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Intervention de Pierre Gosnat

Réunion du 18 novembre 2009 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Gosnat, rapporteur :

La proposition de loi que les députés communistes, républicains et du Parti de gauche vous soumettent aujourd'hui s'inscrit dans un contexte de double crise : crise du logement, reconnue par tous, qui a pour origine le manque flagrant de logements, et tout particulièrement de logements sociaux, et explosion des loyers dans le parc privé – plus 45 % par rapport au secteur public – depuis leur libéralisation en 1986 ; dans un contexte de crise du pouvoir d'achat des Français.

En matière de logement social, certains sont tentés de croire que la France est privilégiée. Il n'en est rien, et s'il faut saluer l'effort de certains maires qui oeuvrent dans leur ville au développement du logement social, la France est loin de se placer au premier rang européen. On compte ainsi, pour mille habitants, près de 147 logements sociaux aux Pays-Bas, 95 en Suède, 85 au Royaume-Uni, et seulement 69 dans notre pays.

L'autre élément qui motive le dépôt de cette proposition de loi est le désengagement de l'État face à la gravité et à l'ampleur de cette crise. En témoignent la récente suppression du ministère du logement, la baisse constante des crédits alloués au logement, plus particulièrement des aides à la pierre, et l'affaiblissement du rôle de « l'État bâtisseur ». Je m'inscris en faux contre certaines affirmations récentes du Gouvernement selon lesquelles les organismes HLM seraient responsables du faible niveau de construction de logements dans notre pays.

Le Gouvernement considère que l'effort consenti est largement suffisant : il met en exergue les 620 millions d'euros d'aides à la construction, le taux réduit de la TVA, les exonérations de taxes foncières et l'enveloppe de prêts bonifiés de la Caisse des dépôts, qui constitueraient une manne bénéficiant à un secteur refusant de s'adapter. Privatiser 1 % du parc de logements sociaux permettrait, selon les affirmations ministérielles, de récupérer chaque année 2 milliards d'euros. Le Gouvernement fait fi d'un problème essentiel, à savoir le niveau des revenus des locataires occupants. Plus fondamentalement, est-il légitime de transformer un bien public en propriété privée ?

Quant aux 620 millions d'euros consacrés par le budget de l'État à la construction, ils méritent d'être comparés au montant des cadeaux fiscaux consentis sur plusieurs années à des investisseurs – pas toujours bien informés par les promoteurs – afin qu'ils acquièrent un bien destiné à la location. Ces dispositifs, dont la loi Scellier est le plus récent, ont parfois dopé la construction, mais dans des villes et des quartiers où la demande locative est faible, voire inexistante.

Qu'en est-il, dans ces conditions, du « droit à un logement décent et indépendant garanti à toute personne résidant en France de façon régulière », selon les termes de la loi du 5 mars 2007 ?

Outre le désengagement financier de l'État, l'orientation des politiques publiques du logement depuis 2007 soulève de nombreuses questions. De la banalisation et de la décentralisation de la collecte du livret A, votée en juin 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, adoptée en février dernier, le cadre législatif défini par le Gouvernement n'a de cesse de participer au démantèlement progressif du logement social.

La loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion a des effets particulièrement dommageables : obligation de signer des conventions d'utilité sociale, baisse des plafonds, remise en cause du maintien dans les lieux, raccourcissement du délai d'expulsion et hold-up sur le 1 % pour compenser le désengagement de l'État afin d'assurer à court terme le financement de l'ANRU. Ce qui a caractérisé nos échanges lors de la discussion du projet de loi, ce sont bien nos divergences sur le rôle du logement social. La ministre, Mme Boutin, arguait de l'urgence de la situation pour justifier son action, promettant des résultats rapides et efficaces. Dix mois après le vote de la loi, force est de constater que la situation n'a guère évolué et que les difficultés gangrènent toujours le droit de tout citoyen d'accéder à un logement digne.

Face à cette situation, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche réclament la constitution d'un grand service public du logement, jumelé au lancement d'un plan massif de construction de logements sociaux. Or, comme vous le savez, compte tenu des contraintes liées à la rédaction des propositions de loi – je pense notamment à l'article 40 de la Constitution sur leur recevabilité financière –, il ne nous a pas été possible de vous soumettre des propositions d'une telle envergure. Nous avons donc choisi de présenter une série de mesures politiques d'urgence visant à répondre à des enjeux concrets à court terme – mais ces dispositions ne peuvent pas, à elles seules, constituer une rupture nette avec la logique qui prévaut actuellement.

Il paraît plus que jamais nécessaire de réaffirmer le rôle et les missions du logement social, que nous ne souhaitons pas limiter aux locataires les plus démunis mais étendre à l'ensemble des Français comme le garant du droit à l'accès au logement et à la mixité sociale.

Dans le but de rééquilibrer la répartition des logements sociaux entre les communes tout en accélérant les mises en chantier, la proposition de loi pénalise réellement l'inertie des municipalités qui bafouent la lettre et l'esprit de la loi SRU.

Elle propose également d'exclure des règles de l'expulsion locative la partie la plus démunie de la population telle que définie par le code de l'action sociale et des familles, et de protéger de l'expulsion « sèche » par voie judiciaire les personnes à qui il n'est pas proposé un relogement dans des conditions normales.

Dans le même esprit, la proposition de loi institue une obligation pour les prestataires des services de l'électricité, du gaz et du chauffage de ne pas interrompre le service rendu pour non paiement de factures pendant toute la durée de la période hivernale.

Elle entend également conférer une réelle portée à la notion de « droit au logement » en donnant aux préfets un pouvoir effectif de réquisition des logements vides à travers le raccourcissement des délais de constat de la vacance des lieux.

Elle contient d'autres dispositions visant à corriger les conditions d'accès au logement social – en relevant les plafonds de ressources – et celles du maintien dans un logement – en limitant à 20 % le pourcentage du revenu des ménages consacré au logement, mais en incluant les charges.

Enfin, la proposition de loi conforte deux voies de financement du logement social : elle relève le plafond du livret A et prévoit la centralisation intégrale des montants collectés au sein des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts – ce qui permettrait de dégager une marge de manoeuvre supplémentaire en faveur de la construction et de la rénovation de logements sociaux.

Elle institue également une collecte plus efficace de la participation des employeurs à l'effort de construction par un retour à l'assujettissement de toutes les entreprises de plus de dix salariés, en revenant à un niveau effectif de prélèvement à 1 % des rémunérations. Les atteintes déjà portées à ce système ont fait perdre d'importantes disponibilités, qui auraient pu aider les salariés à se loger. Telle était d'ailleurs la vocation de ce système, financé en grande partie par les salariés eux-mêmes. De ce point de vue, le souhait des gestionnaires patronaux du 1 % de l'appeler désormais « Action logement » est plus que contestable.

Cette proposition de loi n'est pas une énième grande loi sur le logement mais un texte comportant une série de mesures concrètes, réalistes, qui peuvent être mises en oeuvre immédiatement. Certaines s'inspirent des conclusions d'un rapport du Conseil d'État de juin 2009, intitulé « Droit au logement, droit du logement ». Ces mesures, susceptibles de corriger les errements d'une politique qui, à bien des égards, s'éloigne de plus en plus de la notion de droit au logement, vous permettent d'y revenir en partie et d'affirmer le rôle essentiel du logement social. Je vous invite donc à la voter en vous promettant, sinon le paradis, tout au moins le purgatoire.

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