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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 25 novembre 2009 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet, rapporteur :

En ce qui concerne les capacités en drones, les pays les plus abondamment dotés sont les États-Unis et Israël. Les Américains se fixent l'objectif de pouvoir conduire simultanément 50 missions permanentes, regroupant chacune une station sol et quatre vecteurs. D'une seule en 2001, ils en disposaient de 34 en 2008, soit 200 000 heures de mission possibles, et visent aujourd'hui les 54 capacités en 2011. Tous leurs moyens sont interopérables, ce qui permet la circulation d'un maximum d'informations en temps réel.

On notera par ailleurs qu'ils ont déployé des drones aux Seychelles pour lutter contre la piraterie maritime.

En Israël, nous n'avons pas obtenu d'informations précises sur les capacités de Tsahal, mais on peut les estimer. Outre des minidrones Skylark en grand nombre, elle dispose de drones tactiques Hermes 450, appareils éprouvés par plus de 150 000 heures de vol et dont l'attrition est particulièrement faible, d'un vecteur toutes les 10 000 heures de vol. Leur empreinte logistique est limitée, l'ergonomie de la station sol est fort élaborée et les fonctions de décollage et d'atterrissage automatiques sont très maîtrisées. Le drone Hermes 450 sert de base au Watchkeeper britannique, développé dans le cadre d'un partenariat entre Thales UK et Elbit.

Sur le segment MALE, les Israéliens disposent de drones Heron 1 et Heron TP. Ce dernier vient d'être mis en service opérationnel et bénéficie d'une ergonomie remarquable : un opérateur est chargé des opérations de décollage et d'atterrissage et deux sont en charge de la conduite de la mission.

Les Israéliens proposent beaucoup de solutions de location de service, y compris dans l'exploitation du renseignement.

En Europe, le Royaume-Uni fait montre d'ambitions comparables aux nôtres. Il développe actuellement le démonstrateur MALE Mantis qui a récemment effectué son premier vol. Le programme Watchkeeper sera mis en service opérationnel en 2010 et, en attendant, Thales UK assure une prestation de location dans le cadre du contrat Lydian, qui comporte quatre systèmes Hermes 450 ayant effectué plus de 20 000 heures de vol, avec un taux de disponibilité de 97 % et ne mobilisant que 10 opérateurs.

L'Allemagne dispose de drones tactiques et nourrit un grand intérêt pour les autres segments. En ce qui concerne les drones MALE, si les Allemands se montrent favorables à une coopération européenne, ils ont opté à court terme pour une solution de location de services proposée par les entreprises IAI et Rheinmetal. Sur le segment HALE, outre l'acquisition patrimoniale de Global Hawk, ils investissent dans le programme Alliance Ground Surveillance (AGS) de l'OTAN.

L'Italie est un acteur majeur en Europe dans le domaine des drones, grâce à la société Finmeccanica. Celle-ci nourrit des ambitions internationales qui se sont notamment traduites par un développement externe aux États-Unis.

Le gouvernement italien s'intéresse aux drones de combat, mais aussi au segment MALE. Il a ainsi manifesté son intérêt pour le projet britannique Mantis même si, en attendant de développer des capacités propres, il a acheté des drones américains Predator A et B, déployés en Irak puis en Afghanistan.

L'OTAN conduit le programme AGS qui vise à se doter d'une capacité autonome en drones HALE de huit vecteurs et 15 stations sol, dont 11 mobiles. Les premières capacités seront livrées en 2012 et les dernières en 2014. L'Allemagne en finance 29,4 %, soit environ 400 millions d'euros. Si la France s'est retirée de ce programme en 2007, elle reste liée en termes d'interopérabilité.

Notre pays a quant à lui déployé des capacités en Afghanistan, mais celles-ci risquent aujourd'hui la rupture. Le Livre blanc a fait de la fonction connaissance et anticipation la première fonction stratégique et préconise de disposer de moyens suffisants pour intervenir sur deux théâtres simultanément tout en conservant des capacités en métropole. Or, pour le moment, nous ne disposons que de capacités intérimaires.

Je rappelle que le SIDM-Harfang avait été développé en attendant l'EuroMALE, projet qui a finalement été abandonné. Le SIDM-Harfang été livré en retard. Acquis pour 41 millions d'euros, le système, composé d'une station sol et de trois vecteurs, présente un potentiel intéressant et a été déployé en septembre 2008 pour la venue du Pape à Lourdes. Depuis janvier 2009, il est mis en oeuvre en Afghanistan, son premier vol sur ce théâtre ayant eu lieu le 17 février. Il faut d'ailleurs souligner le véritable exploit accompli par les techniciens de l'armée de l'air, soutenus par EADS, pour assurer ce déploiement dans des délais aussi brefs. Au cours des débats budgétaires, le ministre a annoncé l'achat d'un quatrième vecteur et d'une seconde station sol. Cela permettra d'assurer la formation et l'entraînement en France et non directement en Afghanistan.

En ce qui concerne le segment tactique, nous disposons de deux systèmes SDTI, dont un est déployé en Afghanistan sur la base avancée de Tora. Il s'agit d'un drone catapulté, dont l'atterrissage est assuré par un système de parachute et de coussins d'air. Ce parc a récemment été renforcé par l'acquisition de six vecteurs canadiens d'occasion, de catapultes plus performantes ainsi que de trois vecteurs neufs achetés auprès de la société Sagem.

Sur le segment des minidrones, nous disposons de DRAC, dont la cible d'acquisition initiale était de 160 systèmes, ramenée à 110 en programmation. Les 25 premiers ont été livrés et 35 autres sont en cours de réception. Ce drone a connu des problèmes d'interférences entre le dispositif GPS et l'infrarouge, ainsi qu'une surchauffe du moteur dans la phase de prise d'altitude. Cela semble compromettre la commande d'une nouvelle tranche conditionnelle de 50 systèmes. Outre ses DRAC, le commandement des opérations spéciales (COS) s'est également doté de Skylark israéliens.

Nos capacités présentées, je voudrais revenir brièvement sur le déploiement de nos drones en Afghanistan. Nous nous sommes rendus dans ce pays et avons constaté que le SIDM-Harfang, fondé sur une plateforme Heron 1, se distinguait par son excellente ergonomie. La liaison satellite, conçue par EADS, n'a pu être mise en oeuvre qu'en repositionnant un satellite pour un coût de six millions d'euros. Elle fonctionne aujourd'hui de façon remarquable. Sur place, nous avons bénéficié du prêt d'un hangar américain, ce qui a facilité l'installation. L'empreinte logistique est importante, de l'ordre de 40 militaires et d'un ou deux techniciens d'EADS. Le coût du soutien industriel est d'environ 90 millions d'euros pour quatre années. L'attrition s'est révélée importante : un drone a été endommagé et un autre a connu des problèmes de moteur. Au moment de notre passage, un seul volait. Pour améliorer les choses, il semble qu'il faudrait remplacer les moteurs à injection par des moteurs à carburation. L'optronique et le système radar sont déjà un peu anciens. On pourrait donc envisager de se doter de capteurs électromagnétiques et d'équiper les vecteurs de caméras sur dérive de nuit, seule la moitié des vols étant effectués de jour.

Le SDTI est particulièrement utile et apprécié. Les deux tiers de ses missions sont de l'appui aux troupes au sol, l'autre tiers étant consacré au renseignement. L'installation des dispositifs de transmission de données RVT-ERS devrait être un progrès.

La difficulté est que le SIDM-Harfang comme le SDTI courent aujourd'hui un risque de rupture, certes atténué par les récents achats de drones tactiques. Nous devons donc envisager de compléter nos parcs, en tenant compte de l'enjeu industriel global, puisqu'on estime qu'en dehors des États-Unis, le marché des drones représentera de huit à 10 milliards d'euros au cours des 10 prochaines années, et le double si l'on inclut les États-Unis.

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