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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Régulation de la concentration dans le secteur des médias — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rejoins la conclusion de notre collègue Michel Françaix : nous avons en effet le sentiment d'être des dupes de la procédure des propositions de loi instaurée par la révision de la Constitution pour donner, paraît-il, davantage de pouvoirs au Parlement. Les techniques utilisées par le Gouvernement consistant à demander la réserve du vote ne sont qu'une incitation à l'abstention de députés lors de la discussion ; c'est une manière d'escamoter la discussion de ces propositions de loi qui ont pourtant toute leur importance.

Revenons à celle qui a été déposée par nos collègues du groupe SRC.

Sachez tout d'abord que notre groupe votera en sa faveur même si nous considérons qu'elle arrive un peu tard. Lorsque la gauche était au pouvoir, entre 1997 et 2002, notre Parlement a voté une loi sur l'audiovisuel et les médias, la loi Trautmann.

Nous étions quelques-uns, bien seuls malheureusement, à aller dans le droit fil de ce qu'avait proposé la gauche pour ce qui concerne les médias, à savoir que des entreprises qui répondent à des commandes publiques ne puissent pas détenir la majorité du capital des chaînes privées. Malheureusement, nous n'avons pas été suivis. Cependant il n'est jamais trop tard pour bien faire puisque seuls les imbéciles ne changent pas d'avis.

Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation inédite sous la Ve République : les amis du Président de la République, pas simplement ceux du Fouquet's, ceux qui étaient membres de cette association que l'on appelait Neuilly communication, créée en 1985 par le jeune maire de Neuilly-sur-Seine et dont M. Françaix a rappelé les noms, outre être propriétaires de chaînes de télévision et de journaux se livrent à une forme de néo-colonisation. Je pense, en particulier, à l'entreprise Bolloré qui exploite des forêts en Afrique.

Du reste, je crois savoir que, lors de son premier voyage en Afrique, le Président de la République s'est rendu chez une personne que regrettent peu les défenseurs des droits de l'homme et qui était poursuivie par l'association Transparency International. Or, comme par hasard, le parquet, aux ordres du Gouvernement, a dit : circulez, il n'y a rien à voir ; on ne s'occupe pas des amis de la Françafrique !

Oui, il faut le dire ici : ce sont les deux plus grands marchands d'armes de notre pays qui sont propriétaires de la plupart des titres de presse. Oui, il faut le dire ici : nous avons assisté à une régression considérable du point de vue démocratique puisqu'un Président de la République nous a expliqué qu'il fallait supprimer plutôt que réformer le CSA étant donné que celui-ci n'était pas indépendant. Aujourd'hui, nous sommes dans une dépendance à la fois politique, éditoriale et économique de toutes les grandes chaînes de télévision, les présidents de l'audiovisuel étant nommables et révocables par le Président de la République.

Si l'on ajoute à cette « berlusconisation » des médias publics ces amitiés, ces petits arrangements entre amis, effectivement il y a atteinte au pluralisme. En effet, je mets au défi quiconque, qu'il soit de droite ou de gauche, de nous dire s'il a vu, sur TF1, des reportages critiques sur le Maroc où la société Bouygues construit des routes et des mosquées, sur les antennes mobiles chargées d'alimenter les téléphones, ou encore, ailleurs que sur Arte ou sur le service public, des émissions, des reportages et des documentaires critiques sur la distribution de l'eau. Et je pourrais dresser la liste des sujets qui sont actuellement tabous sur ces grandes chaînes.

Il y a donc conflit d'intérêts, atteinte au pluralisme et une sorte de monopole du privé lié aux intérêts du Président de la République car ce sont ces journaux, ces télévisions qui lui ont permis d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C'est cette complicité, cette forme d'inceste politique que nous dénonçons. Voilà pourquoi nous voterons cette proposition de loi présentée par nos collègues socialistes, qui vise à réduire la part des entreprises qui répondent à des commandes publiques, dans le capital des chaînes et des médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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