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Intervention de Jean-Claude Bouchet

Réunion du 14 janvier 2010 à 9h30
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Bouchet, vice-président de la Confédération des praticiens des hôpitaux, CPH, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux :

Il n'est pas exagéré de dire que les réformes successives de l'hôpital ont provoqué chez les praticiens hospitaliers un grand désenchantement, pouvant confiner à l'amertume, et des difficultés d'exercice au quotidien. De façon certaine, ces éléments vont être accrus par les modifications induites par la loi du 29 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Les praticiens ont en effet l'impression d'une perte de reconnaissance, et éprouvent des difficultés à se repérer dans la nouvelle organisation.

Certes, sa mise en place n'étant pas entièrement achevée, certains espèrent que sa progression amènera une amélioration de la situation. Tel n'est cependant pas mon avis. Un mode de fonctionnement et d'exercice, fondé sur ce qu'on appelle l'équipe médicale, l'unité à taille humaine que représentait le service, travaillant dans une dimension quasi-familiale, a été brisée. La mise en place de pôles d'une échelle beaucoup plus large a dispersé entre médecins les repères anciens qui étaient fondés sur la compétence, notamment celle dont était dépositaire le chef de service en matière d'organisation ou de savoir.

À cet ancien repérage s'en substitue aujourd'hui un autre, plus bureaucratique et disciplinaire. Certes, l'hôpital – l'avion – est désormais dirigé par un seul pilote. Mais celui-ci sera-t-il en situation de le piloter ? La machine n'est pas seulement administrative ou financière, elle doit produire des actes médicaux. Or la production d'actes médicaux est fondée sur l'organisation et la conduite d'une équipe médicale.

Dans les années 1970, les spécialistes ont réalisé des études sur le management de l'hôpital. Nous savions, que, de manière irréductible, il comportait deux zones de pouvoir qui devaient marcher de front, le management administratif et financier et le travail médical. Le mode de management imposé à l'hôpital n'est pas conforme à cette organisation. La responsabilité et l'organisation médicales doivent être respectées ; elles ont une légitimité parallèle à celle de l'administration.

C'est un mode de management calqué sur celui de l'entreprise qui a été plaqué sur l'hôpital. Pourtant l'avenir montrera bien que l'hôpital n'est pas une entreprise comme les autres. Peut-être est-il encore temps de prendre en considération ses éléments spécifiques… Il est essentiel de retrouver la possibilité d'une équipe médicale valorisée et cohérente. La légitimité du fonctionnement de l'hôpital ne doit pas découler essentiellement d'une hiérarchie administrative. Ce point est, au quotidien, extrêmement délicat.

Les différents rapports publiés sur l'hôpital ont mis en évidence les variations sensibles que comporte l'application du statut. La part variable de la rémunération des praticiens présente des différences considérables selon les spécialités et les types d'activités, - activité libérale à l'hôpital, gardes… Nous sommes favorables à un plateau statutaire unique assorti de possibilités de modulation. La contractualisation ne nous paraît pas un mode de rémunération satisfaisant. Aller trop loin dans cette direction et dans l'institution d'une rémunération à l'activité supprimera tout intérêt pour les praticiens de demeurer à l'hôpital ; ils préféreront alors l'activité libérale, où les contraintes qui leur seront imposées seront moins fortes. L'hôpital doit y réfléchir. Indépendamment du montant des rémunérations, il ne peut pas être suscité d'intérêt de travailler à l'hôpital à travers la rémunération à l'activité et la contractualisation.

Enfin, et c'est un point fondamental, la décision de confier des activités de service public au secteur privé modifie l'ensemble des paramètres. Elle impose l'élaboration, en quelque sorte, d'une philosophie du service public. Dans quelles conditions des objectifs lucratifs et des comptes à rendre aux actionnaires peuvent-ils être conciliés avec une problématique de santé publique ? Une réflexion est à conduire. Des règles doivent être établies pour l'attribution de missions de santé publique au secteur privé. Elles devront tenir compte des risques de santé publique qu'induit à nos yeux, pour la population, une démarche lucrative. L'attribution de missions de santé publique au secteur privé doit-elle être la résultante de marchés confiés aux mieux offrants ? Faut-il au contraire instituer d'autres règles ?

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