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Intervention de Louis Gallois

Réunion du 19 janvier 2010 à 17h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Louis Gallois, président exécutif d'EADS :

Nous leur imposons la discipline qui nous est imposée, en les payant en dollars – ainsi, c'est dans cette devise que nous payons Latécoère ou Thales. Ce faisant, nous reportons sur eux une partie du risque de change, ce qui peut en cascade pousser certains à transférer une partie de leurs activités hors d'Europe. L'euro est la seule monnaie forte dans le monde. Certains s'en félicitent au motif que cela réduit le coût de nos importations ; je considère pour ma part que cette situation constitue une menace pour les entreprises européennes exportatrices. Le Président de la République l'a souligné dans son discours de Cholet : « Si l'on fabrique en zone euro et qu'on vend en zone dollar, avec le dollar qui chute et l'euro qui monte, comment voulez-vous compenser le déficit de compétitivité ? ». Je puis le confirmer : le taux de change eurodollar nous a coûté 3 milliards d'euros de résultat annuel en trois ans, que nous devons regagner d'une manière ou d'une autre. Imaginez l'avantage compétitif que cela donne à Boeing !

J'ai eu l'occasion d'évoquer cette question avec M. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, et avec le commissaire européen Joaquin Almunia lorsqu'il était chargé des affaires économiques et monétaires. Je regrette que le G7 et le G20 n'aient pas abordé les évolutions monétaires. Dès que le yen s'est apprécié face au dollar, les autorités japonaises ont demandé que le problème soit abordé au G7 ou au G20. Je souhaite que l'Europe exige que la question soit traitée dans ce cadre ; cela se fera peut-être, des commissaires européens commencent à s'exprimer sur ce sujet. Comment ne pas parler de la loi de la jungle monétaire qui règne actuellement, alors qu'elle a un impact direct sur nos industries ? Cela étant, je vous l'ai dit, nous avons été, en 2009, le meilleur soutien du réseau de sous-traitance aéronautique en France, après avoir tiré leur croissance depuis 10 ans.

Vous m'avez interrogé, monsieur Grouard, sur le bilan de la consolidation de l'entreprise. Il y a eu des turbulences, vous le savez, ce qui m'a valu de me retrouver à la tête de l'entreprise, mais globalement, une grande partie des problèmes sont derrière nous. Certes, il peut exister une compétition entre les sites de production, comme ceux de Hambourg et de Toulouse, mais il pourrait en exister de semblables entre deux sites situés dans un même pays. C'est humain, et cela ne disparaîtra pas par enchantement ; les syndicats défendent leur site respectif, et c'est normal. À la direction de l'entreprise, la consolidation est faite.

Ce qui me préoccupe, c'est le risque de perte de repères des personnels. Nous avons fait procéder à une enquête qui a révélé un attachement à l'entreprise et une grande fierté à propos des produits, mais qui a montré aussi que la politique de ressources humaines n'était pas à la hauteur. Il nous faut savoir recréer des repères dans une entreprise et des équipes de plus en plus européennes - un Britannique peut avoir un chef espagnol qu'il voit très rarement. De cette internationalisation dépend l'avenir d'EADS, car elle conditionne son efficacité, mais nous devons établir des repères et de la proximité.

Monsieur Chassaigne, nos objectifs sont ceux qu'a fixés l'ACARE. Il s'agit, d'ici à 2020, de réduire le bruit et les émissions de gaz à effet de serre de moitié et de 80 % les émissions d'oxyde d'azote. Ces objectifs sont-ils réalistes ? Ils sont ambitieux. Ils seront atteints pour les matériels nouveaux ; pour la moyenne des flottes, c'est une autre affaire et tout dépendra du rythme de renouvellement des avions, notamment de la gigantesque flotte américaine, la plus ancienne du monde.

Dans le domaine spatial, ni notre entreprise ni la France ne sont particulièrement frileuses. Spot Image est une activité importante pour nous et nous investissons massivement dans ce domaine. Nous sommes un des principaux fournisseurs d'images satellitaires de Google. Quant à l'agriculture française, elle n'est pas la dernière à utiliser nos capacités satellitaires. L'Europe n'est pas en retard dans ce domaine. C'est un marché sur lequel nous devons être présents et offensifs.

Il existe trois catégories de satellites : d'observation, de navigation – comme pour le système Galileo – et de télécommunications. Tous les satellites sont de plus en plus performants. Dans le cadre du grand emprunt, nous avons demandé à réfléchir à des plates-formes moins consommatrices d'énergie. Nous souhaitons ainsi prolonger la vie des satellites et, je l'ai dit, éviter qu'à l'avenir leurs débris ne polluent l'espace. Pour les satellites d'observation, nous travaillons avec une optique de plus en plus fine. Les applications militaires trouvent, cinq ou dix ans après qu'elles ont été mises au point, des déclinaisons civiles extrêmement performantes. Pour les satellites de navigation, une précision toujours plus grande est bien sûr recherchée, avec des constellations aussi réduites que possible.

La fabrication de l'A400M accuse des retards, peut-être parce que le calendrier initial, qui prévoyait une durée de construction de 6 ans et demi, n'était pas réaliste - et comme il n'était pas réaliste, nous ne le réaliserons pas... Pouvait-on deviner, en 2003, qu'il en irait ainsi ? Ce n'est pas évident, car on n'avait pas alors une estimation claire des défis techniques, dont certains sont apparus au cours du développement de l'appareil.

Vous avez parlé de surcoûts. Je ne confirme aucun chiffre. J'ai demandé la semaine dernière l'ouverture d'une négociation ; je ne dis pas que j'ai été entendu, mais elle s'engage jeudi. Nous l'abordons avec la volonté d'aboutir. Il serait absurde que l'on ne trouve pas d'accord alors que l'avion vole, qu'il correspond à un besoin, que, même si son prix augmente, il restera moins cher que ses concurrents et qu'il créera 40 000 emplois en Europe.

Pour l'avion, la concurrence du train se fait sentir jusqu'à 1 500 kilomètres. Au-delà, l'avion est pratiquement incontournable : vous admettez vous-même, monsieur Chassaigne, que 22 heures de voyage pour revenir de Copenhague, c'est long... Cela étant, il existe une complémentarité entre les deux modes de transport, et l'on ne va pas supprimer l'avion pour les distances inférieures à 1 500 kilomètres, car les besoins des voyageurs sont différents. On préférera venir de Marseille à Paris en avion si l'on doit ensuite s'envoler de Roissy, et en train si l'on doit rester au centre ville.

Il faudra attendre dix ou quinze ans pour disposer de carburant à base d'algues. Mais, déjà, nous testons avec certaines compagnies comme Qatar Airways la propulsion au gaz liquide et aux biocarburants.

Les 3 milliards d'euros consacrés chaque année à la recherche-développement partent en grande partie vers la sous-traitance. Nous sous-traitons parfois, faute de capacités internes, et nous sous-traitons peut-être trop. Il peut y avoir des fuites de savoir par le biais des sous-traitants : il faut garder un équilibre prudent.

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