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Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 17 décembre 2009 à 15h00
La poste et les activités postales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg :

…et contre la méthode employée par le Gouvernement, le manque de concertation et d'écoute. Attachés au service public en général, tout comme au bureau de poste de leur quartier, de nombreux habitants ont souhaité ainsi s'exprimer, alors que vous leur refusez la parole.

À aucun moment, en effet, lors des échéances électorales passées, le Président de la République ou les candidats UMP et Nouveau Centre de votre majorité ne se sont présentés devant nos concitoyens pour leur dire : « Votez pour nous, nous allons changer le statut de La Poste pour la transformer en société anonyme » ! Et quand nous vous proposons de donner la parole aux citoyens, par voie référendaire, vous le refusez.

Malgré tout, il vous appartient aujourd'hui, chers collègues de la majorité, de tenir compte de ce message, qui s'est répété de manière analogue dans les milliers de points de consultation citoyenne qui se sont tenus dans le pays, durant la première semaine d'octobre : vous ne devez pas changer le statut de La Poste.

Le passage en force que vous organisez risque surtout de créer des désordres dans le pays, comme à chaque fois que vous avez voulu passer en force, que ce soit dans les universités, lors de la fusion ANPE-UNEDIC ou avec la loi Hôpital.

À chaque fois, vous nous avez dit, courant après le Président de la République : « Il faut réformer, réformer vite ». Maintenant, vous en venez même à articuler, le doigt tournant en l'air et bouche bée – en oubliant certes, dans votre allégresse, les droits d'auteur que vous vous engagiez à défendre lors du débat sur la loi Hadopi ! – « Il faut changer le monde », ce avec quoi nous pourrions d'ailleurs être d'accord si vous nous disiez dans quelle direction vous voulez aller ! Et, à chaque fois, vos réformes, mal préparées, divisent le pays plutôt que de le rassembler et ne répondent pas aux besoins concrets de nos concitoyens.

Aujourd'hui encore, cette mobilisation se poursuit, notamment par une campagne massive de pétition par cartes postales. Vous pourriez même, monsieur le ministre, en signer une, cela donnerait un peu plus de crédit à votre attachement au service public que représente La Poste dans le coeur de nombre de nos concitoyens. J'ai une carte pour vous, monsieur le ministre. J'ai commencé à la remplir avec votre nom et votre prénom : vous n'avez plus qu'à la signer. Je vous la donnerai tout à l'heure.

Monsieur le ministre, une telle mobilisation, qui prend appui tant dans les départements ruraux que dans les quartiers populaires, ne peut pas être anodine. Le service public est au coeur du message que vous adressent celles et ceux qui se sentent agressés par votre volonté de vous plier, une fois de plus, à la toute-puissance du marché, par votre volonté de vous en remettre, comme toujours, au culte de la rentabilité immédiate, la plus forte possible, en oubliant la crise qui va laisser un million de nos concitoyens chômeurs en fin de droits par la magie de l'économie casino que vous révérez et qui constitue le fondement de votre pensée politique et économique.

Ce message que vous ont délivré et vous délivrent encore nos concitoyens se fonde sur leur quotidien. Il peut se résumer ainsi : un prix garanti et égal pour tous et où que ce soit, un délai d'acheminement assuré sans avoir à se ruiner pour envoyer un pli ou un colis, un nombre de jours de distribution garanti, un accueil décent, pas seulement dans les bureaux des quartiers favorisés ou touristiques, avec un nombre suffisant de guichets ouverts, et donc de personnels et, enfin et surtout, une certaine conception du rapport à l'usager que l'on ne voit pas avant tout comme un client à qui il faudrait faire payer le plus cher possible.

C'est en effet parce que le souci premier du service public postal n'est pas la rentabilité que celui-ci a pu couvrir notre territoire d'une manière aussi large et dans des conditions d'égalité exemplaires. Et c'est bien cette disparition d'un service public de proximité qui inquiète, partout sur notre territoire ; c'est bien cette crainte que votre projet de loi nourrit.

Monsieur le ministre, au contraire de la volonté idéologique qui vous guide de construire l'Union européenne par la seule logique du marché et, dans le cas présent, par la création d'un marché privé du courrier, le jugement négatif porté sur votre projet de loi par cette mobilisation en faveur de La Poste vient du fond de notre pays, d'un large arc-en-ciel démocratique et citoyen qui dépasse largement les frontières politiques habituelles de nos débats.

Vous cherchiez un débat sur l'identité nationale : vous le tenez ici, et on voit comment, par votre projet de loi, vous la mettez à mal, cette identité nationale faite de services publics garantis à tous. Mais il est vrai que vous n'avez pas besoin de parler de La Poste pour montrer, les uns comme les autres au Gouvernement, ces derniers jours – vous n'avez pas été en reste, monsieur le ministre ! –, que vous ne maîtrisez plus ce débat vicié sur l'identité nationale, initié à des fins purement électorales.

Pour revenir au sujet qui nous oppose aujourd'hui, ce qui éclaire le jugement négatif des Français sur votre projet d'abandon du statut d'établissement public de La Poste, ce sont les répercussions concrètes et quotidiennes de votre politique continue de démantèlement du service public postal.

Car prenez garde, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, et veuillez excuser cette image, quand on vous entend, sur chaque sujet, et que l'on voit votre volonté de coller à des messages de communication calibrée, vous pourriez, par inadvertance, un soir de fatigue, mettre au grand jour la réalité de votre pensée en vous écriant, la main posée sur le front : « Il n'y a pas écrit service public ici » !

En effet, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la dernière touche à une politique que votre majorité conduit depuis 2002. Politique de suppression de postes : en sept ans, près de 50 000 emplois ont disparu à La Poste. Cette année, près de 11 500 emplois ont été supprimés. Cette politique est menée en ne remplaçant pas les départs de fonctionnaires à la retraite, ou en ne remplaçant pas à son poste d'origine la personne qui bénéficie d'une promotion.

Votre politique d'assujettissement absolu de La Poste en fonction du marché se manifeste également par la fermeture très régulièrement de plusieurs bureaux de poste par jour. Ces fermetures se font le plus souvent au détriment de territoires ruraux, mais aussi de quartiers populaires. Mais cette restructuration peut aussi s'opérer de manière plus insidieuse, sous le couvert des rénovations des bureaux de poste. Ces rénovations s'accompagnent, en effet, souvent d'une restructuration interne du bureau, qui voit les guichetiers disparaître au profit d'îlots. L'éclatement n'est d'ailleurs pas que symbolique et spatial. Les nouveaux îlots ont pour objet premier la vente de produits commerciaux aux usagers transformés ainsi en clients. Par là même, le métier de guichetier est lui-même transformé. La rénovation des bureaux de poste est donc l'un des moyens utilisés pour substituer subrepticement une logique de rentabilité à une logique de service public.

Les usagers ne sont pas dupes lorsqu'ils reviennent dans leur bureau habituel. Ils constatent bien que la rénovation des locaux n'est pas le seul changement apporté et qu'ils sont désormais considérés comme les clients d'un nouveau type de supermarché : le supermarché postal. Les usagers ne sont pas dupes non plus du type de rationalisation du travail à l'oeuvre, lorsqu'ils constatent les effets liés à la généralisation du dépôt des chèques dans une urne. L'éloignement de l'urne par rapport aux guichets empêche les agents d'aider les usagers à remplir leur bordereau. De surcroît, afin de s'assurer que le titulaire du compte dépose bien son chèque conformément à la procédure et non en allant voir un guichetier, ce type d'opération ne doit pas figurer parmi les pièces comptables des agents.

Ces exemples, monsieur le ministre, sont ceux d'une réalité tangible particulièrement sensible dans les quartiers populaires où la Banque postale est souvent, par habitude et surtout par obligation devant la baisse généralisée du pouvoir d'achat des salariés et des retraités, le lieu où les plus fragiles de notre société, les personnes âgées, les citoyens les plus défavorisés viennent plusieurs fois par semaine, parfois même tous les jours, retirer quelques euros de leurs économies pour faire leurs courses et subvenir à leurs besoins quotidiens.

Ce changement que vous avez accompagné leur est néfaste. Ces citoyens aux revenus modestes, souvent titulaires d'un livret A – que vous avez choisi de banaliser, fragilisant ainsi la Banque postale qui doit assumer seule les missions d'accessibilité pour tous – subissent donc l'ensemble des transformations qui les éloignent de ce que doit être un service public.

Ces usagers constatent également votre politique de démantèlement du service public postal au travers des dizaines de filiales que La Poste compte, parmi lesquelles Chronopost, Colipost – chargée de la distribution des Colissimo – ou encore Mediapost – chargée de la distribution des prospectus publicitaires. En interne, la création de ces filiales permet de d'instituer des statuts différents auxquels soumettre leurs salariés et, ainsi, de pratiquer un dumping social. Pour l'usager, cette filialisation à outrance désorganise le service public postal. La dilution de l'organisation du travail et des responsabilités crée alors des dysfonctionnements face auxquels la filialisation, qui en est à l'origine, prive l'usager d'interlocuteur unique. Les effets négatifs de ce démembrement du service public postal par la création de filiales dégradent la qualité du service rendu au public en contraignant les usagers à multiplier les démarches, et en augmentant les temps d'attente et les réclamations.

La création de la Banque postale par votre majorité est, bien sûr, un autre exemple concret de filialisation qui légitime, lui aussi, les craintes provoquées par votre projet de loi. Monsieur le ministre, vous répondez aujourd'hui que le changement de statut de La Poste d'établissement public en société anonyme sera sans répercussion sur sa filiale la Banque postale. Vous affirmez même que celle-ci restera une filiale de La Poste et que l'une comme l'autre demeureront publiques. Mais dans ce cas, pourquoi transformer la société mère La Poste, établissement public, en société anonyme ? Comment pouvez-vous affirmer que le rôle que vous faites jouer à la Caisse des dépôts ne sera pas d'être, à son corps défendant d'ailleurs sûrement, un cheval de Troie d'une future privatisation, en ce sens qu'elle pourra revendre plus tard les parts d'actions qu'elle aura acquises à votre demande ? Comment pouvez-vous donc assurer la représentation nationale que la participation de la Caisse des dépôts sera permanente ? Comme, manifestement vous ne le pouvez pas, votre néologisme, que je ne rappellerai pas,…

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