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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 12 janvier 2010 à 21h00
Commission des affaires sociales

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

La première question qui a été posée est de savoir si les scénarios ont été exagérés et si nous avons été trompés par les experts. J'observe pour ma part que les experts ont toujours été très prudents et nous ont proposé plusieurs scénarios. De fait, seuls les faux experts sont péremptoires. Ainsi, en mai 2009, le Professeur Antoine Flahault, homme respectable qu'on ne saurait accuser de collusion avec je ne sais quels lobbys, déclarait dans Le Monde : « Le phénomène envisageable le plus possible pourrait être une répétition de ce qui s'est passé en 1968. Cette année-là avait sévi la forme sévère, dite "grippe de Hong Kong". Dans cette hypothèse, 35 % de la population pourraient être touchés, soit environ 20 millions de personnes en France. Conséquences possibles : un excès de mortalité de l'ordre de 20 000 ou 30 000 décès. À une telle situation, déjà perturbante dans les pays développés, pourrait correspondre, dans les pays pauvres, un scénario plus proche de la pandémie de 1918 ». M. Flahault qualifie, cependant, de « fantasmatique » l'hypothèse de mutations virales entraînant une répétition planétaire de la grippe espagnole. M. Flahaut n'est en rien péremptoire. Il utilise partout le conditionnel pour présenter un scénario parmi d'autres. Les experts sont restés prudents. L'OMS a, certes, été plus péremptoire. Mais, un ministre de la santé qui se prépare à une pandémie grippale ne doit pas choisir d'emblée le scénario le plus optimiste. Il lui faut accepter les différents scénarios proposés par les experts, sans en privilégier aucun. Les charmes de la lucidité a posteriori ont leurs limites.

Par ailleurs, je ne partage pas l'idée que la campagne de vaccination serait un échec. Le taux de vaccination en France est tout à fait comparable à celui de bien des pays européens, et même parfois supérieur. Certes, le Canada et la Suède obtiennent un très grand succès en la matière, atteignant des taux de plus de 50 %, mais il importe d'examiner les raisons de ce succès qui nous interpelle.

Le Canada a organisé sa campagne sur le modèle français, c'est-à-dire autour de centres de vaccination connaissant d'ailleurs aussi quelques difficultés – on a pu voir à la télévision des files d'attente devant les centres canadiens. Face aux cas très sévères qu'a connus le pays et à la présence du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), les Canadiens ont eu très peur et se sont mobilisés, forts d'une culture de santé publique bien plus structurée que dans notre pays.

En Suède, le mécanisme de vaccination s'est appuyé exclusivement sur la médecine ambulatoire, de premier recours. Il faut, cependant, rappeler que l'organisation de la médecine ambulatoire est très différente dans les deux pays. À la différence de la situation qui prévaut en France, les médecins suédois, salariés, ne disposent pas de la liberté d'installation et le système de soins est organisé autour de 1 000 centres de santé pluridisciplinaires pour une population légèrement inférieure à 10 millions d'habitants – ce qui équivaudrait à 6 000 centres de ce type dans notre pays. Il ne s'agit pas ici de débattre des avantages et des inconvénients de ces différents modèles, mais de souligner qu'ils ne peuvent en aucun cas être comparés.

Dans notre pays, la campagne de vaccination s'est développée en tenant compte de diverses contraintes, dont la première est liée aux livraisons de vaccins, qui ont été très progressives. Dès avant la pandémie de grippe, l'adhésion à la vaccination a toujours été très faible dans notre pays, comme dans l'ensemble des pays européens. Notre pays n'est pas une exception sur ce point. Le taux de vaccination reste donc très faible, ce qui doit inviter les pouvoirs publics européens à une réflexion globale sur cette question.

Je dirais pourtant que la conviction a progressé, en particulier chez les professionnels de santé. De fait, alors que moins de 20 % de ces derniers souhaitaient se faire vacciner dans l'hôpital au début de la campagne de vaccination, ils sont maintenant plus de 50 % à l'avoir été – 60 % dans le corps médical, où le pourcentage a pratiquement triplé au fil de la campagne, atteignant parfois 100 % dans des services sensibles, comme ceux de la réanimation ou des maladies infectieuses. Contrairement à l'image que véhiculent certains, l'adhésion à la vaccination n'a donc pas reculé. Elle a même notablement augmenté, chez les professionnels de santé. Je rappelle que, selon un sondage du Quotidien du médecin publié le 21 septembre dernier, un généraliste sur deux ne souhaitait pas vacciner. Force est de constater que le taux d'adhésion à la vaccination a aujourd'hui fortement augmenté, même s'il reste cependant encore beaucoup de travail à faire.

Le taux de vaccination doit être également rapporté aux populations réellement appelées. En effet, compte tenu de la faible disponibilité des produits, nous n'avons appelé que progressivement à la vaccination les personnes concernées, notamment les publics prioritaires. Il est encore trop tôt pour répondre à la question de Mme Touraine, qui demande quel pourcentage des populations à risques a été vacciné. Ces études sont, du reste, très difficiles à réaliser et se heurtent à certaines difficultés éthiques liées à l'impossibilité de croiser les fichiers. Peut-être Mme Weber, directrice générale de l'Institut de veille sanitaire, ou M. Houssin, directeur général de la santé, pourront-ils expliquer les méthodes rétrospectives qui permettront d'analyser, catégorie par catégorie, les personnes qui se sont fait vacciner. Il est, je le répète, encore trop tôt pour le faire. Cependant, les personnes à risque ayant été prioritairement appelées à la vaccination, c'est principalement dans ce groupe que se recrutent les cinq millions et demi de personnes vaccinées.

Face à l'idée, émise par plusieurs d'entre vous, que nous aurions écarté les médecins généralistes, je tiens à rappeler les contraintes que nous avons rencontrées. Ainsi, le vaccin Pandemrix de GSK a été livré dans des boîtes indéconditionnables contenant 50 flacons de 10 doses, soit 500 doses. Certains pays ont fait le choix, incompatible avec la législation française, d'autoriser le déconditionnement des flacons de 10 doses. Rien dans notre situation n'obligeait à déroger aussi gravement à la sécurité pharmaceutique.

Je me suis personnellement rendue chez un grossiste, afin de voir comment il serait possible de procéder au déconditionnement des boîtes de 500 doses. Il m'a été indiqué que, si l'établissement possédait des armoires réfrigérées, il ne disposait pas d'ateliers réfrigérés, ni de personnel formé au déconditionnement des boîtes de vaccins et au reconditionnement des vaccins, ni des équipements nécessaires pour les personnes qui seraient appelées à travailler dans des laboratoires par des températures de 4 à 8 degrés centigrade. J'ai donc tenu à respecter la sécurité pharmaceutique. De plus, la disponibilité progressive des vaccins nous a conduits à appeler d'abord les publics prioritaires. Il était donc difficile d'inscrire la médecine générale dans cette stratégie.

J'ajoute, une fois encore, que nous avons voulu protéger celle-ci. De fait, avec un million de personnes vaccinées dans la semaine précédant Noël, on imagine quelle aurait été la charge de ce million de consultations supplémentaires pour la médecine générale. J'ai cependant indiqué fin novembre, dans une réponse à M. Élie Aboud qui m'interrogeait sur la possibilité pour les médecins de vacciner, que je souhaitais bien évidemment que ces derniers soient associés à la vaccination – un grand nombre d'entre eux sont d'ailleurs venus participer à la vaccination dans les centres, et je les en remercie.

J'avais indiqué que, dès que nous disposerions de vaccins unidose en nombre suffisant, beaucoup plus faciles à manier, nous ouvririons la campagne de vaccination aux généralistes. C'est maintenant le cas, mais depuis peu de temps, car les livraisons de vaccins unidose ne datent que de la fin du mois de décembre. Ce n'est que depuis que nous savons, avec certitude, que nous serons approvisionnés que nous pouvons travailler sur ce sujet avec les médecins.

D'ailleurs, j'observe que les discussions en cours confirment la pertinence des difficultés que nous soulevions. Ainsi, à la différence de ce qui se produit pour la grippe saisonnière, le vaccin ne peut pas être apporté par le patient, qui l'achèterait en pharmacie, car 5 millions de ces vaccins unidose sont livrés en boîte de 10 doses indéconditionnables.

S'ajoute à cela un important travail administratif, le médecin devant assurer, outre l'acte de vaccination proprement dit, l'accueil du patient, l'administration et l'approvisionnement en vaccin. Les centres de vaccination permettent, en revanche, un partage optimal des tâches, de telle sorte que certains médecins peuvent y pratiquer jusqu'à trente vaccinations à l'heure. Pour compléter la réponse que je vous ai faite cet après-midi, madame Lemorton, lors de la séance de questions d'actualité, je précise que, si le professeur Didier Houssin, qui n'a pas la rentabilité d'un médecin généraliste de base, parvient à pratiquer vingt vaccinations à l'heure, c'est précisément parce qu'il n'a pas à assurer toutes ces autres tâches.

Huit semaines après le début de la campagne de vaccination – six semaines si l'on tient compte de la période des fêtes –, certaines difficultés logistiques sont levées et la pandémie diminue au point de passer peut-être prochainement sous le seuil pandémique. Nous devrions donc pouvoir, après une phase mixte où la vaccination sera assurée à la fois par les centres de vaccination et les médecins généralistes, passer le relais à ces derniers dans quelques semaines.

Jamais les généralistes n'ont donc été écartés, vilipendés ou critiqués : nous avons au contraire voulu protéger la médecine générale. C'est également la raison pour laquelle les vaccins peuvent désormais être proposés sur les lieux de travail.

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