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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 9 décembre 2009 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Allons ! Ils ne sont pas tous considérés comme des traîtres mais comme des gens qui gagnent leur vie ! Mais nous nous réjouirons qu'ils viennent volontairement en France.

Le Pakistan sera-t-il déstabilisé ? Maintenant que l'armée, peut-être contre le président Zardari, s'est engagée plus qu'auparavant dans la lutte contre ses propres talibans, le Pakistan est dans une situation qui, pour être encore très difficile, n'en est pas moins meilleure qu'elle ne l'était. Je pense que même si la situation politique y est compliquée, le pays n'est pas déstabilisé. Il n'est pas question d'y envoyer des soldats.

D'une manière générale, je le redis, nous ne prétendons pas imposer notre modèle de société – ce serait utopique.

Sans doute le président Obama a-t-il fait grand cas du Pakistan dans son discours, madame Langlade, mais il n'a rien décidé à propos de ce pays où, malheureusement, les attentats se multiplient, ne parlant que de renforts pour l'Afghanistan. Là-bas, les industries, ce sont la guerre, la fabrication d'armes et la drogue.

L'Inde nous encourage à demeurer engagés en Afghanistan. Quant aux efforts actuels du Pakistan, nous les apprécions avec une certaine circonspection, mais le déploiement des deux armées, au Nord et au Sud du pays, a montré une détermination à lutter contre les talibans qui est un élément positif.

Il n'y a pas lieu de s'interroger sur le rôle respectif de l'ONU et de l'OTAN dans la définition d'une stratégie en Afghanistan : il s'agit toujours d'une mission dont le principe a été décidé par l'ONU. Les deux organisations collaborent, l'OTAN étant théoriquement sous l'autorité de l'ONU. On s'apprête à désigner, aux côtés du représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, un représentant civil de l'OTAN et un représentant civil de l'Union européenne. Tous trois seront responsables, ensemble, de l'aide aux populations civiles et de la répartition des millions de dollars de l'aide internationale. Mieux vaudra, évidemment, qu'il s'agisse de fins politiques, l'objectif étant bien de parler aux Afghans pour instaurer la confiance et rendre possible la réalisation d'objectifs communs, telle l'installation d'un système de soins, même rudimentaire. J'espère que les trois personnalités sauront s'entendre pour rendre crédible notre démarche d'afghanisation, maintenant que les décisions stratégiques sont entièrement partagées par tous les membres de l'OTAN.

M. Julia a évoqué le trafic de drogue. De fait, les recettes issues du trafic du cannabis auraient doublé récemment en Afghanistan. Cela signifie que, là où nous avions eu la satisfaction de constater qu'il n'y avait plus de plants de pavot, le trafic de cannabis se développe. Pour ne pas se mettre les paysans à dos, on a évité de détruire les récoltes. Peut-on le faire maintenant ? On a décidé de le faire pour les précurseurs chimiques, mais j'ai des doutes sur l'efficacité des mesures prises. De ces trafics, tout le monde profite, les talibans les premiers mais aussi les paysans et, en réalité, tout l'Afghanistan. On peut certes tenter de convaincre de l'intérêt des cultures de substitution, mais chacun comprendra combien c'est difficile. La corruption est une pratique sociétale très ancienne en Afghanistan, contre laquelle nous avons insuffisamment lutté. Cela dit, ce ne sont pas les paysans afghans qui sont responsables de la consommation, c'est nous, et cette consommation se développe. Si quelqu'un connaît un moyen de remédier à cette situation, qu'il m'en fasse part sans délai.

Vous me demandez, monsieur Souchet, si avec une armée de 100 000 hommes on peut lutter efficacement contre les talibans en Afghanistan. Nous y sommes presque, puisqu'ils seront 100 000 sous peu. Les Soviétiques en avaient déployé 140 000 ; ont-ils été efficaces ? Non, si ce n'est qu'ils ont pu maintenir en place pendant deux ans et demi un gouvernement stable, celui de Mohammed Nadjibullah, qui n'est tombé que parce que le mur de Berlin est tombé, et non parce qu'il était confronté à des difficultés sur le plan local.

Faut-il courir à la poursuite des talibans avec les forces spéciales ? Je ne suis pas un stratège militaire, mais je pense qu'il le faut. Les Soviétiques avaient continué de le faire, mais ils s'étaient concentrés dans les villes, où le contact avec la population était plus facile. Je suis persuadé que l'on ne peut contrôler entièrement l'Afghanistan et qu'il nous faut donc choisir d'intervenir là où notre modèle est mieux connu et plus convaincant. J'observe que personne, en France, ne demandant que nous retirions nos troupes...

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