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Intervention de Nadeije Laneyrie-Dagen

Réunion du 8 décembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Nadeije Laneyrie-Dagen :

J'ai peut-être moi-même pu confondre un type de voile qui laisse voir le visage, et dont les conditions de port pour l'accès à l'école des enfants et des jeunes filles dans l'espace public ont été édictées, et un voile intégral que je ne nommerai pas, ayant trop peur de me tromper de termes. Pour moi, c'est ce voile intégral qui est une extension de ce que j'ai appelé le gynécée, un espace qui enferme les femmes dans un espace qui est non pas public – au contraire des apparences – mais un prolongement de l'espace privé. Ses caractéristiques en font un élément de refus évidemment rétrograde d'une place de la femme dans un espace public.

Vous avez évoqué des pratiques religieuses. Dans le christianisme, le lieu où l'on ne voit pas le visage d'autrui, c'est le confessionnal. Indépendamment de toute question de genre, si le visage du confesseur ne doit pas être vu par le confessé, ni celui du confessé par le confesseur, n'est-ce pas pour qu'une parole puisse être exprimée hors de l'espace du quotidien ?

Cette pratique ne signifie-t-elle donc pas, au contraire, que, dans l'espace du quotidien, il faut voir quelque chose de son interlocuteur pour qu'il existe ? Pour reprendre l'expression de M. Glavany, ce n'est qu'au parloir des femmes qui « prenaient le voile » que leurs interlocuteurs étaient privés de leur vue et elles de la leur. La religion chrétienne a donc bel et bien pris en compte l'isolement créé par l'absence de vision du visage.

Parler à quelqu'un et ne pas voir son visage chargé d'émotion est aussi pour nous ce qu'il peut y avoir de plus tragique, de plus terrible et de plus isolant.

Une autre conséquence du port du voile intégral est de mettre la personne qui le porte dans l'état non seulement de ne pas être vue mais de ne pas voir. Peut-être auriez-vous pu interroger Marjane Satrapi. Dans Persépolis, une extraordinaire bande dessinée dont elle est l'auteur, devenue ensuite un film, elle raconte son expérience à l'École des Beaux-Arts de Téhéran. Après bien des vicissitudes, elle essaie d'y dessiner un corps masculin. Le modèle est évidemment entièrement habillé ; il est à distance, à plusieurs mètres d'elle ; il est de dos, pour éviter tout face-à-face ; elle-même porte le voile. Un gardien de la Révolution entre alors et lui fait remarquer qu'elle ne peut pas faire cela. « N'aurais-je pas le droit de dessiner le corps d'un homme ? », demande-t-elle. « Si, lui répond-il, vous le pouvez. En revanche, vous ne pouvez pas le regarder ». « Que dois-je regarder ? », dit-elle. « Regardez la porte, et dessinez l'homme ».

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