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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Accord avec l'inde pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions, à la demande du bureau de la commission des affaires étrangères, débattre aujourd'hui de cet accord entre la France et l'Inde sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.

Cet accord est important à plus d'un titre. En premier lieu, il concerne l'Inde, immense pays dans tous les sens du terme, avec lequel la France a mis en place, depuis maintenant de nombreuses années, un partenariat stratégique. En second lieu, il concerne le développement d'une énergie – l'énergie nucléaire – dont notre pays est un des leaders mondiaux incontestés. Nos intérêts économiques et commerciaux sont donc tout particulièrement concernés par la ratification cet accord,

Je ne reviendrai pas sur les différents aspects techniques que notre rapporteur Claude Birraux a fort bien décrits. Je souhaite en revanche faire quelques remarques qui me paraissent importantes et susceptibles d'expliquer pourquoi le groupe UMP soutient sans réserves cet accord.

À moins de quinze jours de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique – la conférence de Copenhague, qui se tiendra du 7 au 18 décembre prochain –, cet accord tient toute sa place. En effet, comme l'a rappelé le rapporteur, l'Inde compte plus d'un milliard d'habitants – 1,2 milliard – et sa croissance est continue et régulière. Ses besoins énergétiques augmentent de manière extrêmement rapide, et ce pays est déjà, à l'heure actuelle, le sixième émetteur mondial de gaz à effet de serre.

L'Inde utilise en grande majorité le charbon pour répondre à ses besoins énergétiques croissants : 70 % de sa production électrique provient des centrales à charbon. Moins de 3 % de sa production électrique est d'origine nucléaire, cette électricité étant fournie par dix-sept réacteurs de taille moyenne. Ce pays, qui souhaite faire des efforts substantiels afin de réduire son impact sur le réchauffement climatique de la planète, a donc fait le choix du développement de son parc électronucléaire.

Un tel choix lui permet de concilier, d'une part, sa volonté de maîtriser sa dépendance et sa croissance énergétique, d'autre part, sa volonté de participer aux efforts collectifs en matière de lutte contre la dégradation climatique. Les résultats du sommet de Copenhague sont loin d'être acquis, même si nous espérons tous, sur ces bancs, un accord ambitieux. Le représentant de la Commission européenne aux négociations climatiques évoquait, début novembre, un possible accord dans les trois à six mois suivant la Conférence !

Nous l'avons constaté il y a encore quelques jours, l'Europe, pourtant en pointe sur ce sujet, a du mal à chiffrer sa participation effective à l'aide qu'il faut accorder aux pays émergents. Nous sommes loin du temps où l'Union affirmait qu'elle prendrait sa juste part au financement de la lutte contre le changement climatique ! Ces querelles de chiffres et de répartition du fardeau pèseront sans nul doute sur les négociations.

Face à ces enjeux vitaux pour notre planète, la France se doit d'apporter une aide aux pays qui souhaitent développer de manière pacifique et contrôlée leur capacité nucléaire civile. C'est dans ce sens que nous pensons que cet accord est essentiel. Certes, l'énergie nucléaire suscite des débats, entre autres sur le traitement et le stockage des déchets, mais elle est reconnue comme étant actuellement une source d'énergie peu polluante et dont l'impact sur l'environnement est réduit.

Comme l'a rappelé le rapporteur, cet accord prévoit, dans son article 1er, une coopération dans la recherche fondamentale, le développement et l'utilisation des applications de l'énergie nucléaire, ainsi qu'en matière de gestion des déchets, de sûreté nucléaire, de radioprotection et de protection de l'environnement.

Mes chers collègues, nous le savons, cet accord résulte d'un long cheminement de l'Inde et prend une dimension toute particulière à l'heure où la communauté internationale poursuit des négociations difficiles avec un pays tel que l'Iran, suspecté de procéder, derrière la mise en place d'un parc électronucléaire civil, au développement de l'atome à des fins militaires – la vocation militaire du nucléaire nord-coréen n'étant plus, elle, à démontrer depuis des années !

Paradoxalement, la puissance indienne a fait le contraire, puisque dès 1974, elle procède à un premier essai nucléaire issu d'un programme entamé sur des bases civiles dès l'indépendance du pays, avec l'aide des États-Unis et du Canada. L'Inde ne s'est réellement lancée dans un programme militaire que lorsque la Chine a atteint, en 1964, le statut de puissance nucléaire. Ses derniers essais remontent à 1998.

Ce premier essai de 1974 lui vaut d'être exclue du traité de non-prolifération, que le Premier ministre Indira Ghandi avait refusé de signer dès 1969. C'est d'ailleurs en 1974, à la suite de cet essai, que s'est créé le groupe des fournisseurs nucléaires – le GNF –, qui regroupe aujourd'hui quarante-sept pays et a pour objectif de mettre en place un régime commun sur les transferts des biens et technologies nucléaires.

En 1992, le GFN a adopté une règle générale selon laquelle aucune exportation de technologie nucléaire n'interviendrait en faveur d'États n'ayant pas accepté les garanties généralisées de l'AIEA, c'est-à-dire le placement de la totalité de leur programme nucléaire sous son contrôle.

Avec les rapprochements diplomatiques opérés entre l'Inde et les États-Unis et d'autres pays occidentaux dont la France, la nécessité de faire évoluer le cadre de la coopération s'est fait sentir dès le milieu des années 2000.

En 2006, le Parlement indien vote un plan de séparation entre ces activités nucléaires militaires et civiles. Les activités civiles seront soumises aux garanties de l'AIEA. Aux vues de ces nouvelles garanties – inspections des dix installations sous garantie, mise sous garantie de tous les futurs réacteurs civils à construire – le GFN ouvre la voie à la coopération avec l'Inde en septembre 2008. Si cette décision est possible, c'est en raison des engagements indiens – maintien entre autres de son moratoire sur les essais nucléaires, collaboration à un futur traité d'interdiction de production de matière fissile –, mais aussi parce qu'est reconnu le caractère non proliférant du programme nucléaire indien.

Dans les mois qui suivent, l'Inde signe des accords avec sept pays différents dont les États-Unis, la Russie, le Kazakhstan, la Namibie, l'Argentine. Le pays négocie aussi actuellement avec le Canada.

C'est dans ce cadre qu'est signé l'accord que nous sommes chargés de ratifier aujourd'hui. Les engagements pris par ce pays rapprochent l'Inde du système de non-prolifération en vigueur.

Mes chers collègues, dans un domaine, le nucléaire civil, où la France est un des leaders incontestés, nous ne pouvons nous permettre de rester en dehors de cette coopération. Il en va de nos intérêts économiques.

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