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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 22 décembre 2009 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Il est vrai qu'à plusieurs reprises, déjà, le législateur a cherché à organiser la concomitance entre des élections locales. La première fois, c'était en 1990. Or les arguments présentés dans votre rapport, monsieur Perben, rendent un hommage tardif au projet de loi alors présenté par Pierre Joxe, et sont une critique sévère à l'adresse de ses contradicteurs de l'époque. Ainsi, le 21 novembre 1990, Jean-Louis Masson jugeait que la seule cohérence serait de coupler les cantonales avec les municipales. Pascal Clément, l'un des orateurs principaux de l'opposition d'alors, parlait de « loi corporatiste d'intérêts particuliers, faussement finalisée ». La vraie synergie, disait-il, est manifeste entre les élections régionales et les européennes. Enfin, Jean-Louis Debré affirmait que le texte était fondamentalement contraire aux principes généraux du droit.

C'est la sixième fois depuis 1958 que le Parlement s'apprête à modifier la durée des mandats des conseils généraux et régionaux. Il ne fait donc pas de doute que le Conseil constitutionnel l'acceptera, d'autant qu'il s'est toujours refusé à effectuer un contrôle d'opportunité sur les choix du législateur. Mais, sur le plan pratique, des obstacles non négligeables peuvent se présenter.

Ainsi, en octobre 2005, quand le Parlement avait été saisi d'un projet visant à proroger les mandats des sénateurs, des conseillers municipaux et des conseillers régionaux renouvelables en 2007, le ministre de l'intérieur avait lui-même fait valoir que certaines petites communes pourraient être dans l'impossibilité matérielle d'assurer la tenue de plusieurs scrutins distincts aux mêmes dates. De même, le 30 janvier 1997, le Conseil d'État exprimait des réserves sur le principe de la concomitance d'élections, jugeant qu'il comportait, outre de sérieuses difficultés d'organisation matérielle des scrutins, des risques de confusion dans l'esprit des électeurs. Enfin, le Conseil constitutionnel, dans des observations formulées le 7 juillet 2005, attirait l'attention du législateur sur le fait que la concentration des scrutins faisait peser sur les pouvoirs publics, notamment sur la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, une charge trop lourde eu égard aux moyens matériels, et surtout humains, disponibles.

J'en viens aux arguments avancés dans le rapport pour justifier la concomitance. Tout d'abord, on parle de « réintroduire » une concomitance déjà prévue, renouant ainsi avec la logique de coïncidence. Je rappelle que, la dernière fois que le Parlement s'est prononcé en ce sens, le parti aujourd'hui majoritaire dans notre assemblée avait voté contre, au motif que le rythme du renouvellement triennal des conseils généraux amortissait utilement les conséquences politiques des mouvements d'opinion. En 1994, la même majorité conservatrice avait choisi de revenir à des élections par moitié des conseils généraux. Le ministre Romani avait alors invoqué la nécessaire continuité de l'action départementale pour s'opposer aux renouvellements généraux.

Enfin, vous affirmez vouloir favoriser la cohérence politique et la participation électorale. Le premier point, à mes yeux, relève du choix de l'électeur. Quant au second, si la participation a été forte en 1992, cela peut aussi s'expliquer par le fait qu'il n'y avait eu aucun scrutin les deux années précédentes. Et, si le regroupement de scrutins est un facteur d'amplification de la participation, pourquoi les scrutins de 1988, qui ont été également regroupés, ont-ils connu une participation de dix points inférieure à ceux de 2004 ? Je rappelle que le plus fort taux de participation à des élections cantonales – 68 % – a été enregistré en 1982, année lors de laquelle aucun regroupement de scrutins n'avait été organisé.

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