritime internationale définissant les routes maritimes internationales. Il faut agir à ces trois niveaux. J'ai indiqué à M. Rocard, venu évoquer le sujet avec moi, qu'un traité international spécifique ne se justifie pas, mais qu'en revanche il faudra renforcer les règles de sécurité d'une navigation appelée à croître dans le Grand Nord.

S'agissant de l'OTAN, il ne s'agit pas de crier au loup. Notre doctrine est « High North, low tension » – autrement dit, « Grand Nord, tension basse »… Certes, étant donné les intérêts en jeu, il existe un risque de conflit potentiel, mais il nous appartient de le gérer. L'instabilité dans cette région n'est pas dans l'intérêt de la Russie, qui n'a rien à gagner par la conquête. L'OTAN, par la révision de ses concepts stratégiques, doit tenir compte des évolutions intervenues et en cours sur le territoire de l'Alliance et dans le monde pour démontrer sa pertinence aux nouvelles générations. Lorsque j'ai prononcé pour la première fois en Europe, en 2005, un discours consacré au Grand Nord, le sujet était très peu connu. Il faut continuer d'expliquer ce que sont les enjeux.

Non, la Norvège n'est pas trop riche pour adhérer à l'Union européenne ! De plus, comme je l'ai indiqué, nous avons décidé de consacrer 1,8 milliard d'euros en cinq ans aux nouveaux pays membres – soit beaucoup plus, per capita, que tous les anciens membres de l'Union. Par ailleurs, je le répète, nous sommes intégrés à l'Union sur le plan économique. Pourquoi, alors, le « non » à l'adhésion ? Parce que la Norvège, petit pays qui n'est indépendant que depuis 1905, a eu peur de perdre à la fois son identité et le droit de gérer ses ressources et ses territoires, sa pêche et son agriculture. Le fait que l'Union européenne serait trop libérale n'entre pas en ligne de compte.

Statoil et Total travaillent ensemble en mer de Barents, et si l'exploitation du gisement de Chtokman prospère, ce sera grâce à elles. A ce jour, le seul gisement exploité au Nord de la Norvège l'est avec Total ; les compagnies pétrolières françaises sont présentes en Norvège depuis 1970.

Mes trois fils apprennent le français, mais je devrai les encourager à le parler bien. Il est intéressant de constater que lorsque j'avais 13 ans, la première langue étrangère enseignée était l'anglais, et la seconde l'allemand. La seconde langue n'est plus l'allemand, dont l'enseignement a considérablement chuté en Norvège.

S'agissant du changement climatique, Al Gore et moi-même nous parrainons des recherches scientifiques car il faut en savoir plus sur ce qui se passe vraiment dans le grand Nord. On sait maintenant que le CO2 n'est pas le seul gaz en cause et qu'il faut tenir compte des émissions de gaz à durée de vie courte, très puissants dans leurs effets mais plus faciles à gérer. On sait aussi que la fonte des glaces est plus rapide que ce que l'on pensait il y a cinq ans ; c'est alarmant car il en va de la montée du niveau des mers. La recherche doit se poursuivre, et la Norvège s'y engage activement.

S'agissant des scénarios géostratégiques possibles pour l'Arctique, on comprend aisément que si l'accès à de nouvelles ressources devient possible, ce sera intéressant. Pour autant, même si les glaces fondent, l'environnement demeurera très rude ; il y aura toujours beaucoup de glace, la nuit polaire et des tempêtes…

Pour ce qui est des rapports de forces dans la région, il faut savoir tirer les enseignements de la guerre froide. L'arsenal nucléaire russe est toujours là, tout près, et il a toujours un rôle à jouer, mais les défis ne sont plus les mêmes. Lorsque j'étais officier dans la marine norvégienne, nous nous préparions à l'éventualité d'une attaque massive en provenance de l'Est. Désormais, nos militaires considèrent qu'il nous faut savoir gérer un ensemble de risques civils et militaires, nordiques et européens. Dans la plupart des cas, il faut travailler avec les Russes et pour cela approfondir notre coopération avec eux.

Je tiens à lever toute ambigüité en soulignant que la Norvège n'est pas favorable au changement climatique. Elle est consciente de ce que cela signifie pour elle et des transformations économiques qui l'attendent. La première entreprise européenne spécialisée en énergie renouvelable est norvégienne, et Statoil va, associé à Statkraft, installer un vaste parc éolien au large des côtes britanniques.

La taxe sur les émissions de carbone a été appliquée de manière progressive et agressive, pour accélérer une évolution indispensable, le captage et le stockage du CO2. Nous avons investi massivement dans cette technologie, nécessaire pour nous mais aussi pour l'Inde, l'Indonésie, la Chine…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion