Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Denis Loyer

Réunion du 20 janvier 2010 à 16h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Denis Loyer, directeur adjoint des opérations de l'AFD :

La démarche retenue comporte trois étapes.

Première étape : que les différents pays adoptent des politiques forestières permettant de réduire la déforestation ou de maintenir le stock de carbone. Cette étape est d'ores et déjà financée via un fonds précurseur, le Fonds de partenariat du carbone forestier (FCPF), dans lequel la France, par l'intermédiaire de l'AFD, a beaucoup investi.

Deuxième étape : accorder des incitations financières afin que les États concernés mènent des actions visant à améliorer la gestion des forêts – sans pour autant mesurer avec précision le gain carbone.

Troisième étape : quand aura émergé un grand marché mondial du carbone, on pourra songer à introduire les mécanismes du marché.

Tout le monde est aujourd'hui d'accord pour avancer de manière pragmatique. Il n'y a pas, dans l'immédiat, de risque que la recherche de rentabilité financière l'emporte.

Dans un pays comme le Costa Rica, en revanche, les mécanismes du marché pourraient être introduits dès maintenant : la forêt progresse, et l'on sait en mesurer les conséquences sur la population. Si un autre État ou un industriel voulait faire appel à ce pays pour compenser ses émissions polluantes, ce serait possible.

Le principe fondamental, c'est que, sans aller jusqu'au marché, les financements sont fondés sur les résultats : ils ne seront complets qu'à condition que les projets se concrétisent.

Par ailleurs, vous avez raison, il faut non pas seulement réduire les émissions produites par la destruction ou la dégradation des forêts, mais aussi gérer les stocks de carbone forestier existants. À Bali, Brice Lalonde a forcé la main à nos partenaires européens pour que l'Union européenne adopte ce principe. Depuis la réunion de Poznan, dans les différentes négociations, la France donne l'impulsion en matière de lutte contre la déforestation, de gestion des stocks et de plantations dans la ceinture intertropicale. Cela concerne 2 milliards d'hectares de forêts, soit la moitié des forêts du monde : l'enjeu du fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestier des Nations unies (« REDD+ ») est immense ! Voilà trente ans qu'une mesure de ce type était attendue à l'échelle mondiale.

Il importe de travailler sur les stocks également pour des raisons scientifiques. On pensait auparavant que, lorsqu'une forêt était au climax, elle se contentait de respirer. Or, des études récentes sur le bassin amazonien et le Gabon montrent que ces forêts continuent à séquestrer du carbone – en faible dose mais, comme il s'agit de vastes surfaces, les tonnages sont importants. Non seulement la conservation des forêts évite que leur stock ne parte en fumée, mais elle assure en outre une séquestration immédiate du carbone, ce qui répond précisément aux besoins. D'où l'intérêt d'investir dans le bassin du Congo, le Guyana ou la Guyane française, zones géographiques à grandes forêts et à faible taux de déforestation, et de ne pas se borner à la lutte contre la déforestation.

La prise en compte des populations autochtones est fondamentale. Il a été très difficile de se mettre d'accord sur une rédaction à Bali, mais cette dimension est désormais inscrite dans le texte. De surcroît, nous bénéficions d'une expérience en la matière : sur certains projets, nous faisons en sorte que les habitants des zones concernées expriment leurs désirs, afin d'en tenir compte et d'engager un dialogue. Mais j'admets que ce n'est pas facile.

Enfin, la question des forêts ne concerne pas les seuls pays en développement. Les activités relevant des LULUCF (Land Use, land-use change and forestry) sont tout aussi fondamentales. Dans le cadre du protocole de Kyoto, certains pays industrialisés avaient pris des engagements trop importants ; lors de la conférence de Marrakech, on a donc modifié les règles de prise en compte des forêts dans les pays développés, ce qui a permis de ratifier le protocole. Du point de vue de l'intégrité environnementale et de ce qui est effectivement rejeté dans l'atmosphère, cette décision est cependant dramatique.

La France a pris la tête de la contestation, en soulignant que, si nous révisions nos ambitions en termes de lutte contre le changement climatique, nous allions « droit dans le mur ». Il faut que la règle de comptabilisation des forêts reflète ce qui se passe dans l'atmosphère et qu'un réel effort soit fait par rapport au niveau des émissions de 1990. Malheureusement, certains pays industrialisés, tels que la Suède, la Finlande et l'Autriche, ont décidé d'exploiter massivement leurs forêts et ils voudraient que les objectifs portent, comme pour les pays en développement, sur les prévisions d'émission.

Comme vous le savez, les ONG décernent un « Fossil-of-the-day Award », qui « distingue » la mauvaise attitude d'un pays en matière climatique. Ce prix a son positif : le « Ray-of-the-day Award » ; à Copenhague, il a été pour la première fois décerné à la France pour sa position sur les LULUCF. Le monde entier sait que, sur le sujet, la France est crédible. Il ne faut pas faiblir sur ce point. Tout « traficotage » serait catastrophique, car les pays en développement en profiteraient pour faire la même chose sur le REDD.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion