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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 20 janvier 2010 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Nous ne sommes pas, en l'espèce, dans la procédure classique, mais dans le cadre du droit de tirage. De ce fait, ni la commission, ni le rapporteur ne peuvent se prononcer en opportunité. L'article 141 du règlement ne fait référence qu'aux articles 137 à 139 qui portent sur des conditions formelles -lesquelles ont été vérifiées et font que la proposition de résolution est recevable- et en aucun cas, sur l'opportunité ou le champ de l'enquête car si la majorité peut réécrire les propositions de l'opposition en matière de commission d'enquête, alors il n'y a plus de droit de tirage.

Deuxièmement, j'attire votre attention sur ce qui est proposé en supprimant la référence aux crédits budgétaires : comment expliquer qu'il n'est pas possible à l'Assemblée nationale de créer une commission d'enquête portant sur les crédits qu'elle a elle-même votés ? Cela pose un problème.

Je regrette que le rapporteur n'ait pas tenu compte du communiqué de presse du bureau de l'Assemblée nationale en ce qui concerne la séparation des pouvoirs. Je lis le communiqué du président de l'Assemblée nationale : « le bureau a d'abord réfuté comme l'avait fait la commission des Lois les arguments en faveur de l'irrecevabilité de la résolution tenant au principe de la séparation des pouvoirs ». Il a rappelé que la notion de commission d'enquête était antinomique avec celle de séparation des pouvoirs puisque l'objet même d'une commission d'enquête est de permettre au Parlement d'exercer un contrôle en particulier sur le pouvoir exécutif. Ensuite, si on se réfère à la LOLF et à la décision du Conseil constitutionnel qui encadrent la séparation des pouvoirs dans le domaine des lois de finances, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la LOLF dans ses considérants 25, 100 et 101 indique qu'il y a des missions particulières qui sont celles des pouvoirs publics détenant l'autonomie financière mais elle rappelle aussi que l'Assemblée nationale a le pouvoir d'évaluer toute question relative aux finances publiques.

De la même façon, l'article 57 de la LOLF définissant les pouvoirs des rapporteurs spéciaux chargés du contrôle budgétaire n'institue pas deux catégories de rapporteurs spéciaux, ceux qui suivraient l'exécution des programmes budgétaires et ceux qui suivraient les dotations budgétaires avec moins de pouvoirs. Ce sont les mêmes pouvoirs qui ne sont limités que par les termes de l'article 57 de la LOLF : les rapporteurs peuvent obtenir « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical ». Ce sont les seules restrictions limitant les pouvoirs des rapporteurs spéciaux.

C'est pourquoi le bureau de l'Assemblée nationale avait rappelé qu'en aucun cas la révision récente de la Constitution ne pourrait aboutir à restreindre le champ des commissions d'enquête au point qu'une proportion importante des commissions qui ont été créées par le passé ne pourrait plus l'être aujourd'hui. Or l'amendement qui est proposé par le rapporteur n'est pas un amendement de précision mais de régression ; il aboutirait à ce que si l'Assemblée nationale voulait créer aujourd'hui une commission d'enquête sur la libération des infirmières bulgares, elle ne le pourrait plus et ne pourrait plus auditionner le secrétaire général de la présidence de la République ; en ce sens, il s'agit bien d'un recul.

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