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Intervention de Marc Mortureux

Réunion du 18 novembre 2009 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Marc Mortureux, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, AFSSA :

Merci de nous donner l'occasion d'échanger avec vous sur ce projet. Le nouvel établissement reprendra les missions de deux agences de sécurité sanitaire, l'AFSSA, très investie dans les domaines de la sécurité animale, de la sécurité alimentaire et de la qualité nutritionnelle des aliments, et l'AFSSET, qui travaille sur les problématiques de « santé et environnement » et de santé au travail. C'est un moment intéressant pour avoir cet échange car nous sommes dans une phase active de concertation sur la mise en place de cet établissement.

La création d'une seule agence de sécurité sanitaire, au champ d'action très large, est notamment motivée par la nécessité de peser encore davantage à l'échelle communautaire et au niveau international. L'objectif est aussi de répondre à l'attente d'une approche plus globale sur les questions de sécurité sanitaire. C'est le cas par exemple pour ce qui concerne l'exposition à des substances contaminantes telles que le bisphénol : pour être pertinente, l'analyse de risques doit être aussi exhaustive que possible et englober l'alimentation, l'environnement et les conditions de travail.

Enfin, les deux agences actuelles peuvent à l'évidence développer leurs synergies. Même si leurs périmètres sont différents, leurs métiers sont très proches ; sur certains sujets, la séparation entre les deux peut être difficile à comprendre : ainsi dans le domaine de l'eau, les questions relatives à l'eau potable relèvent de l'AFSSA, mais celles qui concernent l'eau de baignade relèvent de l'AFSSET ; et pour l'instruction des dossiers relatifs à la mise sur le marché de produits chimiques en fonction de leur usage, les pesticides et les produits phytosanitaires relèvent de l'AFSSA, tandis que les biocides et la procédure européenne REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) relèvent de l'AFSSET.

La mise en place d'une agence unique va donc dans le sens de la clarté. Néanmoins, la concertation intense que M. Guespereau et moi avons engagée depuis le début du mois d'octobre sur les modalités de mise en oeuvre de ce projet a révélé certaines inquiétudes, notamment au sujet du volet « santé au travail ». Les organisations syndicales et les associations craignent en effet que cette thématique se trouve diluée dans un ensemble beaucoup plus large. Cette inquiétude est accrue par le fait que l'AFSSA a été créée – il y a une dizaine d'années, en même temps que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l'Institut de veille sanitaire (InVS) – avec la volonté d'intégrer un ensemble de laboratoires de référence, ayant des activités de recherche, de mise au point de diagnostics et d'épidémiosurveillance ; l'AFSSA réunit ainsi un peu plus de 1100 personnes, alors que l'AFSSET, qui s'est constituée sans intégrer de noyau préexistant, a des effectifs nettement moins nombreux. Cette comparaison – non pertinente – peut contribuer à la crainte de l'absorption d'une agence par l'autre, mais notre volonté est au contraire de nous appuyer sur les acquis de l'une et de l'autre pour construire ensemble la nouvelle agence.

La concertation a montré, tout d'abord, combien il était important d'afficher et de traduire dans des dispositions concrètes les grands principes qui fondent ces agences.

En premier lieu, la compétence scientifique. Les agences fonctionnent à la fois sur la base d'une expertise interne et à partir du regroupement, dans le cadre de comités spécialisés, d'experts externes choisis en veillant à prévenir tout conflit d'intérêt. Bien entendu, la nouvelle agence ne pourra bien remplir sa mission que si elle est capable d'attirer les meilleurs experts, et nous devons donc faire en sorte que le nouvel ensemble soit attractif.

L'indépendance, ensuite. Les agences ont été construites sur le principe d'une séparation très claire entre l'évaluation scientifique, qui est de leur ressort, et les décisions de gestion, qui relèvent des pouvoirs publics. L'indépendance doit valoir également à l'égard des intérêts particuliers, ce qui implique de prévenir les conflits d'intérêt. Au-delà de tout ce qui existe déjà dans les deux agences actuelles, il a été proposé pour le nouvel établissement de mettre en place un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt, totalement indépendant et qui pourrait être saisi en cas de doute.

La transparence, enfin. Les rapports, avis et recommandations doivent être systématiquement rendus publics. Il convient de les mettre à disposition non seulement des pouvoirs publics, mais de l'ensemble des parties.

La gouvernance est également un sujet qui a été abondamment débattu avec l'ensemble des partenaires. Dans la mesure où les travaux de l'agence vont porter sur des enjeux sociétaux et où les connaissances scientifiques doivent être complétées par d'autres considérations, il faut que cette gouvernance soit très ouverte. Nous souhaitons qu'à l'instar de celui de l'AFSSET, le conseil d'administration de la nouvelle agence, sur le principe des cinq collèges du Grenelle de l'environnement, associe les pouvoirs publics, les mouvements associatifs – ONG environnementales, associations de consommateurs, associations de victimes d'accidents du travail, associations intervenant dans le domaine de la santé –, les partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales –, les organisations professionnelles – du secteur agro-alimentaire, du secteur des produits chimiques, du médicament vétérinaire –, les élus, des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.

Face à l'inquiétude d'une dilution de certaines problématiques, en particulier celle de la santé au travail, nous affirmons notre volonté de préserver la visibilité des grandes thématiques des deux agences actuelles, notamment par la mise en place, auprès du conseil d'administration, de comités stratégiques. Ceux-ci serviraient de lieux d'échanges et de construction de stratégies sur chacune de ces thématiques, et permettraient d'entretenir les relations avec les différents ministères concernés. La nouvelle agence aura en effet cinq ministres de tutelle – travail, écologie, santé, agriculture et consommation. Des dispositions devront aussi être prises pour s'assurer que les moyens accordés par chacun des ministères sont bien affectés aux thématiques qui le concernent.

S'agissant enfin du calendrier, le Gouvernement doit finaliser le projet d'ordonnance et le soumettre au Conseil d'État en décembre prochain, afin que l'ordonnance soit publiée dans le délai fixé par la loi, c'est-à-dire avant le 21 janvier 2010. La procédure de ratification parlementaire suivra. Il faudrait que le décret d'application soit publié assez rapidement, pour que la nouvelle agence puisse être effectivement installée le 1er juillet prochain : il est important, notamment pour le personnel, que le processus ne s'éternise pas.

J'appelle l'attention sur la nécessaire adéquation entre les missions qui seront confiées à la nouvelle agence et les moyens qui lui seront alloués : à l'occasion de la concertation que nous avons menée, l'approfondissement de certaines missions a été souhaité, mais cela suppose que les moyens suivent.

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