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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 12 janvier 2010 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Je m'étonne de la présentation que vous venez de nous faire, madame la ministre. À vous entendre, l'opposition serait responsable de l'échec de la campagne de vaccination ! À vous entendre, les parlementaires de l'opposition auraient recommandé aux Français de ne pas se faire vacciner ! Ce n'est pourtant pas de nos rangs qu'est venue l'idée selon laquelle la grippe A ne serait qu'une « grippette », ni le souhait qu'un effort plus raisonné soit fait en matière de vaccination.

Nous avons indiqué d'emblée que toutes les mesures devaient être prises pour que les Français soient prémunis contre le risque représenté par la grippe A, et nous avons toujours soutenu le principe de précaution.

Nous n'avons jamais remis en question l'utilité de la vaccination, mais nous considérons que les choix du Gouvernement ne sont pas de nature à assurer une parfaite protection des Français. Peut-on parler d'autre chose que d'un échec, alors même que cinq millions de Français seulement ont été effectivement vaccinés ?

Nous avons toujours exprimé des doutes sur le choix, que vous avez revendiqué, de vacciner l'ensemble de la population, mais nous n'avons jamais préconisé d'interdire à certains Français de se faire vacciner.

Pouvez-vous nous assurer que tous les Français considérés comme faisant partie d'une population à risque ont à ce jour été vaccinés ? Les témoignages que nous avons reçus, les uns et les autres, dans nos permanences, montrent que ce n'est pas le cas. N'est-ce pas le signe de l'échec de votre stratégie qui, voulant toucher tout le monde, ne nous a pas permis de vacciner ceux qui en avaient le plus besoin ? Nous aimerions vraiment obtenir des informations très précises sur les catégories concernées – enfants, femmes enceintes, personnes souffrant de maladies respiratoires.

Lors de votre audition du 16 septembre, nous avons exprimé notre inquiétude face au développement du sentiment anti-vaccination. Déjà, il nous semblait que vous ne preniez pas les mesures nécessaires pour y faire face.

Quelles leçons tirez-vous de votre action au moment de dresser un premier bilan ? Comment expliquez-vous ce sentiment ? Je ne peux imaginer que vous allez continuer à affirmer que ce sont les déclarations de l'opposition qui ont poussé la majorité des Français à refuser de se faire vacciner. Si, demain, nous devions faire face à une nouvelle crise sanitaire, que changeriez-vous dans votre dispositif ? Vous avez indiqué à plusieurs reprises que si c'était à refaire, vous referiez la même chose. Pourtant certaines dispositions, interdites hier, sont désormais autorisées, comme les vaccinations par les médecins généralistes ou sur les lieux de travail !

Comment analysez-vous le fonctionnement des centres de vaccination ? Y a-t-il eu des divergences au sein du Gouvernement, entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la santé, sur cette question ? Le choix de la vaccination de masse a-t-il fait l'objet de certains arbitrages ? Il y a longtemps que notre pays n'avait pas connu de telles files d'attentes devant les centres de vaccination, qui rappellent le système soviétique… Demain, si une telle crise se présente, conseillerez-vous à votre successeur de mettre en oeuvre une organisation de ce type ?

Comment expliquez-vous par ailleurs que, quelques mois à peine après avoir voté la loi dite « HPST », qui prétendait faire de la médecine de premier recours le socle de notre système de santé, vous décidiez de vous passer des médecins, qui sont pourtant les professionnels de santé de proximité ?

J'en viens à la question des contrats. Pour nous, ce n'est pas une question de gros sous. Peu nous importe que nous dépensions 100 ou 300 millions de trop : ce qui compte, ce sont les séquelles de cette crise en matière de santé publique. Les Français ne croient pas à la stratégie que vous avez mise en place et leurs doutes ne cessent d'augmenter. De ce fait, lorsque nous aurons à gérer une nouvelle crise, la confiance dans notre système de santé se sera érodée.

Pour revenir sur la précipitation avec laquelle certains contrats semblent avoir été signés, si ses prérogatives de puissance publique permettent à l'État d'annuler certains contrats, des compensations devront nécessairement être accordées. Surtout, alors qu'à l'époque vous insistiez sur l'incertitude de la pandémie, pourquoi n'en retrouvons-nous pas la trace dans les clauses des contrats, ce qui aurait dû permettre d'ajuster nos achats en fonction justement de l'évolution de cette pandémie ? Ce que nous vous reprochons, ce n'est pas d'avoir passé des commandes sur la base d'une double dose de vaccination, mais d'avoir envisagé la vaccination de l'ensemble de la population, sans prévoir de dispositif de repli.

La santé publique est au centre du débat. Or, les Français se sentent floués devant les dépenses excessives qui ont été engagées, à un moment où on leur demande des efforts en matière de santé à travers les déremboursements, l'augmentation du forfait hospitalier, les dépassements d'honoraires… Ils sont en mesure de comprendre que le principe de précaution a un coût s'ils ont le sentiment que l'effort a été justement réparti et que les mesures en direction des plus fragiles ont été prises. Or, ils n'ont pas ce sentiment et c'est la raison pour laquelle il ne s'agit plus d'une crise sanitaire, mais d'une crise politique.

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