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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 12 janvier 2010 à 21h00
Commission des affaires sociales

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

Je tiens à remercier tant les parlementaires de la majorité pour leur approbation et leurs encouragements que ceux de l'opposition, dont j'ai beaucoup apprécié le questionnement serein. Les questions posées vont d'ailleurs bien au-delà de la pandémie H1N1 et une réflexion collective sera à cet égard nécessaire. Le Gouvernement – je n'échapperai à aucune de mes responsabilités – la mènera en commun avec le Parlement et avec de nombreux autres acteurs, car il nous faudra convoquer non seulement les sciences médicales mais également les sciences humaines. L'exercice promet d'être intéressant.

MM. Jean-Marie Le Guen et Jacques Domergue ont très utilement rappelé le contexte, à savoir la pandémie H5N1 – très peu contaminante, mais au taux très élevé de létalité – contre laquelle notre pays s'est préparé pendant des années – je parle sous le contrôle du délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, M. Didier Houssin. Dès l'apparition de la grippe H1N1, je n'ai pas voulu remettre en cause le dispositif alors mis en place, puisqu'il avait été fondé sur des choix éthiques que l'on peut ne pas partager mais que je revendique. Mais il fallait l'adapter. S'il n'y avait, en effet, qu'une leçon à tirer des crises pandémiques récentes, c'est – comme l'a rappelé M. Dominique Dord – qu'aucune ne ressemblera à une autre et que l'on ne peut reprendre, pour une nouvelle, les choix effectués pour le traitement d'une précédente. La souplesse est nécessaire, même si les choix reposeront toujours sur les mêmes principes éthiques, opérationnels et politiques. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai voulu dialoguer avec vous tous de façon continue – à un point tel d'ailleurs que je me demande si cette méthode de travail n'a pas créé un précédent. Au mois de juin, j'ai invité les parlementaires intéressés par cette question, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.

À cet égard, si une mission d'information – que je ne peux demander puisqu'il s'agit d'une prérogative du Parlement – devait être créée, je n'y serai pas défavorable, au contraire. D'ailleurs, nos échanges ne ressemblent-ils pas finalement au travail d'une telle mission ? Que pourrais-je vous dire de plus en effet qu'aujourd'hui ? Sa création, quoi qu'il en soit, ne me gêne pas.

Je n'ai jamais voulu promouvoir – je le dis plus particulièrement à l'attention de M. Jean-Marie Le Guen, qui n'est plus là – une campagne du tout vaccin. Il s'est d'abord agi d'une campagne de prophylaxie fondée sur les gestes barrière, sur l'information du public ou encore sur la mobilisation du système de santé. C'est ainsi que l'information des professionnels de santé a été multipliée par l'envoi de lettres et par l'organisation, sur le terrain, de réunions par les préfets et par l'administration sanitaire et sociale, qui ont parfois regroupé plusieurs centaines de professionnels. Ce n'est d'ailleurs pas à cette occasion qu'ont été constitués les stocks de masques et de Tamiflu : ceux-ci avaient été constitués – je m'adresse là à M. Michel Issindou – lors de la gestion de la grippe H5N1, et nous n'avons fait que les rafraîchir et vérifier qu'ils n'étaient pas périmés. J'ai d'ailleurs continuellement répété notre doctrine constante en la matière, à savoir que le masque FFP2 était destiné aux professionnels de santé au contact avec les personnes contaminées, tandis que les masques chirurgicaux l'étaient aux personnes malades pour éviter qu'elles ne contaminent leur entourage. Ces masques constituent aujourd'hui un stock de précaution – j'emploie ce mot bien qu'il ait tendance à devenir ici un gros mot ! – utilisable pour toute pandémie : on ne peut attendre que l'une d'elles survienne pour le constituer.

Le dialogue de l'État avec le citoyen dans le cas d'une crise pandémique est un vrai sujet, qui a été d'ailleurs abordé par de nombreux spécialiste de la fonction publique. La difficulté vient du fait que l'on assiste de plus en plus dans nos sociétés contemporaines – en France comme dans le reste de l'Europe – à une consommation de soins sur un mode individuel, dans le cadre du colloque singulier avec « l'offreur de soins » – médecins, professionnels paramédicaux, institutions... Or, dans le cas d'une crise de santé publique, la puissance publique est conduite à assumer une responsabilité qui est dérangeante pour l'opinion publique, laquelle n'a pas l'habitude de voir le ministre de la santé ou les collectivités territoriales organiser des dispositifs de santé. C'est un sujet de réflexion important. Cela peut être l'un des objets de la mission d'information qui, par ailleurs, serait l'occasion d'examiner les moyens de gérer la désinformation sur l'Internet ou encore les multiples interventions de pseudo-experts dans les médias – on a atteint des sommets en la matière la semaine dernière ! – et l'hypermédiatisation, que nous devons gérer.

M. Yves Bur l'a souligné, l'heure des bilans n'est pas venue. Néanmoins, tout le monde y réfléchit et la ministre de la santé en premier. Pour ce qui est de l'opinion publique, sa méfiance n'a cependant pas augmenté avec la campagne de vaccination, bien au contraire. S'agissant des médecins et autres personnels de santé à l'hôpital, je répète que nous avons même gagné en persuasion. C'est ainsi qu'aujourd'hui, le taux d'adhésion des professionnels de santé à cette campagne n'a plus rien à voir avec celui du début. Ces derniers ont été de plus en plus nombreux à comprendre que la vaccination était un acte de prévention, cela grâce à une pharmacovigilance extrêmement pointilleuse que je revendique, même si elle a pu être reprochée aux services – à l'AFSSAPS comme à la Direction générale de la santé. Si nous avons gagné des parts de conviction, c'est aussi parce que le moindre événement indésirable, même mineur, a fait l'objet d'une intervention. Rappelez-vous au début de la campagne de vaccination les polémiques concernant le syndrome de Guillain-Barré et les adjuvants : si nous avons gagné la bataille de la communication en la matière, c'est par une pharmacovigilance, par une transparence, par une communication de tous les instants.

La France a ainsi revendiqué des choix sur les plans éthique et stratégique que je ne développerai pas à nouveau. Que Mme Michèle Delaunay sache simplement que nous avons voulu – pour les raisons qu'a rappelées le Comité consultatif national d'éthique dans son avis – être en mesure, au nom du principe républicain d'égalité, de proposer le vaccin à tous les Français qui le souhaiteraient. Mais, nous avons aussi montré que l'éthique n'était pas incompatible avec la souplesse. C'est ainsi que, lorsque l'OMS est passée au niveau 6 de l'alerte pandémique, nous avons pris la décision de rester au niveau 5, estimant qu'un tel passage serait surdimensionné concernant la France. Je rappellerai, à cet égard, les étapes du dispositif que nous avons piloté : vaccination dans les hôpitaux, puis dans les centres de vaccination ; appel aux généralistes à partir de début décembre pour vacciner les populations isolées ; mise en place de l'actuel système mixte, les médecins étant ensuite seuls aux commandes. Il n'y a jamais eu de volte-face de ma part. J'ai toujours annoncé les phases qui allaient se succéder.

Il n'y a jamais eu de vexation des médecins généralistes. La circulaire dont a parlé Mme Colette Langlade a été envoyée le 3 décembre – et non le 7 janvier pour le 10. Pour préparer la campagne de vaccination, nous avons beaucoup discuté avec les représentants des médecins généralistes et des pédiatres – mais si des cardiologues, des pneumologues, voire des cancérologues comme Mme Delaunay, veulent procéder à des vaccinations, ils le peuvent bien entendu. Les échanges ont été intéressants, encore qu'il n'était pas possible de répondre à la demande des professionnels d'une livraison des vaccins à leur cabinet : la logistique de l'EPRUS n'est pas telle qu'elle permette de livrer 57 000 médecins généralistes, 6 000 pédiatres et plusieurs milliers de spécialistes ! Ce que nous leur demandons, dans un premier temps, c'est de se rapprocher d'un centre de vaccination qui pourra assurer, dans des conditions sécurisées, la livraison des vaccins. Nous ferons en sorte par la suite que des pharmacies référentes leur offrent un circuit pharmaceutique opérationnel après la fermeture des centres de vaccination. Je comprends qu'ils ne veuillent pas de « paperasse », mais un minimum de pharmacovigilance et de traçabilité est nécessaire. Les médecins se sont d'ailleurs eux-mêmes rendu compte des difficultés et des exigences d'une vaccination de masse.

S'agissant des conditions de rémunération des médecins, je rappelle qu'une vaccination dans un centre coûte 5,80 euros, hors le prix du vaccin lui-même. Dans le cas d'un accueil spécifique – c'est-à-dire non pas au détour d'une consultation normale pour laquelle le médecin ne percevra pas de rémunération particulière puisque l'acte de vaccination est très court –, le médecin sera rémunéré à hauteur de 6,60 euros la vaccination. Il me semble me rappeler d'ailleurs que les médecins, lorsqu'ils ont demandé à être associés aux vaccinations, ont souligné qu'il ne s'agissait pas pour eux d'une question d'argent et que leurs conditions de vaccination seraient même moins coûteuses que dans les centres de vaccination...

Quant au prix des vaccins, l'équipe – bien connue des industriels pharmaceutiques pour sa rudesse et son intégrité – composée notamment de Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé, et du directeur de l'EPRUS, les a négociés au plus juste. Cette équipe connaît parfaitement l'industrie pharmaceutique, ses techniques, ses coûts de fabrication…

Enfin, Mme Catherine Lemorton s'est fort justement demandée si la protection devait être populationnelle ou individuelle. J'ai, pour ma part, voulu que ce choix cornélien ne se pose pas en la matière et donc que la protection soit à la fois individuelle et populationnelle. La semaine dernière, M. Benoît Hamon, porte-parole du parti socialiste, a prétendu que pour être efficace face à la pandémie il suffisait de vacciner 30 % de la population. Outre que, s'agissant du parti socialiste, on eût aimé entendre d'autres personnes s'exprimer sur le sujet, je ne sais d'où il sort ce chiffre pour le moins hasardeux. Sur quels critères d'ailleurs choisir ces 30 % ? C'est pour ma part un choix auquel je me suis refusé sur un plan éthique, conformément à l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Nous n'avons pas le droit de choisir, nous devons pouvoir assurer la vaccination à chacun de nos compatriotes qui le souhaite. Oui, c'est le principe d'égalité qui a guidé mon action dans la stratégie de prise en charge de cette pandémie grippale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, j'ai pris un grand plaisir à cet échange, et je reviendrai devant vous chaque fois que vous le souhaiterez.

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