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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 27 janvier 2010 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur :

La question de la banane est un sujet important et compliqué qui a été posé dans les années soixante au moment des indépendances africaines, en lien avec la création de l'Union européenne et la politique agricole commune. Il est dit qu'à l'époque, le Général De Gaulle et le Chancelier Adenauer avaient conclu un accord implicite, aux termes duquel le marché européen de la banane serait approvisionné pour un tiers par les pays africains anciennes colonies, pour un tiers par les départements d'outre-mer et pour le tiers restant, par les bananes d'Amérique latine dites « bananes dollar ». Il y a en effet en Europe deux traditions de consommation : la tradition française dont l'approvisionnement provient d'Afrique et des Antilles et la tradition allemande selon laquelle on consomme des bananes sud américaines. Il y a d'ailleurs sur le port de Hambourg d'immenses mûrisseries qui ont fait la fortune de grandes familles par le biais des circuits commerciaux avec l'Amérique centrale et du Sud - où il y avait depuis longtemps des colonies allemandes. La France, l'Espagne, le Portugal et la Grande-Bretagne se trouvaient à l'écart de ces circuits commerciaux. Cet accord tacite a assez bien fonctionné jusqu'en 1975. A cette date, en marge des accords de Lomé, a été institué le protocole bananes en application duquel les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) pouvaient importer dans l'Union européenne un quota de 857 000 tonnes de bananes à droit nul. Cette préférence avait notamment pour objectif de compenser le manque de compétitivité des bananes de ces pays par rapport aux « bananes dollar » produites par les multinationales comme Del Monte ou Chiquito dans des exploitations latifundiaires employant des pesticides et fonctionnant à bas coûts sociaux. A ces avantages, s'est ajoutée la compétitivité monétaire liée aux fluctuations erratiques à la baisse du dollar à la suite de la décision prise par Nixon le 15 août 1971 d'abandonner la convertibilité du dollar en or.

Ce système protecteur pour les départements d'Outre-mer et pour les pays ACP avec lesquels l'Europe voulait maintenir un partenariat privilégié a été remis en question à partir de 1993. A cette date, le protocole bananes avec les pays ACP a été maintenu et a été créé une organisation commune de marché pour les bananes communautaires (Antilles, Canaries et Madère). En 1994, après les accords de Marrakech, les pays latino-américains ont engagé les hostilités à l'Organisation mondiale du commerce, suivis par les Etats-Unis et ont intenté une instance auprès du tout nouvel Organe de règlement des différends. L'instance visait à la fois le volet interne – les productions des régions ultrapériphériques – et le volet externe – les productions des pays ACP.

Le point d'actualité qui nous intéresse aujourd'hui et sur lequel notre Commission sera à nouveau saisie au titre de l'article 88-4, est un accord paraphé le 15 décembre dernier par la Commission européenne et qui pose de réels problèmes. Certes MM. Manuel Barroso et Pascal Lamy ont déclaré que cet accord était formidable. Je partage plutôt les réserves de Mme Anne-Marie Idrac.

Plusieurs sujets sont préoccupants. Le premier tient à la compétence de la Commission européenne - alors qu'elle expédiait les affaires courantes - de parapher un accord si important. Les négociations de Doha étant enlisées, on considère qu'un des sujets de ce cycle se trouve traité alors qu'une approche multilatérale avait toujours été préconisée. Par ailleurs, cette négociation n'a, en aucune façon, été mise en relation avec les négociations sur les accords de partenariat économique. Les pays africains, même s'ils ont des coûts moindres que les producteurs communautaires et quand leurs exploitations fonctionnent bien ne seront pas en mesure d'affronter la concurrence des pays latino-américains. J'ai pu le constater lors d'une visite d'une exploitation installée en zone franche au Ghana. Enfin, la question de la compensation va se poser car cet accord va faire des dégâts dans les DOM et dans les pays ACP avec lesquels on veut poursuivre une coopération exemplaire.

Il y a une vraie interrogation et il est sûr que du point de vue juridique, cette affaire n'est pas terminée.

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