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Intervention de Michel Miné

Réunion du 5 mai 2009 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Michel Miné, professeur de droit du travail au Conservatoire national des Arts et Métiers :

La jurisprudence montre que les femmes qui ont saisi le juge, l'inspecteur du travail, et maintenant la HALDE, ont dû faire preuve de beaucoup de constance. Avant d'en arriver là, elles ont épuisé toutes les voies de conciliation. Parfois, les entreprises seraient prêtes à reclasser les personnes, mais elles renâclent devant le rappel : 240 000 euros par exemple pour une salariée, ce n'est pas négligeable. Or il est difficile de passer outre, d'autant que la jurisprudence parle de « réparation intégrale », laquelle suppose de mettre à néant la discrimination en termes de classification et d'apurement du passif. Beaucoup de discriminations se cachent derrière des intitulés de poste différents pour des fonctions qui sont, en fait, équivalentes.

Des affaires de discrimination syndicale ont conduit à une réparation du préjudice subi par les syndicalistes, avec apurement du passif. Mais les femmes discriminées dans les entreprises concernées ne bénéficient pas du même traitement. Le paradoxe réside dans le fait que le droit s'est construit au niveau européen contre la discrimination sexuelle, mais qu'en France, il est trop peu utilisé en ce sens. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, il sert à agir contre la discrimination syndicale, ce qui prouve qu'il n'y a pas de difficulté technique à l'utiliser. C'est une question de volonté de la part des organisations syndicales et des directions d'entreprise. Il y a des directeurs de ressources humaines prêts à jouer le jeu, mais la direction générale ou financière freine.

Pour en venir à la proposition de loi, j'aurais quelques remarques s'agissant de la représentation des salariées par le biais de la représentation du personnel.

Tout d'abord, il ne me semblerait pas juste d'exiger plus des organisations syndicales de salariés que des entreprises. Ainsi, il faudrait des règles équivalentes dans les instances représentatives du personnel et dans les conseils d'administration et autres structures commerciales.

Pour la représentation du personnel – délégués du personnel, comité d'entreprise et selon des modalités spécifiques comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – il faudrait obtenir une même proportion d'hommes et de femmes sur les listes de candidats que dans l'entreprise. Il faut à la fois atteindre cette proportionnalité et éviter que les femmes ne se trouvent en fin de liste, en prévoyant une alternance relative pour que les femmes et les hommes soient répartis de manière équilibrée sur l'ensemble de la liste. On ne peut pas instaurer autoritairement l'équilibre, mais, s'il n'est pas suffisamment respecté, la liste pourrait ne pas être recevable, comme la proposition le prévoit pour les listes prud'homales.

On peut aussi étaler dans le temps la mise en oeuvre de ces dispositions en fonction de l'effectif de l'entreprise, par exemple dans quatre ans – soit la durée des mandats – dans les entreprises de plus de 1 000 salariés et moduler ensuite par tranche d'effectif.

Si une évaluation de l'application des lois de 2001 et 2006 est réalisée, il faudra qu'elle soit aussi bien quantitative que qualitative.

J'ai eu accès à un document de travail établi par un consultant pour l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) qui pourrait servir à la négociation de branche. Il vise à permettre de mettre en lumière des différences de rémunération pour des fonctions identiques, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg : quid des discriminations si les fonctions ne sont pas identiques, et du déroulement de carrière ? La jurisprudence a pourtant montré que des solutions existent en la matière. Quant à la question des emplois très féminisés, le même document ne comprenait pas de disposition particulière. Dans l'affaire Buscail contre IBM, la cour d'appel de Montpellier a adopté la méthode du juge communautaire, et mis en lumière que vingt ans environ après avoir été embauchés à des niveaux de qualification et de formation comparables, parmi un ensemble de salariés, tous les hommes étaient cadres, alors qu'aucune femme ne l'était. On s'aperçoit que les femmes restent beaucoup plus longtemps à chaque échelon sans que l'entreprise ne soit en mesure de fournir la moindre explication rationnelle.

Il faut d'ailleurs savoir que la salariée dont je vous ai parlé précédemment, avait, dans un premier temps, été déboutée par le conseil des prud'hommes. Les conseillers prud'homaux salariés n'étant pas habitués à détecter les discriminations sexuelles, le plus souvent ne les voient pas et, d'autre part, les conseillers prud'homaux employeurs sont extrêmement réticents à condamner une entreprise pour ce motif.

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