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Intervention de Jean Proriol

Réunion du 1er décembre 2009 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Proriol, rapporteur :

Les enjeux de ce projet ont déjà été clairement exposés devant cette commission. La semaine dernière, le président Jean-Paul Bailly nous a présenté sa vision de l'avenir de La Poste et a largement insisté sur la nécessité de moderniser ses infrastructures. Dans ce domaine comme dans les autres, l'alternative est simple : il faut soit rechercher la progression, soit accepter la stagnation. Et dans un marché national désormais ouvert à la concurrence, dans une Europe où les opérateurs se livrent un combat acharné pour des parts de marché, stagner signifie à court terme disparaître.

La commission Ailleret a posé un diagnostic incontestable : l'activité postale historique, la distribution de courrier, subit une forte régression, dont les nouvelles technologies sont seules responsables : le pli affronte la concurrence du fax, du mail et du téléphone. Cette révolution rend dérisoire les querelles sur l'extinction du monopole sur la lettre de cinquante grammes, qui ne représente pas un enjeu concurrentiel réel. Les exemples européens sont d'ailleurs frappants : même en Suède, pays où la libéralisation du secteur postal a été décidée au début des années quatre-vingt-dix, le plus gros opérateur alternatif contrôle à peine plus de 5 % du marché. Nous ne sommes pas dans une situation comparable aux marchés de l'énergie et des télécommunications, à la croissance dopée par le progrès technologique. Le secteur postal est en crise et il y a toutes les chances qu'il le reste. Nous ne devons donc pas succomber aux complaintes de ceux qui réclament le retour de la « poste de papa », parce que la « poste de papa » est morte !

La concurrence sera négligeable sur l'activité de courrier de La Poste, c'est un pari que nous pouvons prendre sans risque. En revanche, et parce que nous tenons à l'unité du groupe, il faut entrer dans une lutte âpre dans le secteur des colis, de l'express et, évidemment, dans le champ d'action de la Banque postale. Pour cela, il faut apporter de l'argent et pour apporter de l'argent, le statut de société est le plus adapté. J'entends, à gauche, crier à la privatisation. Mais chers collègues, la SNCF chère au coeur du président Ollier a été une société anonyme privée entre sa création en 1938 par le Front populaire et sa conversion en établissement public par François Mitterrand en 1983. En quarante-cinq ans d'histoire, qui a. douté de son appartenance à la collectivité ? Ni vous ni moi !

Nous sommes tous attachés à la détention de La Poste par l'État. Le Gouvernement s'est engagé à de multiples reprises en ce sens. Le Sénat a apporté tant de précautions à l'article 1er que j'ai rarement vu autant de redondances dans un texte. Vous devez être satisfaits : il y a trois ceintures, quatre paires de bretelles et même un airbag !

La plus importante garantie est un écho au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Ce texte affirme le caractère de service public national. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la loi réaffirme l'attribution à La Poste de quatre missions de service public. Elle est, suivant le néologisme du ministre, « imprivatisable » en l'état. Il faudrait une autre loi pour la transférer au secteur privé et, je peux l'affirmer au nom du groupe UMP, ce n'est pas cette majorité qui la voterait !

Ces missions de service public, précisées à l'article 2 du projet de loi, sont réaffirmées et correctement financées, dans le respect tant des prescriptions du droit communautaire que des intérêts de l'entreprise et de la population. L'aménagement du territoire reste une ligne de force fondamentale, assise sur la fameuse loi du 20 mai 2005 et renforcée par l'inscription dans le texte d'un minimum de 17 000 points de contact sur le territoire national. Son financement est rendu transparent, avec un coût évalué par l'ARCEP et compensé par un allégement fiscal. J'ai reçu les représentants des sociétés de presse, qui n'ont émis strictement aucune critique sur le projet. Enfin, l'accessibilité bancaire à travers le Livret A continue à bien fonctionner, en dépit des prévisions apocalyptiques, dignes de Paco Rabanne annonçant que la station Mir allait s'écraser sur Paris...

Le changement de statut de l'entreprise, une fois décidé, nécessite des transformations et des adaptations. La forme du conseil d'administration du groupe est appelée à évoluer, les mécanismes de retraite complémentaire des personnels également. Il reste quelques problèmes en suspens et je vous proposerai des amendements pour les résoudre.

Voila pour le premier titre du projet, qui a mobilisé l'attention des médias et qui a suscité les plus rapides raccourcis dans les analyses. Le texte comprend un second titre nettement moins polémique, relatif à la transposition en droit français des dernières modifications apportées par l'Union européenne à la directive postale. Il en résulte notamment la disparition du monopole public sur le courrier de moins de cinquante grammes à compter de 2011. La Poste conserve en pratique sa mission puisqu'elle reçoit pour quinze années l'exercice des prestations du service universel. Les opérateurs alternatifs, dont l'activité est soumise à l'autorisation de l'Autorité de régulation, seront mis à contribution pour compenser les montants engagés dans ce cadre à travers un fonds de compensation du service universel dont la mise en oeuvre n'a jamais été demandée par La Poste.

Nous devons faire en sorte que ces transferts financiers soient les plus transparents possibles pour éviter une sanction bruxelloise. Personne ne veut que La Poste connaisse dans dix ans le sort qui a frappé France Télécom, condamnée à rembourser un milliard d'euros d'aides d'État perçues entre 1994 et 2002. La régulation doit être fine, mais elle ne peut pour autant être un retour de la tutelle de l'État sur des activités commerciales situées hors du service universel. Là encore, je vous proposerai des amendements de clarification pour donner à l'ARCEP les moyens dont elle a besoin, et seulement ceux-là.

Comme l'a dit le président Ollier, « cette loi sert à asseoir davantage La Poste dans le secteur public, dans le service public, dans le service du public ». Pour que le citoyen y trouve son compte, il faut qu'il y ait un progrès à ses yeux. La pérennité de La Poste en est bien sûr un. Plus concrètement et plus immédiatement, le Sénat a inscrit que les bureaux de Poste fournissent un accès à internet, ce qui est une bonne idée. Le texte du Gouvernement et le droit en vigueur comportent de nombreuses règles d'aménagement du territoire au bénéfice des campagnes ; le président Ollier et moi-même souhaitons, par un amendement commun, favoriser une amélioration du service pour les centres urbains. Je suis ouvert à toute proposition qui irait dans ce sens, celui d'une meilleure prestation au citoyen.

C'est l'objectif du Gouvernement, j'en suis sûr. C'est l'objectif du Parlement, je le sais. C'est l'objectif de La Poste et cela le restera, quel que soit son statut, j'en ai la conviction.

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