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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 17 novembre 2009 à 18h15
Commission des affaires sociales

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

Comme je m'y étais engagée, je reviens aujourd'hui devant vous pour faire le point.

L'épidémie de grippe A (H1N1) progresse, c'est indubitable, même si c'est encore de façon non homogène sur le territoire national. Elle nous a laissé un répit au début de l'automne, sans doute en raison de conditions climatiques favorables, et nous devons nous féliciter de cette chance, puisque cela nous a permis de parachever notre préparation et de lancer la campagne vaccinale avant que le pic épidémique ne soit atteint.

Plus de 360 000 consultations pour grippe sont recensées chaque semaine et l'Institut de veille sanitaire a annoncé, hier 11 décès supplémentaires depuis jeudi dernier, soit au total, 43 décès en métropole depuis le début de l'épidémie. Cela confirme l'accélération de l'épidémie. Mme Françoise Weber, directrice générale de l'Institut de veille sanitaire, vous communiquera les dernières données si vous le souhaitez.

Aux États-Unis, où l'épidémie a commencé quelques semaines plus tôt, on recense entre 4 500 et 6 000 décès, dont plus de 540 chez des enfants. Cela conforte notre analyse de la sévérité possible de cette grippe hautement contagieuse et qui légitime, s'il en était encore besoin, les efforts entrepris par l'État pour apporter une protection à nos compatriotes, en particulier aux plus fragiles et aux plus exposés.

Les premières livraisons de vaccins nous ont permis de lancer, dès le 20 octobre, la campagne vaccinale dans les établissements de santé, puis, le 12 novembre, dans les centres de vaccination, pour proposer, en fonction des quantités de vaccins livrées, la vaccination à l'ensemble de la population dans l'ordre de priorité retenu.

Trois types de populations ont d'ores et déjà été appelés à se faire vacciner :

D'abord, les professionnels de santé, les personnels des établissements médico-sociaux, les personnels des pharmacies et les personnels de la chaîne de secours. Ils sont essentiels pour prendre en charge les patients qui risquent de devenir de plus en plus nombreux. Pour eux, l'enjeu est aussi, et peut-être surtout, d'éviter de prendre le risque de transmettre le virus à un de leurs patients ou une personne fragile dont ils ont la charge. Je rappelle au passage que, lorsqu'on est porteur du virus H1N1, on peut commencer à être contagieux avant d'en présenter les symptômes et faire ainsi courir un risque à ses patients. On est donc ici dans le cadre de la vaccination « altruiste » ;

Ensuite, l'entourage des plus jeunes enfants : parents de nourrissons de moins de six mois et professionnels chargés de l'accueil de la petite enfance. La vaccination de ces personnes est, là encore, particulièrement importante pour qu'ils évitent de transmettre le virus aux plus fragiles, les tout-petits qui, pour les moins de six mois, ne pourront pas être vaccinés, conformément à ce que prévoient les autorisations de mise sur le marché des vaccins ;

Enfin, les personnes fragiles : enfants ou adultes souffrant de pathologies les rendant plus vulnérables au virus. Pour eux, l'enjeu est évidemment celui de la protection directe.

Au total, plus de 7 millions de personnes ont été invitées à se faire vacciner.

Pour accompagner le lancement de la vaccination dans les centres, une grande campagne de communication a été lancée dans le même temps sur les chaînes de radio et de télévision. Elle rappelle que la vaccination protège celui qui se fait vacciner, mais aussi son entourage. On entend, en effet, beaucoup d'âneries à ce propos, en particulier qu'il suffirait, si l'on est atteint, de rester chez soi pour ne contaminer personne. C'est stupide, puisque l'on est contagieux plusieurs jours avant l'apparition des symptômes !

Il me semble important de revenir aujourd'hui devant vous sur les évolutions qui font l'actualité de cette pandémie et de donner plus de détails que je n'ai pu le faire tout à l'heure dans l'hémicycle en répondant à Élie Aboud, dans le cadre contraint des questions d'actualité.

Quel est aujourd'hui le bilan d'étape de ce dispositif exceptionnel, et quelles sont les prochaines échéances ?

L'analyse de l'activité des centres de vaccinations serait un exercice prématuré : nous n'avons que quelques journées de recul et il a été volontairement donné aux préfets la possibilité d'organiser, de façon souple, les horaires de fonctionnement des centres, ce qui rend délicate l'analyse des données.

Je souligne néanmoins que, dès le 12 novembre, date de lancement de cette phase de la campagne vaccinale, 83 % des 1 060 centres ont été activés. Cette première journée a permis à plus de 12 000 personnes de se faire vacciner. En même temps, le rythme des vaccinations s'accélérait dans les établissements de santé, pour atteindre 9 000 à 10 000 vaccinations quotidiennes. On peut estimer qu'hier soir 160 000 personnes avaient été vaccinées en centre ou en établissement de santé.

Je tiens ici à saluer tout particulièrement les préfets, les services territoriaux de l'État et les établissements, qui se sont mobilisés pour rendre possible cette opération de grande ampleur. Je remercie aussi tous les professionnels, médecins, infirmiers, administratifs, qui se sont portés volontaires pour faire fonctionner ces centres. J'ai appris, en allant hier me faire vacciner dans le centre du XIVe arrondissement de Paris, que les personnels avaient travaillé toute la journée du 11 novembre pour mettre au point les derniers détails ; je leur exprime ici ma gratitude. Je remercie enfin les collectivités territoriales qui ont apporté leur soutien au dispositif, en particulier en mettant des locaux à disposition.

Conformément aux engagements que j'ai pris, la plus grande transparence est appliquée au suivi des événements indésirables rapportés dans le cadre de cette vaccination. Cette surveillance, à propos de laquelle, Mme Fabienne Bartoli, ajointe au directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), répondra à vos questions, se fait selon un plan européen de gestion des risques. J'ai déjà eu l'occasion de souligner que le lien de causalité entre la vaccination et un état pathologique justifie une expertise approfondie de la part des autorités sanitaire. L'AFSSAPS publie, à ma demande et chaque semaine, un bulletin détaillant la totalité des signalements et de leur analyse. À ce jour, dans l'ensemble des pays européens, les événements indésirables signalés sont conformes à ce qui était attendu, voire moins nombreux.

La prochaine étape très importante de cette campagne est la vaccination des femmes enceintes et des nourrissons de six à vingt-quatre mois, qui commencera vendredi 20 novembre, comme je l'avais annoncé à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette vaccination était particulièrement attendue car, depuis l'émergence du virus, les experts nous ont indiqué que les femmes enceintes constituaient une population particulièrement à risque.

Ce risque était déjà documenté pour les précédentes pandémies. Il est confirmé pour la grippe A (H1N1) qui, selon les données internationales recueillies en particulier dans l'hémisphère sud et le continent nord-américain, entraîne un taux beaucoup plus élevé de formes graves, voire de décès, dans cette catégorie de la population que dans l'ensemble de la population.

C'est pourquoi j'ai pris, dès l'émergence de la menace, des dispositions pour acquérir différents types de vaccins, fabriqués par différents laboratoires et selon des méthodes diverses. Cela a permis d'élargir la palette des solutions possibles pour les catégories de population que je viens d'évoquer. D'autres pays n'ont pas adopté cette stratégie et le regrettent aujourd'hui. Elle nous a également permis de répondre positivement à la recommandation du Haut conseil de la santé publique d'utiliser préférentiellement des vaccins sans adjuvant chez la femme enceinte, au motif que nous manquons d'informations précises et solides sur l'utilisation des vaccins avec adjuvant pour cette population spécifique.

Le vaccin de Sanofi-Pasteur sans adjuvant vient d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché, et nous disposons dès à présent de quelques centaines de milliers de doses qui nous permettent de proposer la vaccination aux femmes enceintes et aux très jeunes enfants dès vendredi prochain, ce qui est une très bonne nouvelle.

La question d'un schéma vaccinal en une ou deux injections est aussi très importante. Il semble qu'une seule pourrait être suffisante, ce qui serait également une très bonne nouvelle. En effet, passer à une seule injection nous permettrait de proposer beaucoup plus rapidement la vaccination à l'ensemble de la population. Cela simplifierait en outre sensiblement la logistique de la campagne, car la seconde injection doit être réalisée avec le vaccin utilisé pour la première. Cela rendrait enfin la vaccination plus acceptable par la population, point sur lequel M. Didier Houssin, directeur général de la santé, ici présent, a justement insisté hier sur une radio périphérique.

La décision repose sur les résultats des essais cliniques en cours qui viennent compléter ceux nécessaires à la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché. Ces essais doivent analyser le niveau de protection offert par la première injection, mais surtout sa pérennité. Faute d'un recul suffisant, les experts n'ont pas encore trouvé un consensus. En effet, s'ils s'accordent à reconnaître que les vaccins de Novartis, GSK et Sanofi atteignent des critères d'immunogénicité suffisants après la première injection, certains considèrent qu'il est possible de passer à un schéma à une dose dès à présent au moins pour les adultes, en l'absence d'éléments venant prouver que cette protection n'est pas pérenne, tandis que d'autres préfèrent attendre des résultats complémentaires pour faire cette proposition, jugeant que le recul n'est pas encore suffisant.

Le fait que le virus pandémique pourrait circuler sur une plus longue période que le virus saisonnier, donc nécessiter une protection prolongée, incite à une réelle prudence avant de consolider un schéma à une seule injection pour une partie de la population.

Je me réserve, bien entendu, la possibilité de faire évoluer notre position très rapidement si la situation épidémiologique évoluait ou si l'Agence européenne du médicament (EMEA) modifiait ses recommandations. En attendant, j'applique à la lettre – c'est ma responsabilité – les autorisations de mise sur le marché et le schéma vaccinal reste celui préconisé par l'agence européenne, pour chaque type de vaccin. La première dose doit donc être délivrée le plus tôt possible chez les personnes qui souhaitent se faire vacciner et font partie des catégories prioritaires. La seconde est moins urgente, mais reste conseillée.

Quelles seront les étapes ultérieures de cette campagne ?

Une fois que la vaccination des femmes enceintes et des jeunes enfants de moins de deux ans aura commencé, nous lancerons, à partir du 25 novembre, comme l'a annoncé mon collègue Luc Chatel, la vaccination des populations d'âge scolaire. Celle-ci sera réalisée pour les plus grands, c'est-à-dire pour les élèves de collèges et de lycées, dans leurs établissements, et pour les élèves des écoles maternelles et primaires en centre de vaccination, afin qu'ils puissent être accompagnés de leurs parents. Comme j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de le rappeler, la vaccination des scolaires se fera uniquement après accord parental.

Les personnes âgées et les adultes sans facteurs de risque seront vaccinés ensuite, quand les quantités de vaccin seront suffisantes, sans doute à la fin de l'année.

Nous ne sommes pas le seul pays confronté à des controverses au sujet de la vaccination. Il convient, comme l'a justement souligné M. Pierre Méhaignerie, de se méfier des revirements brutaux de situation. Les États-Unis, le Canada et certains de nos voisins européens connaissaient des situations similaires de faible adhésion de la population à la campagne vaccinale. Mais dès que l'épidémie s'est véritablement installée, comme dans ces deux pays d'Amérique du Nord, la population s'est ruée sur les centres de vaccination et la controverse a brutalement changé de cible. Ainsi, aux États-Unis comme au Canada, les files d'attente s'allongent devant les centres de vaccination, posant parfois des problèmes d'ordre public. Dans certains cas, les personnes arrivées après 6 heures du matin ne sont pas admises dans la journée et c'est la pénurie de vaccins qui est critiquée par l'opinion. Aux États-Unis, c'est même le choix du gouvernement en faveur de vaccins non-adjuvés, qui limite les capacités de production des industriels, donc le flux des livraisons, qui commence aussi à être critiqué violemment.

Tout ceci m'amène à rappeler que la lucidité a posteriori reste partout une science aisée…

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