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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 14 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'air :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget de la défense pour 2008 intervient dans un contexte particulier, tout à la fois de bilan de la loi de programmation militaire 2003-2008 et de préparation de l'avenir. C'est pourquoi, au-delà des traditionnels commentaires sur le budget, c'est-à-dire sur les moyens consacrés à notre armée de l'air, je profiterai de l'occasion qui m'est donnée pour évoquer quelques réflexions de nature plus prospective.

S'agissant des chiffres, je ferai simplement observer que l'action 4, « Préparation des forces aériennes » du programme 178, qui a pour finalité le maintien et le renforcement des capacités opérationnelles de l'armée de l'air, prévoit une baisse des autorisations d'engagement de 0,37 % et des crédits de paiement de 0,94 % par rapport à 2007. Les moyens de fonctionnement sont les plus contraints, avec une baisse de plus de 3 % par rapport à 2007, et ce alors même qu'une partie de ces moyens est dépendante du cours du baril de pétrole, en constante mutation. Il faudra donc, en tout état de cause, veiller à préserver le nombre d'heures de vol pour garantir la capacité opérationnelle des pilotes.

En ce qui concerne les crédits d'équipement, le bouleversement complet de la nomenclature du programme 146, passée d'une présentation par armées à une ventilation par systèmes de forces et capacités maîtresses, ne facilite pas la lecture, dans la mesure où elle ne permet plus de disposer d'une base de référence claire pour évaluer les crédits destinés à une armée. J'ai bien compris que c'était là une façon de valoriser la dimension interarmée. Toutefois, un tableau comparatif aurait été utile pour assurer efficacement l'information du Parlement. D'autant que, compte tenu des travaux de remise à plat et de réflexion stratégique en cours, des interrogations peuvent légitimement se faire jour sur les autorisations d'engagement et les crédits de paiement inscrits dans ce programme 146 pour l'armée de l'air comme pour les autres armées.

C'est pourquoi, tous les autres commentaires sur ce projet de budget pour 2008 figurant en détail dans mon rapport, j'en viens immédiatement aux réflexions plus prospectives.

S'agissant de la modernisation en cours au sein de l'armée de l'air, tant au niveau des structures que des pratiques, beaucoup de chemin a déjà été fait, mais de vrais choix restent encore en suspens. En effet, si le plan AIR 2010, décidé en 2000, est bien engagé au niveau de l'organisation du commandement et des pratiques de management, il doit maintenant trouver son prolongement dans la rationalisation du réseau de ses bases aériennes.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que le format devra être réduit. Cependant, cette réorganisation prendra du temps, parce que les bases sont non pas des entités indépendantes, mais des structures qui fonctionnent en réseau, et que l'efficacité de celui-ci repose sur un maillage géographique et fonctionnel équilibré, adapté à l'engagement des moyens aériens. Les choix de rationalisation devront donc s'inscrire dans cette logique de milieu aérospatial, et s'appuyer sur un faisceau de critères. Un premier projet sera présenté en 2008 par l'état-major de l'armée de l'air avant de passer au filtre des examens interarmées et interministériel. En outre, un délai minimum de deux ans devrait être respecté entre l'annonce d'une décision et la fermeture effective d'une base, afin de prendre en compte les effets humains et territoriaux.

Je souhaite pour ma part que ce délai soit mis à profit pour un travail, en amont, avec les élus des territoires, ce qui engage des moyens, car si, comme je l'ai entendu, la défense n'a pas en charge l'aménagement du territoire, l'État a bien, lui, pour responsabilité d'oeuvrer à l'égalité des territoires.

Mais il y a d'autres chantiers de modernisation. Tout d'abord, la création du Service industriel de l'aéronautique, en janvier prochain. C'est un bon exemple de ce qu'il faut faire en matière de soutien. Sans priver l'État d'un outil industriel performant, indépendant et efficace, ce service va permettre un regroupement des savoir-faire et une rationalisation des pratiques afin d'assurer une meilleure qualité de service à moindre coût.

L'externalisation, par ailleurs, reste potentiellement intéressante, à condition qu'elle fasse l'objet d'une coopération réelle des militaires et des industriels. De ce point de vue, l'externalisation de la maintenance de l'outil de formation des pilotes sur la base de Cognac, précédée d'un dialogue compétitif entre militaires et industriels, peut également faire figure d'exemple. On pourrait sans aucun doute envisager de poursuivre cette démarche dans d'autres domaines, dans la mesure où cela constituerait une possibilité de rationaliser les pratiques, d'alléger les charges de gestion courante et, ainsi, de concentrer les moyens disponibles sur l'opérationnel.

Enfin, le contrôle de coûts de revient des marchés de matériels et d'équipements militaires réalisé par le Bureau de l'expertise des coûts de la DGA permet d'avoir une vision claire des coûts constatés et de disposer de références pour les marchés futurs. Ce service a ainsi permis des gains de plusieurs dizaines de millions d'euros sur certains marchés, et il y a là un gisement d'économies à exploiter, y compris pour d'autres services acheteurs en quête de transparence.

S'agissant des matériels, je pense que l'armée de l'air doit préparer l'avenir en poursuivant la modernisation de ses moyens pérennes et en recherchant l'adéquation de ses équipements nouveaux au juste besoin, au service de quatre priorités : assurer la crédibilité de la composante aéroportée de la dissuasion, rétablir la capacité de transport, disposer d'un système de combat polyvalent et adaptable, enfin, acquérir la maîtrise de l'information en temps réel au niveau du théâtre.

Concrètement, sur le Rafale, la passation de la quatrième commande globale de 60 appareils est nécessaire, tant pour la dissuasion que pour la capacité de frappe en profondeur. Elle conditionne la rationalisation de nos forces aériennes, avec le désarmement des Mirage FI, dont le maintien en service coûtera de plus en plus cher. Enfin, elle assure une cohérence industrielle et économique à ce grand projet.

En ce qui concerne l'aéromobilité, nous savons tous que la France ne tient pas son contrat opérationnel en fret dans le cadre de la Force de réaction immédiate. L'A400M est donc très attendu. Quant aux futurs MRTT, un choix rapide s'impose, et je suis de ceux qui pensent qu'une solution pourrait résider dans l'achat immédiat de quelques appareils, à compléter ensuite par un recours à une solution de service.

Quant aux systèmes de combat, la commande des METEOR, missiles longue distance aux performances cinétiques remarquables, et qui conforteront la supériorité indéniable du Rafale face aux menaces aériennes de dernière génération, est maintenant nécessaire.

Je souhaiterais enfin, pour terminer, évoquer la question des drones, après Jean-Louis Bernard. L'obtention du renseignement est une fonction de plus en plus essentielle à la défense et à la sécurité d'une nation, qui conditionne l'indépendance opérationnelle et tactique de ses forces armées. Il est donc impératif que nous maîtrisions la technologie des drones et en équipions nos forces. Or cet enjeu n'a pas, jusque là, été envisagé à sa juste importance. C'est pourquoi j'ai souhaité – et je ne suis pas le seul – que la commission de la défense nationale et des forces armées puisse créer rapidement une mission d'information sur ce sujet majeur.

Voilà quelques-unes des réflexions que je souhaitais porter à nos débat ; mais plus encore, vous l'avez compris, monsieur le ministre, je tenais à vous faire part de notre volonté d'oeuvrer à la réflexion en cours pour notre défense et notre sécurité. Je suis favorable à la réforme juste, d'où qu'elle vienne, et résolu à la critique juste, pourvu qu'elle soit constructive. Avec la conviction que ce que nous avons à faire là dépasse, et de beaucoup, ce que nous pourrions vouloir chacun. Parce qu'il s'agit de la France, de sa place dans la construction européenne, de la place de l'Europe dans le monde, de la part qui sera faite à ces valeurs universelles portées, sous notre drapeau, par les femmes et les hommes de la Défense, à qui je veux rendre ici hommage.

Quant au budget pour 2008, la commission de la défense nationale et des forces armées, à la sagesse de laquelle je m'en suis remis, a émis un avis favorable sur le programme « Préparation et emploi des forces : air », avant d'adopter les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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