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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 15 décembre 2009 à 17h30
Commission des affaires sociales

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

Comme je m'y étais engagée, me voici pour la troisième fois devant vous pour faire le point sur l'évolution de la pandémie et les mesures prises par le Gouvernement pour y faire face. Je serai assistée dans cette tâche par Didier Houssin, directeur général de la santé, et par Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

Je ferai tout d'abord un point sur la progression de l'épidémie. La dernière fois que nous nous étions vus, le 17 novembre dernier, je vous annonçais 360 000 consultations pour cause de grippe par semaine. Depuis, cette première vague s'est renforcée et nous sommes passés, depuis 15 jours, à plus de 850 000 consultations. C'est considérable. La quasi-totalité des prélèvements identifie le nouveau virus A(H1N1) comme cause de ces grippes. Même s'il faut être prudent, la saison de grippe saisonnière n'ayant pas encore véritablement commencé, il semble, phénomène classique, que le nouveau virus a quasiment chassé les autres virus de la grippe qui circulaient auparavant. Au total, on peut estimer que nous dépasserons cette semaine le cap des 5 millions de Français qui ont contracté la grippe depuis le début de cette première vague.

Ce chiffre s'accompagne malheureusement d'un nombre croissant de formes graves et de décès. L'augmentation du nombre de cas graves hospitalisés se poursuit ainsi, avec un total de 743 personnes hospitalisées pour grippe depuis le début de l'épidémie, dont 211 sont toujours en réanimation. À ce jour, on dénombre 145 décès en métropole.

Dans nos territoires ultra-marins, en revanche, l'épidémie marque un répit.

Je voudrais insister sur ces cas graves car, ces derniers temps, les préoccupations relatives à l'organisation de la campagne ont sans doute contribué à rendre moins audibles les messages de santé publique que je porte depuis le début de cette épidémie.

Oui, la grippe A(H1N1) peut être dangereuse. Elle peut provoquer des formes graves, qui parfois évoluent vers le décès, chez des personnes déjà fragiles, mais aussi – phénomène quasi inexistant avec la grippe saisonnière – chez certaines qui ne présentent aucun facteur de risque. Ainsi, parmi les décès que nous déplorons, 25 sont survenus chez des personnes qui ne présentaient aucun facteur de risque, et 4 ont emporté des enfants qui, eux non plus, ne présentaient pas de facteur de risque et qui n'avaient pas 15 ans. C'est pourquoi, je juge insupportables les propos de ceux qui considèrent que nous en faisons trop parce qu'il n'y a « que » quelques décès.

Je ne souhaite pas verser dans l'exploitation de ces décès mais, en tant que ministre de la santé, je ne peux pas en accepter la survenue, alors que nous disposons désormais, grâce au vaccin, d'un moyen de nous en prémunir.

Personne ne peut prétendre avoir d'immunité naturelle complète contre ce virus qui, précisément, est nouveau. On a constaté que les personnes nées avant une certaine date étaient un peu moins sensibles, mais sans que cela signifie qu'elles bénéficient d'une protection aussi efficace que celle que confère la vaccination.

Plusieurs vaccins disposent d'une autorisation de mise sur le marché. Celle-ci n'est pas qu'un sigle. C'est une procédure très encadrée qui vise d'une part, à vérifier l'efficacité d'un médicament ou d'un vaccin, et, d'autre part, à s'assurer que son utilisation ne présente pas de risque, ou, plus exactement, qu'il présente un bénéfice supérieur au risque – on parle de « balance bénéfice-risque ». Et lorsqu'un vaccin se voit accorder une autorisation de mise sur le marché, cela signifie qu'il y a un réel bénéfice de santé à l'utiliser, à titre individuel et collectif.

Je connais la méfiance de certains de nos concitoyens qui ont entendu dire, émanant d'experts autoproclamés, que ces autorisations avaient été bradées. Cela me met en colère, car il s'agit de désinformation volontaire de la part de certains détracteurs de la vaccination. Comment peut-on imaginer qu'une agence de sécurité sanitaire, européenne ou nationale, accorderait une telle autorisation à la légère ? Ces autorisations ont été accordées parce que les résultats des essais réalisés le justifiaient et parce que des travaux préliminaires avaient été réalisés pour des vaccins produits selon la même méthode et dirigés contre le virus H5N1.

En quelque sorte, et parce que nous avions anticipé la survenue d'une pandémie grippale, nous disposions d'un « capital » de résultats d'essais cliniques que sont venus compléter des essais cliniques complets, réalisés sur les nouveaux vaccins.

Aujourd'hui, je souhaite une nouvelle fois rappeler devant vous le message de santé publique qui m'anime et qui guide mes actions : cette vaccination n'est obligatoire pour personne, mais il est de mon devoir de ministre de la santé de recommander à chacun de faire le choix de la protection, pour lui et pour ses proches, contre un virus qui peut prendre des vies.

À ce propos, je me réjouis que le taux de vaccination, chez les médecins de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, ait dépassé les 50 %, et qu'il atteigne même 100 % dans certaines unités. Cette adhésion, qui devrait être un exemple, n'est absolument pas relayée aujourd'hui dans les médias. Il est extrêmement dommageable que certains personnels de santé, ainsi que certains de nos compatriotes en soient restés aux doutes, voire aux dénigrements hélas portés par la presse au début de cette campagne vaccinale.

Quelles sont les perspectives en matière épidémiologique pour les semaines à venir ?

Les toutes dernières données semblent indiquer que l'épidémie se stabilise. Nous sommes sans doute proches du premier pic, comme les experts l'avaient prédit.

Il est probable que, ces prochaines semaines, certains effets s'annuleront, d'une part la fermeture des écoles pour les congés de fin d'année, dont on peut attendre un effet modérateur sur l'épidémie semblable à celui que l'on a connu lors des vacances de la Toussaint, d'autre part l'arrivée de la première vague de froid généralement propice au développement des virus de la grippe. Nous ne sommes, en effet, qu'au début de la saison hivernale qui favorise, en outre, la co-circulation d'autres virus respiratoires qui peuvent multiplier le risque de complications.

Il ne faut pas oublier, enfin, que les pandémies se déroulent souvent en plusieurs vagues successives, d'ampleur variable, les dernières étant malheureusement souvent, si on s'en réfère aux données historiques, plutôt plus virulentes que les premières. Il est donc évident que nous ne devons pas relâcher la vigilance et que la campagne vaccinale doit se poursuivre.

Précisément, où en sommes-nous de cette campagne ? À ce jour, près de 25 millions de Français ont été invités à se faire vacciner. Il s'agit de l'ensemble des populations prioritaires définies par le Haut conseil de la santé publique : personnes particulièrement exposées comme l'ensemble des professionnels de santé et de la chaîne de secours, personnes fragiles souffrant d'une des neuf affections de longue durée retenues par le Haut conseil, ensemble des enfants de 6 mois à 18 ans.

Le reste de la population, c'est-à-dire 40 millions de personnes, va progressivement commencer à être appelée, les envois de bons s'étalant jusque vers la fin du mois de janvier.

Du côté des vaccinations, un peu plus d'un mois après l'ouverture des centres, près de 3,5 millions de personnes se sont fait vacciner, dont plus de 2,8 millions dans les centres de vaccination, 260 000 dans les collèges et lycées, 350 000 dans les établissements de santé et dans la chaîne de secours et 20 000 résidents à l'étranger, dans les ambassades et consulats.

Je souhaite aussi faire un tour d'horizon de la situation dans différents pays qui ont fait le choix d'une campagne de vaccination. Sans entrer dans des comparaisons chiffrées, je signale que la France n'a absolument pas à rougir des résultats obtenus. Seuls deux pays se distinguent vraiment par leur taux d'adhésion et dépassent sensiblement celui atteint en France : le Canada et la Suède, pays où il y a une vraie culture de santé publique. Au Canada, le taux de vaccination atteint 90 % dans certaines régions, avec un système de centres de vaccination semblable au nôtre. En Suède, où l'accès à la médecine libérale n'est pas libre, plus de la moitié de la population a été vaccinée dans les 1 000 centres de santé primaire. Pour le reste, la France fait partie des pays où la campagne vaccinale est la plus avancée.

Je souhaite m'attarder un peu sur la situation de la Belgique, que l'on cite souvent en exemple. Son système de santé libéral est comparable au nôtre, mais ce pays a fait le choix de la vaccination par les médecins de ville. Aussi, j'ai jugé important d'avoir des échanges très nourris avec Mme Laurette Onkelinx, mon homologue belge, pour mieux comprendre la situation dans son pays.

Il en ressort que les professionnels de santé ont eu des difficultés à faire face à la tâche qui leur avait été confiée. Ils ont par conséquent eux-mêmes fait marche arrière et se regroupent désormais dans des structures communales, recréant ainsi des sortes de centres de vaccination « improvisés ». Surtout, hormis ce revirement organisationnel, il y a deux points, relevant de la sécurité sanitaire, qui me font aujourd'hui considérer que le choix que nous avons fait est le bon.

Tout d'abord, le choix de la vaccination par la médecine de ville a obligé les grossistes pharmaceutiques, qui ne disposent pas d'installations réfrigérées, à déconditionner des lots de vaccins livrés en boîtes de 50 flacons de 10 doses, dans des conditions qu'aucun professionnel de la chaîne pharmaceutique ne saurait qualifier de bonnes pratiques. Un tel déconditionnement aurait fragilisé le circuit du médicament, qui est en France l'un des plus sûrs au monde. J'ajoute qu'approvisionner nos médecins libéraux conduirait à approvisionner toutes les officines et que fournir une boîte à chacune de nos 22 000 pharmacies représenterait un total de 11 millions de doses !

L'autre point dur sur lequel je n'aurais pas accepté de baisser la garde est celui de la traçabilité. Vous le savez, nous avons souhaité mettre en place un système de traçabilité et de pharmacovigilance à la hauteur de l'enjeu que représente cette campagne de vaccination et cette traçabilité n'est possible que parce que les centres de vaccination comportent, en leur sein, des personnes dédiées à cette tâche cruciale pour la santé publique. En Belgique, les médecins de ville ont refusé de s'acquitter de ce travail administratif considérable et ma collègue est dans l'incapacité de savoir combien de personnes ont été vaccinées, la seule manière qu'ont les autorités de suivre la campagne vaccinale étant de dénombrer les vaccins qui ont été livrés au circuit pharmaceutique.

Je ne porte évidemment aucun jugement sur les choix faits par Mme Laurette Onkelinx. Je dis seulement que j'ai voulu pour mon pays un dispositif peut-être plus ambitieux et qui offre de meilleures garanties en termes de sécurité sanitaire. C'est la raison pour laquelle la comparaison récurrente avec la Belgique me semble avoir ses limites. Chaque pays fait des choix en fonction de ses priorités. J'ai choisi la sécurité et la transparence.

Comme je m'y étais engagée, justement, la plus grande transparence est appliquée au suivi des événements indésirables rapportés dans le cadre de cette vaccination. L'AFSSAPS publie ainsi, à ma demande et chaque semaine, un bulletin détaillant la totalité des signalements et de leur analyse. Jean Marimbert, son directeur général, pourra y revenir, mais je souligne d'ores et déjà que l'augmentation importante du nombre de personnes vaccinées ne s'est pas traduite par une augmentation anormale du nombre de signalements, qui restent dans les proportions attendues.

À ce stade de la campagne, le bilan est satisfaisant. Nous sommes sur un rythme de l'ordre d'un million de personnes qui se font vacciner chaque semaine. Ce résultat doit néanmoins être encore largement amélioré, au vu du nombre de personnes qui n'ont pas encore bénéficié de l'invitation qui leur a été envoyée. C'est la raison pour laquelle je continue à porter ce message de prévention.

Pour cela, s'il est vrai qu'au début les relais d'opinion ont beaucoup fait pour que les centres ne soient pas submergés, après un passage rendu difficile par une très brusque montée de l'affluence dans les centres – multipliée par 20 en une semaine, pour passer de 10 000 à 200 000 candidats à la vaccination –, nous avons, sous l'impulsion du Président de la République, avec mon collègue Brice Hortefeux, considérablement amélioré l'accès aux centres.

Cette amélioration a été quantitative, avec l'augmentation du nombre de centres ouverts chaque jour, qui approchent les 900 contre 500 en début de campagne, et l'élargissement des plages horaires d'ouverture, de 8 heures à 22 heures, ainsi que le dimanche, dans les grandes agglomérations. Je constate d'ailleurs que ceux-là mêmes qui demandaient que les plages soient plus larges demandent aujourd'hui qu'elles soient réduites. Nous avons voulu que cette amélioration soit aussi qualitative, avec l'amélioration de l'accueil et de la gestion des éventuelles files d'attente. Un sous-préfet a enfin été spécifiquement désigné dans chaque département pour vérifier le bon fonctionnement du dispositif et le strict respect des règles de sécurité sanitaire.

Depuis presque quinze jours, nous avons également élargi les modalités de cette vaccination en multipliant les équipes mobiles, qui permettent de vacciner dans des collectivités comme les collèges, les lycées, les établissements médico-sociaux ou enfin les établissements pénitentiaires.

Nous avons enfin ouvert la possibilité à des médecins, sous réserve qu'ils soient rattachés à un centre de vaccination et y aient fait au moins une vacation, de vacciner leur patientèle isolée et à mobilité réduite.

Cette montée en charge du dispositif a nécessité une mobilisation tout à fait exceptionnelle de professionnels de santé et de cadres administratifs. Ainsi 8 000 médecins, 25 000 infirmiers ou professionnels paramédicaux et 30 000 cadres administratifs ont été mobilisés chaque jour pour faire fonctionner le dispositif dans son ensemble.

Cette mobilisation a été rendue possible par le fait que le dispositif retenu permet de solliciter l'ensemble des catégories de professionnels de santé.

S'agissant des médecins, par exemple, nous avons pu mobiliser des internes, des médecins retraités, des médecins du travail, des médecins de l'Éducation nationale, des généralistes qui ont souhaité participer à cette grande campagne de santé publique, et des médecins du Service de santé des armées. Je veux d'ailleurs réitérer mes profonds remerciements à tous ces professionnels qui se sont remarquablement mobilisés.

L'organisation en centres de vaccination nous a évité de faire porter l'effort sur une seule catégorie de professionnels et permis d'associer l'ensemble de celles-ci. C'est ce qui se serait passé si nous avions confié l'ensemble de la vaccination aux médecins libéraux, comme le réclament certains : alors qu'ils doivent déjà faire face aujourd'hui à un excès de plus de 850 000 consultations par semaine, auxquelles vont bientôt s'ajouter celles pour bronchiolites, gastroentérites et autres pathologies hivernales, c'eut été extrêmement compliqué, pour ne pas dire impossible.

Aujourd'hui, le résultat est là. Depuis quinze jours, le dispositif fonctionne bien. Les files d'attente ont disparu et nous avons triplé le nombre de personnes vaccinées dans les centres.

Certes, il a pu y avoir, ça et là, des problèmes dans l'organisation, en particulier dans la mise en oeuvre des réquisitions. Nous avons par conséquent rappelé par circulaire aux préfets, avec le ministère de l'Intérieur, les bonnes pratiques en la matière :

– respecter l'ordre de priorité des professionnels à mobiliser pour préserver la médecine de ville ;

– s'appuyer sur les listes fournies par les établissements de santé, qui sont les mieux à même de savoir quels professionnels l'on peut mobiliser ;

– ne pas réquisitionner les professionnels plus de deux vacations par semaine ;

– respecter les périodes d'examens des étudiants ;

– ne pas mobiliser les médecins du travail des établissements de santé qui vaccinent les patients hospitalisés et les familles des soignants.

Si ces précautions sont observées, la mobilisation des professionnels de santé, que j'ai observée sur le terrain et dont j'ai déjà salué l'importance, se poursuivra.

Je voudrais, enfin, revenir sur la question de la préservation de notre système de soins dans le contexte actuel. Nous le savons, la médecine ambulatoire doit faire face à la surcharge des consultations pour grippe, alors que les autres pathologies arrivent, ainsi que les fêtes de fin d'année, qui sont toujours une période de tension pour le système de soins. Ces tensions pourraient évidemment être exacerbées par la pandémie.

C'est pourquoi j'ai été amenée à prendre des mesures particulières :

– les 26 décembre et 2 janvier seront considérés, pour l'organisation de la permanence des soins en ville, comme des jours fériés ;

– les préfets pourront rémunérer un plus grand nombre de médecins pour assurer la permanence des soins dans les secteurs qui le nécessitent lors des congés de fin d'année ;

– les centres 15 seront renforcés en augmentant le nombre de médecins libéraux qui participent à la régulation médicale.

Je conclurai en réitérant mes remerciements aux professionnels qui se mobilisent chaque jour dans les centres de vaccination. Leur gentillesse, leur professionnalisme et leur engagement, que j'ai pu constater à l'occasion de mes visites dans des centres de vaccination, m'ont véritablement marquée. J'ai réuni, la semaine dernière, toute la communauté médicale pour lui témoigner ma reconnaissance, mais je veux le redire devant la représentation nationale, au nom du Gouvernement et de nos concitoyens, à qui ils assurent la meilleure des protections en cette période de pandémie.

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